Mon avis personnel sur les disques de Septicflesh
- Septicflesh - Mystic places of dawn (1994) ★ ★
Allez, aujourd'hui, on tente un nouveau groupe... grec (ça changera des
tarés norvégiens qu'on croise quand on veut écouter du black metal).
Difficile de classer cet album aux influences diverses (le chant est
bien guttural mais il y a une grosse présence de touches orchestrales et
de sonorités inattendues aux synthés, et le tout reste globalement très
mélodique), mais les étoiles attribuées vont essentiellement aux
atmosphères intéressantes crées sur certains titres (le très onirique et
vraiment spécial (Morpheus) The Dreamlord, plutôt sympa, ou
encore Crescent moon, les titres lents sont les plus réussis).
Niveau réalisation, ça sent malheureusement beaucoup trop le premier
album : production médiocre, batterie boîte à rythme (si j'en crois ce
que j'ai lu, c'est en fait vraiment une boîte à rythmes) et basse
inaudible, et surtout une construction des morceaux qui laisse à désirer
(chansons courtes trop répétitives, chansons longues qui s'enlisent dans
des développements peu maîtrisés, et beaucoup de ruptures de ton mal
amenées, c'est souvent trop décousu). Un potentiel certain
(l'instrumental Mythos qui achève le disque en laissant les
guitares au placard, c'est osé mais franchement pas mal), mais encore
trop mal exploité.
- Septicflesh - Esoptron (1995) ★ ★ ★
Avec ce deuxième album, le combo grec a vraiment trouvé sa voie, et un
certain équilibre entre le côté metal extrême (le chant guttural, les
riffs de guitare bien gras) et le côté "antiquité grecque" matérialisé
par les sonorités des synthés (je ne sais pas s'ils sont censés imiter
un instrument particulier, ça sonne la plupart du temps comme une espèce
de harpe antique) et l'introduction de choeurs archaïsants assez
étonnants. Les atmosphères ainsi créées sont vraiment sympa, même si ça
tombe parfois un peu à côté de la plaque (le court intermède
médiévalisant Celebration est un peu hors sujet) et si la
deuxième moitié du disque manque clairement de souffle (Succubus
priestess ou So clean, so empty s'enlisent un peu dans des
développements trop scolaires, même si la structure des chansons est
globalement mieux maîtrisée que dans le premier album du groupe). Mais
il y a aussi de très bonnes choses, surtout au début de l'album donc (la
chanson titre, très efficace, ou Ice castle), mais aussi dans la
piste finale Narcissism qui expérimente pas mal de choses dans sa
première moitié mais finit par convaincre). Pas encore un album
indispensable, mais il y a du progrès.
- Septicflesh - Ophidian Wheel (1997) ★
J'ai lu pas mal d'avis sur le web prétendant que ce troisième album
était le sommet de la première partie de carrière des grecs (ils ont eu
une interruption de quelques années à un moment). Autant dire que je ne
suis vraiment pas d'accord, c'est pour moi assez clairement le moins
réussi des trois que j'ai écoutés. Par rapport au précédent, le groupe a
décidé de remplacer ses synthés atmosphériques évoquant la Grèce antique
par de vraies touches orchestrales... mais toujours jouées sur des
claviers achetés chez Prisunic. Bon, ben les quelques intermèdes
purement instrumentaux ne s'en relèvent pas, c'est complètement
ridicule, Tartarus en particulier ne passerait même pas comme
musique 8-bit de jeu video des années 80. Autre tentative de
renouvellement, une soprano lyrique ajoutée par moments (et mélangée au
chant guttural habituel), c'est tantôt inutile, tantôt kitsch car trop
grandiloquent. Le reste du temps, on retrouve le metal à la fois brutal
et très mélodique du groupe, qui arrive quand même à nous proposer
quelques pistes sympathiques (Geometry in static est la meilleure
selon moi), mais aucune qui marque vraiment. Une grosse déception.
- Septicflesh - A Fallen temple (1998) ★ ★
Oula, pas moins de 76 minutes de musique pour ce quatrième album (un peu
moins dans la première version de l'album en fait), nos amis grecs ont
eu beaucoup d'inspiration ! Ou pas en fait, puisque le disque est un
drôle de patchwork qui contient seulement trois nouvelles chansons (dont
une dans pas moins de trois versions différentes), une reprise, quatre
titres qui sont le réenregistrement d'un vieil EP, et pour compléter le
tout, trois pistes d'une dizaine de minutes chacune qui versent dans le
pseudo-classique symphonique. Aïe ? Pas tant que ça, on est loin du
désastre de Tartarus dans l'album précédent, et il y a même des
moments intéressants dans Underworld (act II) avec des
polyphonies vocales qui accrochent l'oreille (et mêmes des vrais bouts
de chant opératique par moments). Dommage quand même que tout ça soit
encore fait avec une prétention (les passages parlés...) qui colle fort
moyennement avec l'utilisation de synthés. Pour le reste, le plus
intéressant provient curieusement des anciennes chansons, les nouveaux
titres étant dans le style de Ophidian Wheel avec des mélanges de
voix pas toujours inspirés et un manque d'accroche mélodique. Surtout,
évidemment, ce curieux mélange donne un album qui manque cruellement de
cohérence, même s'il est à mon sens nettement moins mauvais que le
précédent.
