Les
Homininés fossiles: un certain fouillis....
Que l'hypothèse précédente soit ou non valable, on
connaît par ailleurs un nombre croissant de fossiles attribués
aux Homininés, c'est à dire des cousins directs de
l'espèce humaine Homo sapiens actuelle (unique
représentante de cet ensemble aujourd'hui), plus proches
d'elle que des autres Hominidés que sont les grands singes
(Chimpanzé et Gorille actuels).
Ces fossiles, bien que relativement peu nombreux, sont souvent décrits,
chacun, comme le représentant d'une espèce nouvelle,
sauf dans certains cas, (en particulier chez certains
Australopithèques), où l'obtention de plusieurs
fossiles d'âges voisins permet d'énvisager qu'il ait
existé chez ces organismes un dimorphisme sexuel
important (comme chez les Gorilles actuels par exemple). Cette
possibilité permet alors de regrouper en une même espèce
des fossiles auparavant comsidéré comme autant d'espèce
différente. C'est un problème classique de la
paléontologie et de la définition exclusivement
morphologique des espèces.
Note : L'appartenance de plusieurs organismes à une même espèce
biologique est définie, selon l'acception la plus communément
admise, par leur capacité à se reproduire entre eux en
donnant une descendance viable. Ce critère est évidemment
inutilisable par le paléontologue. Celui-ci classe donc les
organismes dans des espèces différentes sur des
critères morphologiques (espèces morphologiques), avec
le raisonnement (simplifié )suivant:
- Deux organismes appartenant à deux espèces biologiques
différentes présentent aussi, en général,
un grand nombre de différences morphologiques. Plus les
organismes comparés sont différents, plus on est sûr
de pouvoir les attribuer à des espèces distinctes. Cela
suppose d'avoir une idée fiable de la variabilité
morphologique qui peut exister au sein d'une seule espèce
(biologique). Si les différences constatées entre deux
organismes comparés dépassent l'amplitude des
variations au sein d'une seule espèce, les deux organismes
représentent deux espèces.
- On estime donc, par observation des espèces biologiques
actuelles, la variabilité morphologique existante au sein
d'une espèce (par exemple, la gamme des tailles possibles chez
Homo sapiens, avec, pour les adultes, une moyenne vers 1,70m,
une certaine variance (ou un certain écart-type, plus ou moins
30 cm, en gros), et des valeurs maximale (environ 2,50m) et minimale
(90 cm)). On tient aussi compte si possible de la variabilité
due aux changements morphologiques avec l'âge (changements
ontogénétiques: un bébé n'a pas la même
forme qu'un adulte, au delà de la seule différence de
taille, sa tête est plus grosse en proportion du reste du corps
par exemple).
- Cette variabilité une fois estimée dans une espèce
actuelle (ici Homo sapiens), on fait l'hypothèse que
l'on peut la prendre comme référence pour les fossiles
les plus apparentés morphologiquement à cette espèce,
et chercher à distinguer les espèces fossiles en
supposant que leur variabilité était grosso modo
la même. On comprend bien que plus le fossile est ancien, moins
cette hypothèse est solide. Et par exemple, sur des critères
squelettiques, la variabilité entre Homme et Femme est
relativement peu accentuée chez Homo sapiens, comparée
à ce qu'elle est chez Gorilla gorilla, le Gorille actuel. De
laquelle de ces variabilités se rapprochait le plus celle des
Australopithèques, c'est à dire des Homininés
les plus anciens, les plus proches de la dichotomie Homininés-Autres
Hominidés ?
- À l'inverse, dans le cas du chien, la variabilité
intraspécifique actuelle, crée par la domestication,
est formidable (puisqu'elle va du Chihuahua au Saint-Bernard, en
passant par le Caniche ou le Bouledogue, qui représentent tous
des sous-espèces, ou variétés, et sont
susceptibles de se croiser entre eux). La variabilité de
l'ancêtre du chien, ou de se s représentants de cette
espèce avant sa domestication, devait être semblable à
celle du Loup, le plus proche parent du Chien.
- Outre cette difficulté, tous les caractères morphologiques
n'évoluent pas de la même façon et en même
temps: des états de caractères qui permettaient de
séparer deux espèces fossiles relativement séparées
dans le temps, peuvent se retrouver combinés chez un nouveau
fossile. On parle alors d'évolution en mosaïque.
Bref, tout cela pour dire qu'à l'heure actuelle, le nombre d'espèces
d'Homininés fossiles est grande, et que l'on est de plus en
plus convaincu que, à l'inverse de ce que l'on observe
aujourd'hui, plusieurs espèces ont pu, autrefois, cohabiter
dans le temps et dans l'espace.
