Mon avis personnel sur les disques de Riot
- Riot - Rock city (1977) ★ ★ ½
Pour s'aérer l'esprit entre deux albums de prog metal imbittables, quoi
de mieux qu'un bon vieux disque de rock (on est pas encore vraiment dans
le domaine du metal pour l'instant, mais la discographie à rallonge du
groupe le verra muscler son jeu assez rapidement) bien vintage marquant
les débuts d'un groupe un peu oublié ? Tout ici sent bon les années 70 :
la production un peu vieillie (mais qui a le mérite d'être d'une netteté
surprenante), le chant aigu de rigueur (fort bien maîtrisé d'ailleurs
dans l'ensemble), les riffs très groovy dans la lignée d'un Led
Zeppelin, et même la durée famélique du disque (33 minutes pour neuf
chansons, on ne s'éternise pas dans les développements alambiqués, et
pourtant il y a du solo sympa sur à peu près tous les titres). Mais pas
besoin de plus que ça quand c'est bon, et ce premier album est bon...
pendant sa première moitié (Warrior et son refrain entraînant, la
chanson titre qui est de fait rock jusqu'au bout des ongles,
Angel hyper classique mais terriblement efficace). Le reste est
plus poussif (quelques expérimentations sonores douteuses sur le titre
final This is what I get, le chanteur qui se met à en faire trop
pour compenser une inspiration en berne sur Tokyo rose), mais
bon, vu la durée très réduite de l'ensemble, ça s'écoute tout seul. Et
puis quand même, je me devais de consacrer une série à un groupe qui
repousse aussi loin les frontières du n'importe quoi au niveau de la
laideur des pochettes avec celles particulièrement "what the phoque" de
ses premiers albums !
- Riot - Narita (1979) ★ ★ ★ ½
Je vous ai déjà dit que j'adorais les premières pochettes de Riot ? Oui
? Ah mince, du coup on va être obligé de parler de musique. Dans la
droite lignée de leur premier album, celui-ci propose un rock pas encore
vraiment métallisé mais déjà un peu plus viril que sur Rock City.
Surtout, l'ambition est revue à la hausse avec des titres qui s'étalent
majoritairement sur quatre ou cinq minutes, pour une durée totale
approchant les trois quarts d'heure. L'inspiration, elle, est toujours
au rendez-vous, avec ce côté syncopé vraiment très plaisant et une
maîtrise technique appréciable. Et surtout, pas de baisse de régime
cette fois-ci, le disque allant même plutôt crescendo : après deux ou
trois titres un peu timides pour démarrer (comme si les musiciens en
gardaient un peu sous la pied) et une reprise sans intérêt de Born to
be wild, l'excellent instrumental qui donne son titre à l'album est
suivi d'une deuxième moitié de disque très convaincante, alignant les
chansons au feeling irrésistiblement entraînant (on tombe quand même
dans l'excès avec les bruitages douteux à la fin de la bien nommée
Hot for love) jusqu'à un Road racin' final excellent. Pas
vraiment la découverte d'un trésor oublié, mais un bon disque qu'on a
envie de réécouter quand on arrive au bout de la dernière piste, que
demander de plus au fond ?
- Riot - Fire down under (1981) ★ ★ ★ ★ ½
Ce troisième disque de Riot, le dernier avec son premier chanteur (et
avec sa mythique mascotte phoque en couverture) représente l'apogée de
sa première période très teintée rock. Mais l'évolution est déjà notable
ici, le son est beaucoup plus tranchant et les influences du metal
britannique manifestes. 1981, ce sont en gros les débuts d'Iron
Maiden, mais on pense plus aux albums contemporains de Judas
Priest ici, avec toujours sur certaines pistes un arrière-goût
zeppelinien prononcé (Feel the same, l'excellent Don't hold
back). Mais l'essentiel, c'est que ce disque est une tuerie (à mon
sens meilleur justement que les pourtant plus réputés Judas Priest de la
même période), avec des titres presque speed ultra efficaces (Swords
and tequila, la chanson titre, Run for your life), bien
contrebalancés par les titres plus rock déjà cités. On aurait juste aimé
que le groupe fasse preuve d'encore un peu plus d'ambition et de
personnalité (les quelques notes d'intro de Outlaw par exemple
sont géniales mais ça ne dure qu'une dizaine de secondes !), et aussi
évite de terminer son disque par un Flashbacks foireux (un bout
d'enregistrement live qui ne comporte pas de réel morceau, c'est très
bizarre). Mais tel quel, ce disque mériterait déjà d'être plus souvent
cité parmi les tous meilleurs des débuts du metal.
