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Histoire et mémoire en Pologne

§ Catholicisme et culture professionnelle en Haute-Silésie §

les statues les attributs miniers le bas-relief de Sainte-Barbe
L’autel Ste-Barbe de l’église de Sosnica. La table d’autel est surmontée par un ensemble décoratif à deux niveaux couronné par un groupe de statues (sainte Barbe adorée par une famille de mineurs). Deux bas-reliefs surmontés par deux pilastres. Au centre du deuxième niveau, un Golgotha minier.
Étendard syndical: un mineur en uniforme sert la main d’un fondeur en tablier sous le patronage de la Vierge Marie. La scène est entourée d’une inscription «syndicat polonais des mines ZPZZ, section de Ruda Śląska». Aux coins, les dates 1929, 1935 et le sigle syndical.»
Deux exemples de piété professionnelle en Haute-Silésie. À gauche, vue d'ensemble de l'autel Sainte-Barbe de l'église Notre-Dame du Bon-Secours de Sośnica (1936). C’est l'un des nombreux exemples du culte de Sainte-Barbe en Haute-Silésie. Sa composition (on notera les statues, les insignes miniers et le bas-relief gauche) rend bien compte de cette piété régionale et minière. Ce culte n'a pas vraiment effecté par le fait que la sainte ne figure plus au Martyrologium Romanum depuis 1969. À droite, étendard de la section syndicale ZPZZ des mineurs de Ruda Śląska (collection du Musée des mines de charbon de Zabrze.

Les liens entre catholicisme et culture minière sont une spécificité de la Haute-Silésie. Les taux de pratique du Bassin de la Dombrowa, c'est-à-dire de la partie du bassin minier et industriel se trouvant à l'est de la frontière de 1815 n'étaient pas si éloignés de ceux de la Haute-Silésie, mais le catholicisme n'y avait pas suscité de mouvement social structuré. Le syndicalisme chrétien y était aussi faible qu'il était puissant en Haute-Silésie, malgré sa division en deux centrales concurrentes. Même les syndicats « neutres » y utilisaient une symbolique chrétienne et demandaient aux curés de bénir les étendards syndicaux. Ces démarches, qui pouvaient être dictées par la volonté de gagner de nouveaux adhérents témoignaient de la vivacité de ce christianisme ouvrier. Dans d'autres régions, les syndicats pro-gouvernementaux ne s'affichaient pas aux processions…

La datation de l'étendard photographié ci-dessus est malaisé car l'inscription (Syndicat Polonais des Mineurs du ZPZZ, section de Ruda Śląska) cadre mal avec les dates. Le ZPZZ fut en effet fondé en 1937. Il unifiait des syndicats proches du pouvoir, qui avaient rompu pour cette raison avec les syndicats traditionnels. Les dates du drapeau pourraient donc correspondre à la fondation de la section (1929) et à une scission (1935), ou bien à une bénédiction, avec une inscription modifiée les années suivantes.

Ce drapeau s'inscrit dans le catholicisme de Haute-Silésie. On y voit un mineur en uniforme. Il tient d'une main une lampe de travail, serre de l'autre celle d'un fondeur. Cette image de concorde s'inscrit dans un registre traditionnel de solidarité ouvrière (il faut se souvenir cependant que les syndicats de mineurs s'intéressaient traditionnellement assez peu aux revendications des autres ouvriers). La Vierge veille sur cette union, ce qui nous renvoie à la doctrine de l'Église catholique, qui prônait l'entente des classes sociales. Ces drapeaux étaient sortis lors de manifestations civiles, mais aussi religieuses, comme la fête du Christ-Roi.

L'autel de Sośnica : les statues

† Sainte Barbe est ici reconnaissable à ses attributs traditionnels, l'épée, la tour et l'eucharistie.

Elle est vénérée par un mineur en costume de travail, par une mère tenant ses enfants. On peut voir dans la répartition du groupe une métaphore de la famille silésienne, dont la progéniture aurait été réduite à sa plus simple expression par souci d'économie plastique. À la droite de la sainte, l'univers masculin, souterrain, auquel renvoie le bas-relief gauche. À gauche, la sphère domestique, féminine. La mère y remplit son devoir familial en apprenant à prier à son enfant, sans doute pour invoquer la protection du père. Les recherches des ethnologues montrent que cette invocation en faveur du mari exposé au danger était fréquemment pratiquée. Toute la famille se retrouve ainsi unie par l'intermédiaire de Sainte-Barbe.

La sainte était l'objet d'une telle dévotion que les légendes l'entourant avaient été adaptées au contexte régional. Certains récits en faisaient ainsi la fille de †Skarbnik, l'esprit des mines. D'autres situaient la grotte — et non plus la tour — où avait été incarcérée la sainte dans les environs.

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L'autel de Sośnica : les insignes miniers

Le crucifix repose ici sur un bloc qui évoque le Golgotha, le promontoire sur lequel Jésus fut crucifié. Ce roc est décoré des insignes de la mine, le maillet et le pic entrecroisés. Les feuilles de chênes blanches sur fond noir sont celles de l'uniforme des mineurs introduit en Prusse au début du XIXe siècle. Le tout surmonte les mots « Szczęść Boże » (Dieu te donne du bonheur) que les mineurs utilisaient en guise de légende. Dans les récits de la mine, cet échange est d’ailleurs l’un des moyens de savoir si l’on rencontre un homme ou un esprit. Si la personne croisée ne répondait pas, c’est que le mineur avait affaire à Skarbnik qui aimait prendre apparence humaine, notamment celle du porion.

Faut-il voir dans cet autel une analogie entre les mines et les souffrances de la crucifixion ? Oui, car l’imitation du Christ était un élément de la piété de l’époque. Mais la symbolique est plus complexe. Les sacrifices d’un dur travail sont sans aucun doute évoqués, mais c’est aussi une fierté professionnelle qui s’exprime à travers le recours à des symboles qui avaient une connotation positive. La personne qui se serait avisé de les arborer sans y avoir droit (en particulier l’apprenti-mineur) l’aurait vite appris à ses dépends. Outre un don des souffrances qui font du mineur un équivalent du Christ, il faut donc voir dans ce crucifix la marque d’une sanctification du travail.

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L'autel de Sośnica : le bas-relief gauche

Le bas-relief gauche renvoie à une iconographie particulièrement populaire. Sainte-Barbe vient porter la communion à un mineur mourant. La sainte était en effet invoquée pour préserver le houilleur des dangers du métier, mais elle était aussi patronne de la Bonne Mort. Lorsque les circonstances ne permettaient pas de recevoir † l'extrême-onction, ce qui était le cas des accidents souterrains, l'intercession de la sainte devait permettre au défunt de voir ses pêchés absouts. Il pouvait ainsi espérer atteindre le paradis.

On remarquera l'équipement sommaire des mineurs, reflet de conditions de travail difficiles. Les casques sont rudimentaires, les houilleurs n'ont pas de bleu de travail, mais un pantalon et une chemise. La chaleur reignant dans les veines souterraines les incitaient souvent à travailler torse-nu.

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