Mot publié sur le site au moment de la mort de Jean-Pierre Vernant



Jean-Pierre Vernant est mort le 9 janvier ; il venait d'avoir 93 ans. Il y a quelques années à peine, en Terminale je crois, notre petit groupe de Lettres classiques intimidés par la perspective de l'épreuve de grec avait découvert ce qu'il faisait quand notre prof de philo nous avait fait regarder une émission où il parlait de la Grèce ancienne. C'est probablement à ce moment-là que nous avons (et que j'ai) entendu parler pour la première fois d'anthropologie historique. Par la suite, au fil de toutes sortes de lectures de livres et de préfaces,  mais aussi d'articles et d'émissions (non seulement il écrivait bien mais il racontait très bien, et savait s'adapter à son public et au temps dont il disposait, sans simplification excessive), Vernant était devenu l'une de ces quelques grandes figures des études anciennes dont les recherches ont modelé la plupart des bibliographies sur lesquelles on travaillait - une grande figure impressionnante, d'autant qu'il a traversé le XXème siècle et a été le témoin actif de tous ses grands tournant, et sans jamais, semble-t-il, partir dans la mauvaise direction - mais aussi et surtout un auteur passionnant, à la fois helléniste, anthropologue et philosophe, rigoureux et  passionné lui-même, et très habile à communiquer cette passion en parlant de son domaine d'étude. Après la mort de Pierre Vidal-Naquet cet été, le nombre de ces grandes figures diminue tristement ; mais leurs élèves, et les élèves de leurs élèves (et les lecteurs, et les lecteurs de leurs lecteurs) sont là pour continuer leurs recherches de leur mieux, aller de l'avant, communiquer à d'autres leur intérêt pour les études anciennes, empêcher leur domaine d'étude de se rétrécir sous l'action de clichés réducteurs et au fond ignorants, et continuer à faire de nouvelles découvertes sur l'Antiquité, parce que contrairement à ce qu'on croit trop souvent, c'est possible - c'est même ce qu'ils ont fait.


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