- Riot - Restless breed (1982) ★ ★ ½
J'avais dit des bêtises dans ma chronique précédente, le phoque est une
espèce en voie de disparition mais pas encore éteinte sur la curieuse
pochette de ce quatrième opus de Riot. Mais le plus important ici, c'est
surtout le changement de chanteur, le nouveau n'a pas du tout le même
registre que le précédent, tessiture plus medium et chant plus agressif,
pas mauvais mais on n'y gagne clairement pas au change (il force pas mal
pour essayer de rendre Loved by you intéressante, mais le fond
musical est trop pauvre pour qu'il y parvienne). La qualité musicale est
aussi nettement en baisse après un magistral Fire down under :
son plus brut (quelque part ça colle au changement de chanteur) et
surtout des constructions trop basiques, à la limite de la paresse (hop,
un petit motif de cavalcade qu'on répète un peu trop et ça fait tout un
morceau). On conserve quand même quelques titres tubesques (Hard
loving man, la chanson titre, le très speed Violent crimes
qui conclut le disque) pour rendre l'album acceptable, mais
contrairement au précédent, celui-ci n'a aucune raison majeure d'être
sorti de l'oubli dans lequel il est tombé.
- Riot - Born in America (1983) ★ ★ ★ ½
Le départ de son premier chanteur et son échec à vraiment trouver sa
place parmi les ténors du genre après son pourtant excellent Fire
down under finiront par avoir raison de Riot un peu à retardement,
puisque le groupe va couler corps et biens après ce cinquième album...
avant de renaître quelques années plus tard sous une tout autre forme
(son fondateur et guitariste Mark Reale était pour le moins persévérant
!). Le temps tout de même de nous gratifier d'un dernier disque qui
remonte la pente après un Restless breed décevant. Il ne faut pas
se fier à la pochette une fois de plus ratée et à l'hymne patriotique
testostéroné qui sert d'ouverture, le reste est nettement plus
intéressant, on retrouve le goût pour les titres rapides et autres
cavalcades déjà présent sur l'album précédent, mais Running from the
law, Gunfighter ou Heavy metal machine (sans surprise
le titre le plus heavy du disque !) retrouvent une efficacité qui les
rend immédiatement irrésistibles. Un peu de déchet tout de même (la
reprise Devil woman simplement hors sujet) et un son brouillon
irritant quand on pense à la netteté des premiers enregistrements du
groupe quelques années auparavant, mais ça reste un album carré, solide,
une bonne sortie de scène pour la deuxième mouture de Riot.
- Riot - Thundersteel (1988) ★ ★ ★ ★
Cinq ans après ce qui semblait devoir être son dernier album, Riot
renaît de ses cendres grâce à la ténacité de son leader, mais ce dernier
est bien tout ce qu'il reste du groupe d'origine. Non seulement le
lineup a été intégralement revu, mais surtout le style musical lui-même
à fortement évolué : on oublie les racines rock vintage du groupe, et on
sort un album... de speed mélodique avec chanteur à la voix très haut
perchée façon Helloween. Et le pire, aussi surprenant que ça
puisse paraître, c'est que Riot réussit ainsi un come-back assez
impressionnant, alignant sur le début de l'album les tubes imparables
(la chanson titre, Sign of the crimson storm notamment), les
refrains (souvent appuyés de petites intervention chorales) sont d'une
simplicité désarmante mais hyper efficaces, ça va à fond les ballons
sans jamais faiblir, les solos sont réussis, bref c'est tout bonnement
excellent. Seule petite ombre au total, le chant devient vite assez
horripilant (faut aimer le suraigu quoi). C'est vraiment au niveau des
meilleures productions du genre pendant une petite demi-heure, avant que
la fin de l'album ne baisse clairement de régime (Run for your
life, pour le coup, ressemble à une caricature ratée avec ses
choeurs robotiques hilarants, et Buried alive essaye de proposer
une conclusion heavy épique de huit minutes mais ne colle pas au style
du reste de l'album et paraît poussive en comparaison). Ce qui n'empêche
pas le disque de mériter l'étiquette de classique complètement inattendu
dans un de mes genres de prédilection.
