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Ainsi il est un fait à prendre en compte que c'est la notion d'échelle qu'il conviendrait ici d'élargir afin de penser les symétries fractales, qu'elles traversent en les engendrant, en terme ontologique et substantiel

Générateur de phrases


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Électrochoc pour schizophrène

Au milieu des années 1970 la France a perdu, du moins dans les media de masse (y compris ceux qui se vantaient d'avoir une base intellectuelle solide), tout esprit critique. La « pensée » est devenue le résultat du vote d'anonymes sans histoire et sans culture. Hélas, cela impliquait que la plupart des jeunes gens, qui avaient recours aux journaux comme première source de savoir, perdaient toute idée de ce qui fait la force de la philosophie et de la science. De nombreux concepts à la connotation magique, utilisant des mots comme « complexité », « auto-organisation », « bruit », vinrent remplacer la réflexion, avec toutes sortes de jeux de mots censés remplacer la pensée rationnelle. Cela explique que le développement de la thermodynamique autour de son second principe, spécialement en France, ait été considérablement ralenti. Et ce n'est qu'après la mort de Rolf Landauer (en 1999) que certains commencèrent à comprendre le principe de la physique de l'information qu'il avait découvert en 1961, systématiquement occulté en raison de ses conséquences remarquables pour la physique du monde vivant.

Il fallait réagir, même si c'était sans grand espoir. Cet article paru dans La Recherche , n° 297 avril 1997, page 94, a suscité bien des commentaires, comme toute l'affaire Sokal (pour s'en faire une idée, voir par exemple, un texte intéressant en anglais à ce sujet, commentant cette fois de façon positive, Number and Numbers d'Alain Badiou).

Voici quelques générateurs de phrases ou de textes (attention, les liens tendent à disparaître, ils sont régulièrement mis à jour)

En parallèle le plagiat ne cesse de se développer.

Dois-je en rougir ? J’ai fait partie des chahuteurs de Jacques Lacan - l’un des maîtres épinglé par Alan D. Sokal - lorsqu’il faisait son séminaire, rue d’Ulm, le mercredi à midi si je me souviens bien. Un jour, une fumée d’encens s’élève sous la table. Le maître, nœud papillon bien ajusté, en est à " l’objet-petit-a(autre) "... La sténotypiste s’enfuit en criant, qu’elle ne "veut pas mourir " ! Et l’orateur, au lieu de prendre le rôle de Laïus, qu’il tenait pourtant si bien et de nous traiter comme les Œdipe que nous étions, s’étrangla de rage...

Lacan est devenu depuis avec d’autres, outre-Atlantique, le prophète de ces affirmations commodes qui contiennent tout et son contraire.

Des esprits facétieux ont même mis au point un générateur aléatoire de propos postmodernes, disponible sur le Net dont les phrases pourraient souvent se retrouver dans des textes, hélas ! pris au sérieux (1). Parce que " l’inconscient est structuré comme un langage " et parce que les mathématiques sont une sorte de degré zéro du langage, celles-ci auraient-elles un rapport avec l’inconscient ? Toujours est-il qu’elles jouent un rôle central chez Lacan. On trouve dans son œuvre, à côté de métaphores géométriques, des formules d’allure mathématique pour décrire telle ou telle propriété de l’inconscient. Ces formules qui tiennent du collage dadaïste n’ont pas d’autre sens qu’allégorique... Mais leur raison d’être est d’en imposer et de laisser croire qu’elles expriment des lois, à la manière de celles qu’exposent les sciences exactes pour rendre compte des faits. La science est alors reine et l’on se pare de son autorité. Dans le même temps, le discours postmoderne à l’américaine dénonce la science comme incapable de traiter des faits humains, de l’univers mental, etc. On la dit purement mécaniste, on la dénigre en bloc, sans chercher à comprendre. C’est ce comportement schizophrène qu’accuse le canular du professeur Sokal. Que la science soit produite par des hommes, au sein de sociétés, avec un langage, soit. Mais cela n’entame pas sa nature propre et son anonyme universalité. Telle est la leçon (2).

(1) http://www.cs.monash.edu.au/links/fun.html (ce lien n'existe plus, malheureusement)

(2) Pseudoscience

Admiration ou plagiat ?

Publié en février 2011 dans la revue BoOks.

La contrefaçon est punie par la loi. Et c'est bien ainsi : il est normal et sain de rendre à son auteur sa création. Au surplus, le plagiat ne fait que mettre en évidence la vénalité, l'indigence de la pensée et la nullité du cerveau des plagiaires. Mais cette pratique est-elle universelle ? Comme dans beaucoup d'autres domaines, il faut considérer le plagiat, ou plutôt la copie servile, dans son contexte particulier. Ailleurs, en Asie par exemple et plus particulièrement en Chine, les choses sont bien différentes de ce qu'elles sont en Occident. Ou, plus exactement, il faut distinguer l'intention – retrouvons les jésuites – qui se cache derrière l'imitation, ou l'acte pur et simple de la copie. Il faut aussi, bien sûr, comprendre l'importance de la création et le rôle de ses auteurs.

