Mon avis personnel sur les disques de Strapping Young Lad
- Strapping Young Lad - Heavy as a really heavy thing (1995) ☆
Démarrons aujourd'hui une longue aventure avec l'un des touche-à-tout
les plus prolifiques du metal actuel : Devin Townsend. Depuis ses débuts
il y a une trentaine d'années, le canadien a en effet mené en parallèle
plusieurs projets et sorti des albums par dizaines, en solo ou avec ce
groupe, Strapping Young Lad, qui représente en quelque sorte un exutoire
aux penchants les plus violents et extrêmes du gugusse (je ne sais pas
si je me farcirai toute la discographie disponible, mais comme à mon
habitude (qui a dit "maniaque" ?), je vais essayer de procéder
chronologiquement). De fait, brutal, ça l'est très souvent, en plus
d'être expérimental, au point même de proposer une bonne partie du temps
une sorte de condensé de sonorités industrielles ou électro et de metal
hardcore bien bourrin, le tout avec un son dense et franchement moche.
N'y allons pas par quatre chemins : en fait, c'est vraiment de la grosse
merde, comme j'en ai entendu assez peu depuis que j'ai commencé ces
chroniques, il n'y a pas une piste à sauver dans ce machin franchement
pénible à écouter jusqu'au bout. Bon, ce ne sera ni le premier ni le
dernier groupe à mal commencer sa carrière, mais espérons quand même que
la suite sera nettement meilleure.
- Strapping Young Lad - City (1996) ★ ★
J'aurais peut-être du accepter l'offre de boules Quies faite par un
camarade quand il a su que j'écoutais ce groupe, car Strapping Young Lad
est de retour pour une deuxième offrande, et on ne peut pas vraiment
dire qu'elle calme le jeu par rapport à la précédente. Devin hurle
beaucoup, la rythmique est monstrueusement brutale, les pistes
s'enchaînent sans pause, la production très (trop) riche (on a vraiment
l'impression qu'il y a "trop de son", comme si le but était d'assourdir
l'auditeur), bref ça dépote sévère. Mais, et c'est ce qui justifie la
note en forte progression, la musique n'a cette fois-ci pas totalement
été oubliée, et il y a même des pistes dont l'intérêt dépasse celui de
la jouissance primaire provoquée par la puissance de la chose. All
hail on the new flesh est vraiment intéressante, AAA et son
côté scandé fonctionnent, et Room 429 est une belle curiosité
avec son ostinato de piano incongru déboulant après une demi-heure de
violence absolue. La dernière piste qui lui succède semble d'ailleurs
également hors-sujet, comme si le groupe n'avait pas pu se résoudre à
mener à terme son projet jusqu'au-boutiste. On peut d'ailleurs se
demander s'ils ont produit ce disque dans le but d'être admirés ou
détestés. En pratique, pour moi, ce ne sera ni l'un ni l'autre : pas
assez de fond musical pour en faire un chef-d'oeuvre, et au fond trop
inoffensif pour être rejeté, ça ressemble juste à une espèce de caprice
d'un gamin doué, qu'on écoute avec indulgence mais auquel on n'a plus
envie de revenir que ça.
- Strapping Young Lad - Strapping Young Lad (2003) ★ ★ ★
La boulimie productive de Devin Townsend est régulièrement coupée par
des phases de rejet où il promet qu'il ne sortira plus jamais de
disques. Mais en général, ça ne dure pas longtemps, et quand il revient
c'est avec deux ou trois nouveaux projets sous les bras. Ainsi, après
une première coupure en 2001, Devin déboule deux ans plus tard avec deux
albums quasiment simultanés, le retour de son groupe défouloir Strapping
Young Lad avec un disque éponyme, et un nouveau projet solo dont je
causerai donc ailleurs. Pas de grosse surprise pour la facette brutale,
c'est du bien bourrin, mais il y a tout de même eu une évolution des
sonorités, on quitte le côté indus et vraiment ultraviolent des deux
premiers disques du groupe, pour trouver un son nettement plus rond
(avec pas mal de claviers, comme si la mise entre parenthèses du projet
pendant quelques années lui avait fait subir l'influence de la carrière
solo de Townsend) et plus "classique" (beaucoup de blast beats, des
guitares qui martèlent leurs notes dans les fréquences graves, on
pourrait presque se croire dans un album de death ou de black standard
par moments), mais avec par-dessus tout ça de vrais motifs travaillés et
même parfois mélodiques et la voix de caméléon de Townsend qui passe du
hurlement bestial à des passages plus clairs avec talent. Tout ça pour
un résultat à mon sens nettement plus intéressant que sur City,
j'aime vraiment bien le long Aftermath et sa rythmique
intraitable et le curieux Bring on the young conclusif qui
s'éloigne pour le coup sensiblement de la brutalité du reste du disque.
Un disque que je n'écouterais pas tous les deux jours (ça blaste quand
même trop sévèrement pour moi) mais qui propose vraiment quelque chose
d'intéressant dans un cadre d'expression a priori assez limité.
- Strapping Young Lad - Alien (2005) ★
Strapping Young Lad était initialement le défouloir "plus extrême tu
meurs" de Devin Townsend, mais plus le temps avance, moins ce projet
semble avoir de sens pour le canadien. Ne pouvant plus guère pousser
plus loin le curseur de la violence, il essaye quand même de continuer à
proposer de nouvelles choses en ajoutant des éléments plus ou moins
incongrus à son metal extrême (ici pas mal de choeurs, y compris des
choeurs de gamins dont on se demande ce qu'ils font là, une utilisation
étrange des guitares sur We ride, et même Two weeks, piste
acoustique calme qui semble avoir été casée là juste pour faire
contraste avec le reste). Mais sur le fond, il ne semble pas avoir grand
chose à dire, et il comble le vide à grands coups de synthés comme il le
fait sur ses albums solo, au point d'ailleurs que, s'il n'y avait pas le
chant extrême (pas du tout systématique d'ailleurs, il y a nettement
plus de chant clair sur ce disque que sur les précédents du groupe), on
pourrait confondre. Et puis, rien que pour le foutage de gueule que
constitue le Info dump final (douze minutes de bruits
inaudibles), l'album mérite sa sale note, même si le reste est loin
d'être minable (simplement pas très intéressant). Le groupe aura encore
droit à un album en 2006, The New black, dont je ne ferai pas de
chronique, plus ou moins dans la même lignée, avec quelques bizarreries
(des cuivres sur une piste, entre autres), quelques titres sympa (le
très exubérant Far beyond metal) mais trop peu de musique
consistante à se mettre dans les oreilles. Ensuite, Devin Townsend
comprendra qu'il est temps de ranger ce projet au placard pour se
consacrer à autre chose.