- Septicflesh - Revolution DNA (1999) ★ ★
Une révolution chez nos amis grecs ? Mais oui, après des albums qui
lorgnaient de plus en plus vers une musique pseudo-classicissante qui se
mêlait de moins en moins bien à leurs racines "metal extrême", ils se
sont rendus à l'évidence en se séparant en deux entités distinctes.
L'une, nommée Chaostar, continuera à creuser la veine classique
(j'avoue ne pas être certain d'aller écouter ce qu'ils ont à proposer),
tandis que Scepticflesh se recentre sur le metal. À tel point d'ailleurs
qu'ils ont carrément supprimé entièrement les claviers (dénaturant quand
même assez profondément l'esprit de la musique du groupe) et introduit
des sonorités très électrofuturistes pour accompagner des titres
extrêmement calibrés (la durée tourne systématiquement autour des cinq
minutes) lorgnant carrément vers du hard FM (ok ça reste mélodique mais
ça tombe franchement dans la facilité dès la première piste, et ça n'en
ressortira que pour une deux expérimentations assez pénibles, comme
Androïd). C'est pas si mal fichu, ça se laisse même très bien
écouter, mais ça s'oublie tout aussi vite, et c'est tout de même assez
déconcertant de la part d'un groupe qui avait jusque-là affiché de
toutes autres ambitions (même si je n'ai pas apprécié outre mesure les
albums précédents, ça n'avait quand même rien à voir !).
- Septicflesh - Sumerian daemons (2003) ★ ★ ★
Je continue mon parcours de la discographie de Septicflesh (j'en suis en
plein milieu, cinq albums sur dix) après un Revolution DNA
surprenant qui laissait de côté les fondamentaux du groupe. Nos amis
grecs allaient-ils continuer dans cette voie ? Eh bien, pas du tout,
même si on retrouve ici quelques utilisations de sonorités électro qui
rappellent l'album précédent (et même un titre comme When all is
none qui n'est pas loin de déraper du côté du metal industriel), on
a surtout droit à un retour en force des claviers (avec leur fameux sons
"harpés"), arrangements symphoniques, choeurs, et mêmes interventions de
soprano (plutôt discrets ceci dit) qui marquaient le style des premiers
albums. Grosse différence tout de même, il n'est plus question de faire
de la musique intellectualisante avec inspiration classique, le but est
désormais de taper fort à peu près tout le temps. Un peu trop de
blastbeat, des choeurs quasiment orffiens, quelques passages qui sonnent
gothique de carton pâte (la chanson titre notamment), cette orgie sonore
s'égare parfois (la dernière piste Shapeshifter, qui mélange tout
sans aucun discernement), mais réussit la plupart du temps à
impressionner, en s'appuyant sur des bases mélodiques efficaces (ça
tombe un peu dans la facilité sur une chanson comme The Watchers,
d'ailleurs). Rien de génialissime, mais un bon album, qui sera suivi
d'une rupture provisoire du groupe, qui reprendra du service quelques
années plus tard pour enfoncer encore le clou dans cette veine puissante
et peu subtile.
- Septicflesh - Communion (2008) ★ ★ ★ ★ ½
Le groupe grec est donc de retour après une rupture qui n'aura
finalement duré que quelques années, et pour marquer le coup, le moins
qu'on puisse dire, c'est qu'ils ne font pas dans la dentelle ! Vrai
orchestre et choeur au grand complet pour les accompagner, prédominance
de chant guttural, batterie brutale, et surtout une volonté de
monumentalité manifeste en permanence (le côté intellectualisant de leur
musique a vraiment complètement été jeté aux oubliettes). Bon ben, je
n'y peux rien, c'est mon mauvais goût qui parle, j'adore ! C'est
vraiment puissant, mélodiquement toujours inspiré et efficace (mention
spéciale pour Anubis, une vraie tuerie, et We, The gods),
et l'orchestre est extrêmement bien exploité, passant d'ambiances très
"musique de film" (tout le début de Persepolis par exemple) à des
choses nettement plus subtiles et inattendues, comme ces cordes
stravinskiennes de l'intro de Babel's Gate, sans jamais être
relégué au rang de faire-valoir. C'est vraiment une oeuvre pour
orchestre et groupe de metal à laquelle on a droit, et pas un disque de
metal coloré par quelques touches symphoniques. Mes seules petites
réserves qui me poussent à ne pas mettre la note maximale :
l'utilisation de la voix claire peu convaincante sur quelques pistes
(mince alors, c'est bien la première fois que je regrette qu'il n'y ait
pas du guttural en permanence !), et une fin d'album moins inspirée (le
Narcissus final n'est pas à la hauteur) alors même que le disque
est très court (à peine 40 minutes). Mais pour ceux qui aiment le metal
Technicolor, franchement écoutez ça, ça envoie du pâté.
