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Histoire et mémoire en Pologne

Série de timbres de 1945–1946 «Varsovie accuse»

Timbre rouge carmin de 1,50 zł. À gauche, vue depuis la place du château en 1939: la colonne Sigismond (premier plan) et le château. À droite, la même vue en 1945: un tronçon de colonne à terre, du château ne reste qu’un amas de gravats.
Le château royal (catalogue Fischer n. 380, collection privée).
Timbre bleu foncé de 3 zł. À gauche, les façades est de la rue St-Jean: l’église des Jésuites, puis la cathédrale St-Jean en 1939. À droite, en 1945: un amas gigantesque de pierres, on ne distingue même plus la rue. Ce qui reste du clocher, penché, émerge des gravats.
La cathédrale Saint-Jean (Fischer n._381, collection privée).
Timbre bleu-vert de 3,5 zł. À gauche, le corps de l'hôtel de ville en 1939, depuis la place du théâtre. À droite, en 1945: l’aile droite est complètement détruite, le beffroi est étêté, la partie centrale n’a plus de toîture.
L’hôtel de ville (Fischer n._382, collection privée).
Timbre noir de 6 zł. La poste principale en 1939: corps de bâtiments néo-classiques de deux étages avec des arcades au rez-de-chaussée. À droite, en 1945: l’aile gauche est éventrée, l’aile droite, sans deuxième étage. Seule l’entrée principale est à peu près intacte.
La poste centrale (Fischer n._383, collection privée).
Timbre marron de 8 zł. À gauche, l'état-major principal, logé dans l’aile droite du palais Saski. Au premier plan, la statue équestre de Joseph Poniatowski. En 1945, il ne reste plus qu’un socle sans statue et, au loin, trois arcades centrales du palais, privées de leurs colonnades.
Le quartier général de l’armée. (Fischer n._384, collection privée).
Timbre violet-gris de 10 zł. L'église Sainte-Croix en 1939, vue du sud-ouest. En 1945, les bâtiments qui la flanquaient ont disparu, le clocher sud n’a plus de clocheton, le clocher nord est détruit.
L’église Ste-Croix (Fischer n._385, collection privée).

Cette série de timbres émis en 1945-1946 témoigne du choc causé par la destruction de Varsovie. Les dégâts témoignaient, pour les Polonais, d'une volonté d'anéantir le patrimoine national et la culture polonaise. Ils s'inscrivaient dans une stratégie utilisée dès la première guerre mondiale  (destruction volontaire de la bibliothèque de Louvain dès août 1914) : détruire le patrimoine de l'ennemi, c'était en faire un peuple sans culture, d'autant plus facile à soumettre…

Parallèlement, ces vues de Varsovie faisaient basculer l'Allemagne du côté de la barbarie. Dans l'inconscient collectif, le Barbares est ce guerrier à peine civilisé ravageant un patrimoine culturel qu'il est incapable de comprendre. Par ce geste, le Barbare se place hors de la civilisation. C'est pourquoi les destructions de guerre ont souvent été exploitées par la propagande. Les Français se sont ainsi servi du bombardement de la cathédrale de Reims en 1914 pour imposer l'idée d'un combat de la civilisation (française) contre la barbarie (allemande).

Les timbres postes, diffusés jusque dans les zones les plus reculées du pays, témoignaient de ce choc, mais aussi d'une volonté d'inscrire les destructions dans la mémoire collective. La vision des ruines devait mobiliser la société, à la fois contre le retour de l'Allemagne et pour reconstruire la capitale. Ils montrent aussi la place occupée par Varsovie dans la mémoire des destructions : le gouvernement polonais en exil à Londres avait émis dès 1941 des timbres représentant des bâtiments de Varsovie détruits en 1939. Aucune autre ville polonaise ne fut représentée de la sorte.

Cette série de timbres, confrontées à la capitale actuelle, permet aussi de prendre la mesure de la reconstruction. On peut ainsi comparer l'église Sainte-Croix en 1939, 1945 et 2008. Sur le timbre de 8 zł, on remarque à gauche la statue de Joseph Poniatowski, qui a été reconstruite à un autre endroit, devant le palais présidentiel. Les trois arches visibles en 1945 restent en 2009 les seuls témoins du Palais Saski.