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Histoire et mémoire en Pologne

§ Un nouveau départ (1295–1385) §

Cracovie, nouveau centre politique

La reconstruction du royaume de Pologne eut pour centre Cracovie, seule seigneurie à pouvoir prétendre jouer ce rôle au lendemain des invasions mongoles. Le centre de gravité politique du pays se déplaçait ainsi durablement de la Grande-Pologne, épicentre du pouvoir des premiers Piast, vers la Petite-Pologne. La Grande-Pologne conservait néanmoins sa primauté dans la hiérarchie catholique, autour du siège archiépiscopal de Gniezno.

L'émergence de Cracovie n'avait cependant rien d'inéluctable. C’est un duc de Grande-Pologne, Przemysł II, qui mit fin à une longue vacance du trône royal en se faisant couronner en 1295. Il fut cependant assassiné quelques mois plus tard. Le sacre suivant eut lieu à Gniezno en 1300. Son bénéficiaire, le roi de Bohème Venceslas II était à la fois duc de Petite-Pologne et de Grande-Pologne. Il mourut néanmoins en 1305 et lorsque son fils fut poignardé en 1306, la dynastie des Přemyslides s’éteignit. C’est en définitive un Piast, Ladislas Petite-Coudée, qui reçut la couronne polonaise en 1320, avec l'appui du pape et du roi de Hongrie et au bout de deux décennies de luttes. Les bases de la renaissance étaient posées, mais le règne de Ladislas aurait pu rester un redressement politique éphémère comme la Pologne en avait jadis connu sans l'action de son fils, Casimir, qui lui succéda en 1333.

Casimir le Grand (1333-1370) : des réformes durables

Un adage polonais dit que Casimir avait hérité d'une «Pologne en bois» et qu'il avait laissé une «Pologne de briques» à ses successeurs. C'est dire l'importance de son règne… Pour construire une telle oeuvre, Casimir chercha d'abord à stabiliser ses relations de voisinage. La rencontre de Visegrad, en 1335, aboutit à la conclusion d'une paix durable entre la Bohème, la Hongrie et la Pologne. Casimir renonça à la Silésie au profit du roi de Bohème, qui abandonnait ses prétentions au trône polonais contre une solide compensation financière. De même, la cession officielle de Gdańsk et de la Poméranie aux chevaliers teutoniques en 1343 permit d'obtenir la paix au nord du pays. Comme dans le cas de la Bohème, Casimir se résignait à entériner la perte de territoires passés depuis de longues années sous le contrôle de puissants voisins.

Ces concessions furent compensées par les conquêtes de Casimir : après s'être affrontés trois ans (1349-1352), Lituaniens et Polonais se partagèrent la Ruthénie (Rus) de Halicz. Casimir prit aussi le contrôle de plusieurs principautés féodales privées d'héritiers, t renforça son autorité sur les autres vassaux. Cette expansion vers l'est avait une conséquence religieuse non négligeable : le Royaume de Pologne incluait désormais une solide minorité orthodoxe. Une autre décision de Casimir contribua à renforcer ce visage multireligieux, qui allait être celui de la Pologne pendant plusieurs siècles : un an à peine après son accession au trône, le roi avait étendu à toute la Pologne le privilège d'immunité que le duc de Kalisz Boleslas le Pieux avait accordé aux juifs en 1264.

La paix intérieure, symbolisée par les importants travaux de fortification entrepris aux frontières, permit à Casimir de mettre en place de profondes réformes. Celles-ci s'appuyaient sur une conjoncture très favorable : la Pologne fut ainsi épargnée par la Peste Noire, qui ravageait la majeure partie de l'Europe. Deux réformes eurent une portée essentielle : un important travail de codification juridique aboutit à la promulgation des statuts de Casimir (1344-1360) qui fixaient le droit coutumier en Grande et Petite Pologne, tout en introduisant certaines innovations. Ils fermaient aussi l'accès à la noblesse. En créant un trésor alimenté par les revenus des mines de sel, les douanes, les impôts fonciers et les revenus des domaines royaux, Casimir donna au souverain une indépendance financière et politique à l'égard des grands seigneurs.

Le nouveau rang de la Pologne, véritable puissance régionale, fut symbolisé par le congrès des trois rois à Cracovie (1364) : le roi de Pologne servit alors d'intermédiaire entre les rois de Bohème et de Hongrie. Cette coopération s'avéra d'autant plus cruciale que ces trois royaumes durent faire face, dans les années suivantes, à des dilemmes dynastiques.

Vers une nouvelle dynastie

À sa mort, Casimir laissait derrière lui un État aux assises solides… à un détail près, essentiel dans une monarchie : il n'avait pas d'héritier. Fort heureusement, le contexte international ne se prêtait pas au déclenchement de guerres de succession ; les voisins de la Pologne préféraient combler pacifiquement ce vide politique. La première solution dynastique fut recherchée du côté de la Hongrie, dont le roi, Louis d'Anjou, fut couronné roi de Pologne en 1370. Pour pérenniser sa dynastie, il promulgua en 1374 le privilège de Košice. Celui- ci garantissait aux nobles le maintien de toutes leurs libertés et les exemptait des impôts, une taxe foncière exceptée. Ils recevaient en autre un droit de consentement à toute contribution exceptionnelle. Grâce à ces concessions, le roi put s'assurer que l'une de ses filles lui succéderait. Edwige d'Anjou fut effectivement couronnée reine en 1384, deux ans après la mort de son père. Toutefois, en se mariant à Ladislas Jagellon, elle donna au trône polonais une option dynastique différente, reposant sur l'alliance avec le grand-duché de Lituanie.

Bibliographie