Sans revenir à Confucius comme on le fait presque toujours, choisissons Lü Buwei (呂不韋), et ses Annales du Printemps et de l'Automne (Lüshi chun qiu 呂氏春秋). « Ainsi, et c'est un principe général, apprendre ne permet pas de développer, mais plutôt de promouvoir la nature dont le Ciel a doué chacun. Être capable de conserver intact ce que le Ciel a donné et ne pas le détruire – c'est ce qu'on dit ‘‘exceller en apprentissage’’ ». 4.孟夏紀 / 3.2 « Soyez appliqués à chanter et réciter vos leçons » 4.孟夏紀 / 3.3 Et, de fait, que ce soit en architecture, en peinture, en sculpture, en calligraphie, le commun des mortels est tenu de recopier, aussi fidèlement que possible, l'art du passé. C'est ce qui fait que les monuments chinois sont toujours neufs. Le respect occidental des vieilles pierres, parce qu'elles sont vieilles, n'est pas là-bas directement compréhensible. Vénérer le créateur d'une œuvre n'est pas le laisser vieillir et mourir, encore moins le momifier.

Cette façon de copier est si prégnante en Chine qu'elle donne lieu à des détournement. Et l'Université de Hong Kong, par exemple, a dû publier à l'usage de tous ses étudiants un petit manuel, Qu'est-ce que le plagiat ? C'est qu'il est si courant là-bas (mais, avec l'usage de l'Internet, la plaie est devenue mondiale) de préparer exposés, cours, livres et articles originaux en copiant servilement des modèles plus ou moins bien choisis qu'il fallait réagir, et sévir. Pourtant ce n'est qu'une interprétation très superficielle des textes qui permettrait le plagiat. Si copier ce qui à l'évidence revient à un auteur est bien permis, c'est tout simplement parce que l'œuvre copiée est si connue que l'auteur y brille encore. Dans le plagiat, au contraire, l'auteur n'est pas cité, et le plagiaire fait tout pour qu'on l'ignore. Or les textes chinois sont clairs à ce propos : il faut absolument connaître et faire reconnaître l'auteur. Lü Buwei à nouveau : « La profondeur de l'étude repose sur le respect des maîtres [...] Si l'élève ne peut ni être transformé ni prêter attention à l'enseignement, mais fait selon son désir, alors l'espoir que son nom soit reconnu et sa personne en sécurité est comme ‘’tenir un objet pourri et vouloir sentir un parfum’’ ou ‘’avoir horreur d'être mouillé et aller à l'eau’’. » 4.孟夏紀 / 2.1. Le véritable plagiat est donc tout aussi condamné en Chine qu'en Occident.

L'intention maintenant. Les peintres académiques du XIXe siècle, qui ne sont pas si mauvais, plagiaient thèmes et même façon de peindre. Mais ce n'était pas par paresse, par désir lucratif, ou pour s'épargner le dur labeur de la feuille blanche chère à Mallarmé. Stravinski reprenait Pergolèse, ou réorchestrait Bach. Utiliser l'œuvre d'un géant pour la mettre en valeur et en découvrir des formes inattendues, inventer un nouveau style sont d'excellents prétextes à création. Un site commercial de détection du plagiat dans l'art écrit d'ailleurs : « l'originalité n'est que du plagiat pas encore détecté ! » Le vrai plagiat, celui qui est condamnable, est celui qui copie de façon servile, sans le dire, et pour tirer profit de l'inventivité de l'autre, sans le faire connaître.

On se plaint souvent de l'Internet à ce propos, puisqu'il est si facile de copier-coller. Mais l'Internet a aussi très exactement le pouvoir inverse, au moins lorsqu'il s'agit d'un texte : bien souvent, il permet de retrouver immédiatement la source plagiée. Il suffit pour cela de copier une phrase du texte dans le champ de recherche d'un navigateur, et tout ce qui lui ressemble s'affiche. Et dans le domaine scientifique il existe déjà toutes sortes de logiciels qui permettent de découvrir des similitudes, même lorsque le plagiaire a pris soin de modifier l'ordre des mots ou des phrases qu'il copiait. eTBlast par exemple affiche tout ce qui ressemble à un texte en anglais dans plusieurs bases de données d'articles scientifiques. Cela permet non seulement de trouver les plagiaires, mais aussi d'identifier les experts d'un domaine particulier. Déjàvu est un site qui identifie les doublons d'articles dans le domaine de la biologie et de la médecine. On y découvre souvent des auto-plagiats (des articles publiés en deux endroits différents par un même auteur), mais aussi de vrais plagiats, bien plus nombreux qu'on ne pourrait croire.

Comme toujours l'effet de masse renforce le sentiment désagréable que nous entrons dans une ère particulièrement corrompue, mais le plagiat existait déjà dans l'Antiquité. De même les nouvelles technologies ne sont ni bonnes ni mauvaises, elles sont ce que nous en faisons. Et si l'internet est si coupable, ne peut-on craindre plutôt qu'il ne serve à suivre les faits et gestes de chacun, sous prétexte de retrouver les plagiaires ?