Les dessins animés des studios Walt Disney sont probablement les
plus critiqués de toute l'industrie de l'animation. Il est de
bon ton de les juger enfantins, naïfs, sucrés,
répétitifs, mièvres, trop lisses, trop
édulcorés, trop gonflés de morale bon teint, trop
animés même, trop ceci, pas assez cela. On leur
préfère soit les anime japonais des grands maîtres
comme Miyazaki, jugés universellement meilleurs, soit les
récentes productions en 3D de Pixar, Dreamworks et compagnie. De
plus, les difficultés actuelles de Disney et cette explosion de
la concurrence sur le marché de l'animation tendent à
donner l'illusion que le "standard Disney" est désormais
dépassé et en voie de disparaître. Et pourtant !...
De telles critiques oublient un peu vite la grande qualité des
dessins animés Disney, anciens et même (pour certains)
récents. Sans prendre aveuglément la défense de
Disney, il faut lui reconnaître son statut de pionnier dans tous
les domaines de l'animation, et surtout, avant de se joindre à
ces critiques un peu faciles, prendre le temps de regarder
vraiment les dessins animés
Disney et de comprendre en quoi consiste ce style Disney, ce
"classicisme" peut-être, avant de le décrier
hâtivement.
Exercice difficile, surtout quand on n'est ni un
spécialiste en cinéma, ni un critique, ni un
étudiant dans ce domaine, mais un simple spectateur
désireux de comprendre ce qu'il regarde. Aussi les analyses qui
vont suivre ne prétendent-elles nullement atteindre le niveau de
véritables analyses de films ou de critiques complètes :
elles forment seulement autant d'essais, d'entraînements,
d'exercices pour le spectateur allant à sa propre école.
Mais elles tâchent, malgré tout, de rester
structurées, détaillées et argumentées,
et de s'appuyer sur quelques techniques d'analyse
simples, dont certaines s'adaptent spécifiquement à
l'analyse cinématographique, tandis que d'autres sont
héritées des techniques d'analyse de récit en
général que l'on retrouve dans les explications de textes
romanesques.
Pourquoi, d'abord, s'intéresser seulement aux "incipit",
à des débuts de dessins animés ? Parce que j'ai
été frappé par le soin et l'attention qui y sont
visiblement portés chez Disney, et que j'ai eu envie de voir si,
en en analysant plusieurs, on ne pourrait pas y reconnaître des
techniques récurrentes. Le début d'un dessin
animé, comme le début d'un film ou d'un livre, a toujours
une grande importance : c'est par lui que l'on entre dans le
récit, par lui que l'univers fictif se crée et se
déploie, par lui encore que l'oeuvre inaugure son style, son
rythme, sa tonalité, sa cohérence propre. Les studios
Disney ne sont pas naïfs, ils savent parfaitement ce qu'ils font
en choisissant tel ou tel angle d'approche pour les premières
minutes de leur future production. Et comme justement il ne s'agit ni
de critiquer l'ensemble du résultat, ni d'aligner des
commentaires dithyrambiques, l'analyse de ces débuts permet au
spectateur de comprendre d'abord ce qu'ont voulu faire les concepteurs
de l'oeuvre, puis, cela fait, de porter un jugement plus
éclairé sur le caractère réussi ou non du
résultat final, en replaçant l'incipit dans la
perspective du dessin animé entier.
Pourquoi, ensuite, avoir choisi le terme "incipit", qui s'applique
habituellement au début d'un livre et non d'un film,
plutôt que "première scène", "première
séquence" ou "les cinq premières minutes" ? Justement
parce que la notion d'incipit est très vague : en parlant de
l'incipit d'un livre, on peut désigner sa première ligne,
sa première phrase, sa première page, ou même tout
le premier chapitre. Ce cadre vague convient parfaitement à ces
analyses des débuts de Disney, car ces "débuts" ne se
distinguent pas toujours aisément du reste du dessin
animé. Ils forment parfois une introduction très visible
et nettement délimitée par le générique ou
l'apparition du titre (c'est le cas du
Roi Lion), mais peuvent
déborder plus ou moins sur le début de l'intrigue. De
même les analyses, selon les cas, couvriront seulement la
première scène, se concentreront sur les premières
images, ou s'étendront sur une dizaine de minutes, selon les
nécessités.
Le choix des "incipit" demeure très subjectif, il
reflète à la fois les dessins animés que j'ai vus,
fonctions nécessairement de mes propres goûts en
animation, et ceux qui m'ont paru intéressants à analyser.
Peut-être, au fil du temps, ces analyses formeront-elles une
liste exhaustive, fournissant un examen systématique et
comparé entre l'ensemble des principaux dessins animés
Disney, mais leur ambition première est beaucoup plus restreinte
: elle consiste simplement à fournir quelques
éléments de compréhension et de critique sur des
Disney très connus, et occasionnellement sur d'autres, afin
d'inviter à les regarder d'un oeil moins indifférent ou
moins a priori sévère que d'habitude.
Enfin, il est préférable d'avoir déjà vu les dessins animés en entier pour
lire ces analyses ; faute de quoi, elles risquent de gâcher le plaisir
du futur spectateur, car elles révèlent de nombreux détails sur l'action et
la mise en scène, et pas seulement sur les premières minutes. Autrement
dit,
spoilers included !
Liste des incipit analysés :
Mulan (1998)
Le Roi Lion (1994)