Le système harmonique antique est fondé sur une série de sons-fonctions, définis les uns par rapport aux autres sans notion de hauteur absolue : on parle, pour désigner cet ensemble théorique, de « grand système complet ». Dans le genre diatonique (on laisse de côté ici les genres chromatique et enharmonique, qui mettent en jeu des intervalles plus complexes), le grand système complet repose sur les sons suivants, répartis en cinq tétracordes (hypates, mèses, conjointes, disjointes, hyperbolées) :
« Poser » ce système à une hauteur déterminée revient à choisir un « trope » (ton de transposition). La théorie antique a varié sur ce point, et l'on se limite ici aux huit tropes évoqués par Boèce dans l'Institution musicale. Le tableau suivant présente les notations développées dans les huit polices proposées en téléchargement : comme dans les traités antiques, la ligne inférieure correspond à la notation instrumentale et la ligne supérieure à la notation vocale. Pour chacun des tropes, on propose, de manière anachronique, une reconstitution sur portée en utilisant la convention de Bellermann (qui consiste à considérer que la note la plus grave est le fa du bas de la clef de fa). Les blanches désignent les « sons fixes », qui structurent le système (en bornant notamment les différents tétracordes) ; les liaisons font apparaître la disposition des tétracordes (hypates, mèses, conjointes, disjointes, hyperbolées).
N. B. : Le lecteur attentif aura remarqué que ces huit tropes sont fort éloignés de ce que l'on appelle couramment les « modes grecs » (liés à la découpe de l'octave), qui portent les mêmes noms et sont encore parfois invoqués pour caractériser certains types de gammes. Sur l'histoire de cette confusion, qui remonte aux théoriciens carolingiens (et ne reflète pas les conceptions antiques), voir les études de Jacques Chailley : L'imbroglio des modes (Paris, Leduc, 1960), et La musique grecque antique (Paris, Les Belles Lettres, 1979), p. 94-104.