- Riot - The Privilege of power (1990) ★ ★
Riot est un exemple assez frappant de groupe qui a sûrement raté son
rendez-vous avec la gloire, et à plusieurs reprises qui plus est ! Alors
qu'ils venaient d'effectuer un retour en force avec l'excellent et très
speed Thunderspeed, la voie semblait toute tracée pour eux :
encore un ou deux albums dans ce genre porteur, et leur popularité sera
définitivement assise. Mais quand ils lui proposent un successeur deux
ans plus tard, c'est certes un album speed... mais unique en son genre.
En effet, comme si c'était trop facile de se contenter de produire
quelques tubes déchaînés (et il y a du bon speed sur ce disque, même si
on frise le n'importe quoi sur un Dance of death où la mélodie
finit par disparaître sous le délire technique et où le chant trop aigu
et pas totalement maîtrisé est assez terrible), le groupe a décidé de
lui ajouter quelques éléments supplémentaires : des ballades, bon
pourquoi pas, ça rompt la monotonie (mais elles sont quand même assez
mièvres). Une reprise de Race with the devil on a spanish highway
pour conclure le disque, ça c'est une excellente idée (qui doit
évidemment beaucoup à la qualité de l'original jazzy d'Al di Meola,
pourtant pas trop mon rayon a priori). Les introductions interminables à
base de samples divers (parfois près de deux minutes !), par contre,
c'est vraiment saoulant. Et surtout, surtout, inviter la section cuivre
du groupe de funk avec qui on partage le studio d'enregistrement à
intervenir sur quelques titres du disque, là c'est vraiment la faute de
goût totale. Le mélange incongru donne au mieux un On your knees
encore sauvable, au pire le terrifiant Killer qui ne ressemble
vraiment strictement à rien. Ce auto-sabordage incompréhensible
transforme un disque qui aurait du être très bon en curiosité
difficilement recommandable, et provoquera hélas rapidement une nouvelle
dissolution du groupe Riot. La vraie fin de l'aventure ? Pensez-vous,
Riot est immortel, il se relèvera encore une fois (ou deux) !
- Riot - Nightbreaker (1993), The Brethren of the long house (1995), Inishmore (1997), Sons of society (1999), Through the storm (2002), Army of one (2006) ★ ★ pour le tout
Six albums d'un seul coup, ça me permettra de rattraper efficacement mon
retard des vacances, mais ça se justifie ici aussi par le contenu. Après
un nouveau split, Riot s'est une nouvelle fois reformé quasi
intégralement, embauchant un quatrième chanteur depuis sa création, et
surtout subissant une nouvelle évolution stylistique en forme de retour
en arrière. C'est assez curieux d'ailleurs, on a l'impression que le
groupe adapte sa musique à son chanteur plutôt que le contraire. Le
nouveau venu est un peu dans le style de Rhett Forrester (celui qui
avait participé à Restless breed et Born in America), typé
hard rock classique et assez passe-partout (sans être du tout mauvais).
Et la musique laisse donc complètement tomber le côté speed des deux
albums précédents du groupe, et retourne à un heavy assez tranquille qui
manque sérieusement de nerf et d'ambition, et semble assez daté vu la
période à laquelle sont sortis les six albums produits avec ce line-up
(le plus stable du groupe, seul le batteur changeant deux ou trois fois
sur cette période). On ne peut pas dire pour autant que les albums
soient ratés, c'est joué avec un grand professionnalisme, les
compositions ne sont pas infamantes, mais il faut bien avouer que ça
manque vraiment d'un petit truc en plus pour qu'on en retienne quelque
chose une fois l'album terminé (Nightbreaker est le meilleur du
lot et mériterait probablement une note un poil meilleure que les
autres, les deux suivants sont sauvés par leur thématique intéressante,
"native americans" pour l'un et immigration irlandaise pour l'autre, les
trois derniers sentent vraiment fort la routine malgré quelques bons
titres). Par ailleurs, les quelques reprises et autres ballades peu
inspirées (qui lorgnent vers le Scorpions de Wind of
change sans en arriver à la cheville) forment un remplissage dont on
se serait volontiers passé. Rien de déshonorant donc, mais la tenace
impression que le groupe a tout bonnement laissé tomber ses rêves de
grandeur et s'est contenté d'assurer proprement un rôle de groupe de
seconde zone. Quand on voit la tenue de leurs meilleurs disques, c'est
tout de même décevant.