- Septicflesh - The Great Mass (2011) ★ ★ ★
Nouvelle direction confirmée pour Septicflesh, après un Communion
vraiment excellent qui misait tout sur la puissance et les
orchestrations sophistiquées, on reste dans la droite lignée avec ce
nouvel album. À tel point d'ailleurs que celui-ci souffre un peu du
syndrome "c'est le même en moins bien". La première piste The Vampire
from Nazareth est pourtant excellente, mais assez rapidement, on
sent que ça force un peu au niveau des compositions (l'orchestre prend
pour le coup carrément le dessus sur des guitares qui se font presque
oublier par moments) alors que l'inspiration est en-deça de celle du
précédent disque : mélodie un peu facile dans Pyramid god (qui
reste malgré tout une bonne chanson), Five-pointed star un peu
décousu, Oceans of grey qui joue la carte mitraillage de batterie
pour masquer le relatif manque de contenu, et encore une fois le chant
clair assez peu convaincant quand il est employé (dans Rising
notamment). Au niveau des points (très) positifs, on garde quand même un
son absolument énorme, et aucune piste ne tombe non plus dans le
vraiment décevant. Simplement, un album juste bon est nécessairement
décevant quand il suit une tuerie ultime. Notons quand vers la fin du
disque la très curieuse intro avec clavecin de Mad Architect,
peut-être une piste à suivre pour le groupe pour renouveler l'intérêt
dans leurs prochains albums.
- Septicflesh - Titan (2014) ★ ★ ★
Septicflesh a trouvé un bon filon et ne compte manifestement pas le
laisser tomber tant qu'il fonctionne à peu près. Ce nouvel album est
peut-être encore plus épique, monumental, en un mot hollywoodien, que
ses deux prédécesseurs. D'ailleurs, pour bien le marteler, le disque
débute avec plusieurs titres ultra bourrins (blastbeat de rigueur,
rythmes martiaux, orchestre envahissant). Si War in heaven est
une bonne entrée en matière, Burn est nettement moins
convaincant, et Order of dracul ne fait tendre l'oreille qu'en
tentant des alliages osés (le break clavecin+violon tzigane fait un peu
cliché vu le thème de la chanson). À l'image de l'album dans son
ensemble, qui alterne bons moments (les atmosphères angoissantes de la
chanson titre et de Confessions of a serial killer en fin de
disque) et les plages plus anecdotiques. Le savoir-faire est indéniable,
mais encore une fois le metal s'éloigne (en plus de l'orchestre
mammouth, on a droit cette fois à des interventions de choeurs
diaphanes, plutôt sympas d'ailleurs sur Prototype). On écoute
l'ensemble avec plaisir, mais il ne faudrait pas que tout ça finisse, à
l'image de la conclusion abrupte de cet album, par tourner vraiment en
eau de boudin.
- Septicflesh - Codex Omega (2017) ★ ★ ★ ★ ½
Après deux albums qui sentaient un peu la routine, n'était-il pas temps
pour Septicflesh d'évoluer un peu ? La réponse des grecs est sans appel
: non, pas du tout, on est repartis pour un tour de metal symphonique
ultra spectaculaire. Et le pire, c'est que pour le coup, ils ont bien eu
raison ! En effet, ce nouvel album est excellent, retrouvant
pratiquement le niveau du monumental Communion. Dès le premier
titre Dantes inferno, on sent qu'il y a quelque chose :
l'orchestre est parfaitement utilisé, c'est mélodiquement très efficace,
on retrouve la recette magique que le groupe semblait avoir un peu
perdu, et on tient un tube incontournable. Un moment d'inquiétude avec
le 3rd Testament qui suit, qui retombe dans un style "passage en
force" nettement moins convaincant, mais c'est en fait le seul faux pas
de l'album, qui aligne ensuite avec une implacable régularité les
chansons excellentes. Interventions de la voix claire bien senties
(souvent en opposition au chant guttural, comme sur Our church below
the sea), instrumentation variée (je ne sais pas quel est
l'instrument qui est utilisée pour l'intro plaintive de Portrait of a
headless man mais c'est un excellent choix), ambiances variées (mais
si on reste toujours dans le très hollywoodien quand même), y a vraiment
pas grand chose à redire. Ah si : on frise parfois le mauvais goût (les
arpèges triomphalistes de Dark art, j'adore, mais ce ne sera pas
le cas de tout le monde), et surtout il y a des passages qui sont un peu
trop ouvertement inspirés de succès antérieurs du groupe (les guitares
du tube Faceless queen font vraiment furieusement penser à celles
d'Anubis, ça n'est pas pour me déplaire mais c'est un peu
voyant). Du coup, je considère quand même l'album un léger poil
inférieur à Communion, mais ça reste une bonne turie !