La majorité des espèces d'Homininés anciennes
proviennent d'Afrique, que l'on tient donc pour le « berceau »
des Homininés, et où plusieurs espèces se sont
développés. Ce n'est que relativement récemment
qu'une espèce, Homo erectus, s'est répandu hors
d'Afrique, jusqu'en Asie du Sud-Est (où elle a d'abord été
découverte), et en Europe, où l'on pense aujourd'hui
qu'elle aurait évolué localement en Homo
neanderthalensis, l'Homme de Néandertal (ou Néanderthal).
Par la suite, et beaucoup plus récemment, une nouvelle espèce,
elle aussi originaire d'Afrique, Homo sapiens, aurait colonisé
l'ensemble de l'Ancien Monde, puis le Nouveau, en cohabitant (et
peut-être, selon certains, en éliminant, par génocide
ou compétition, plus que par hybridation), les espèces
déjà implantées, comme l'Homme de Néandertal
ou les descendants asiatiques d'Homo erectus. Ce scénario
est encore débattu, mais les indices en sa faveur
s'accumulent. Ce sont à la fois des restes fossiles et des
résultats de biologie moléculaire et de génétique
des populations actuelles, qui montrent (schématiquement) que
l'espèce humaine est génétiquement assez
homogène, et présente une variabilité maximale
chez les populations africaines, ce qui s'accorde avec l'idée
que ces populations sont les plus anciennes, (car le nombre de
différences génétiques entre populations
s'accumulent au cours du temps).
Pour résumer tout cela, voici un schéma général
des espèces d'Homininés actuellement connues, replacées
dans le temps, avec les dernières découvertes publiés
au cours de l'année 2001. Quelques autres Hominidés
fossiles sont aussi indiqués pour mémoire.
Constatez :
- le nombre des points d'interrogations !
- L'ampleur des différences entre un tel schéma et ceux
dont on disposait il ya encore quelques dizaines d'années:
- Le nombre d'espèces d'âge identiques ou voisins, donc
qui ont coexisté, a augmenté considérablement, invalidant totalement le schéma, hélas encore bien
ancré dans les esprits, d'une évolution graduelle et
linéaire, où une espèce en devient une autre,
depuis l'Australopithèque jusqu'à l'Homme actuel.
- Des espèces auparavant considérées comme proches de l'Homme actuel, comme Austalopithecus africanus (Lucy, entre autre), ou le groupe des Paranthropes, sont maintenant relégués vers l'extérieur du « buisson » des relations entre Homininés.
Les conclusions que l'on peut tirer de ce bref aperçu, c'est
surtout que l'Homme moderne y perd son statut de « point
d'orgue » de l'Evolution:
- Il n'est, en terme d'évolution biologique, que le dernier
représentant actuel d'un ensemble auparavant plus riche, en
nombre d'espèces. Son cerveau énorme est une
acquisition qui a du se développer par étapes, et non
selon un processus continu de progression, et ses cousins les plus
proches, comme Néanderthal, était aussi bien pourvu que
lui sur ce point.
- Le « phénomène humain » est
finalement, pour une bonne part, le résultat d'aléas
historiques.
- Le trait décisif, qui a finalement assuré l'hégémonie
de Homo sapiens, c'est l'apparition de la culture et de
l'art (et auparavant du langage), qui se propage dans la population
humaine et entre génération sur le type de l'hérédité
des caractères acquis (hérédité
« Lamarckienne »), : ce qu'un individu a appris
ou découvert au cours de sa vie, et qui n'a donc aucun support génétique, peut
être transmis à ses descendants, grâce à
l'enseignement. Par cette capacité, l'évolution humaine
ne suit plus les mêmes règles que celles du reste des
organismes vivants.
- Mais
ce qu'il faut bien comprendre, c'est que cette capacité à
développer une culture, si elle est liée à la
taille du cerveau, existait, d'une part, potentiellement, aussi bien
chez Homo sapiens que chez Homo néanderthalensis,
et que, d'autre part, elle ne s'est manifestée que bien après
que l'espèce Homo sapiens ne soit apparue: Les premiers
Homo sapiens nous étaient biologiquement totalement
semblables, mais n'avaient pourtant (très probablement) pas
encore de culture. L'acquisition de cette caractéristique
unique n'étaient pas biologiquement déterminée,
ni forcément exclusivement accessible à notre seule
espèce.

Date de création : Décembre 2005.