- Riot - Immortal soul (2011) ★ ★ ★ ★
Après 20 ans à vivoter, il ne devait pas rester grand monde pour espérer
une résurrection digne de ce nom chez Riot. Et pourtant, en 2011, son
fondateur et compositeur de toujours Mark Reale, alors déjà bien malade
(il décédera début 2012), tente une sorte d'improbable baroud d'honneur
en convoquant pour un dernier album le line-up de l'énorme
Thundersteel et en revenant pour l'occasion à une musique
infiniment plus rapide que celle qu'il proposait dans les disques
précédents du groupe. Et alors paf, d'un coup de baguette magique, ils
vont ressortir une tuerie speed comme s'ils n'avaient pas pris une ride
entre temps ? Eh bien, aussi extraordinaire que ça puisse paraître, oui
! Le Riot (c'est le nom de la première chanson de l'album)
initial est une tuerie absolue qui nous met proprement sur le cul (bon,
il faut toujours supporter le chant très aigu de Tony Moore, qui n'a
curieusement absolument pas bougé en deux décennies). Et la suite du
disque, loin de décevoir, comportera son lot de titres speed (moins
tonitruants que le premier certes, mais Wings are for angels ou
Sins of the father sont quand même très bons) et d'autres plus
classiquement heavy mais pas en reste niveau inspiration mélodique
(Whiskey man entre autres). Même si la deuxième moitié de l'album
pêche un peu plus (un trou d'air notamment sur le duo Immortal
soul/Insanity notamment), ça reste très recommandable. Un
retour en grâce totalement inespéré mais sacrément réussi !
- Riot V - Unleash the fire (2014) ★ ★ ★ ½
Le groupe le plus immortel de l'histoire du metal aura même survécu à la
mort de son leader et membre permanent depuis sa création... à une
lettre (ou un chiffre pour désigner le cinquième chanteur de l'histoire
du groupe ? Ce n'est pas très clair) près ajoutée à son nom, subtil
changement qui en dit long sur le respect que les musiciens formant
désormais le groupe vouent à Mark Reale. C'est d'ailleurs absolument
flagrant tout au long de l'album : on est ici en plein hommage au passé
du groupe, avec une sélection soigneuse de morceaux tirant vers le speed
(la chanson titre, Fight fight fight) et d'autres plus heavy old
school à l'ambiance rock qui regardent carrément vers les tout premiers
albums de Riot (Kill to survive, Take me back), le tout
agrémenté d'une ou deux ballades franchement réussies, et d'un nouveau
chanteur qui perpétue la tradition "chant aigu" remise au goût du jour
par le dernier disque enregistré avec Reale. L'hommage est d'ailleurs
tellement soigné que j'ai été un peu déçu à la première écoute, ça me
semblait un peu trop appliqué (limite scolaire), comme si le groupe
avait eu peur de vraiment se lâcher complètement (de fait, les morceaux
speed n'atteignent pas la furie de ceux qui introduisaient Immortal
soul ou Thundersteel). Et puis quand même, il faut bien
admettre que c'est du tout bon qu'on a sous la main : aucun titre raté,
des ambiances variées, techniquement irréprochable, à défaut de proposer
LE titre qui va vous faire tomber de votre siège, Riot V sait clairement
composer des morceaux d'une solidité à toute épreuve.
- Riot V - Armor of light (2018) ★ ★ ½
Après un album hommage qui renouait en partie avec les racines rock du
groupe, que pouvait nous proposer Riot V pour la suite de son aventure ?
Eh bien, une douzaine de titres heavy speed très calibrés, qui
constituent un album homogène au point d'en être presque lassant. Pas
grand chose à redire pourtant sur la qualité des compositions, ça reste
efficace, mais (c'était déjà un peu le cas dans le disque précédent)
presque trop policé par moments, et donc pas assez varié (plus rien qui
ressemble à une ballade ici, et les atmosphères rock vintage ont aussi
disparu, la seule originalité, c'est l'irruption de cuivres faisant
penser à The Privilege of power sur Caught in the witches
eye). Sans compter une impression de déjà entendu qui confine à
l'auto-plagiat sur l'intro de Messiah qui fait vraiment beaucoup
trop penser à celle d'un certain Thundersteel. C'est d'ailleurs
d'autant plus frappant que ledit Thundersteel est repris en
conclusion de l'album, peut-être une fausse bonne idée : bel étalage de
maîtrise technique de la part des musiciens (ça vaut l'originale), mais
aucune des compositions de l'album n'est aussi tranchante que
celle-ci... Un album correct malgré tout, mais bien en-deça des
principales réussites du groupe.