Mon avis personnel sur les disques de Queensrÿche
- Queensrÿche - The Warning (1984) ★ ★ ★ ★
La liste des groupes de métal dont j'ai écumé la discographie manquait
jusqu'ici de Q (oui, l'initiale, à quoi pensiez-vous ?), il est donc
temps d'y remédier avec ce groupe américain souvent cité comme un des
initiateurs du prog metal (les lettres W, X et Z attendront encore un
peu par contre). Dans ce premier album, on sent à vrai dire surtout
l'influence du heavy classique (et classe) d'un Iron Maiden et la
présence parfois envahissante de son chanteur hors normes Geoff Tate
(faut aimer les aigus, mais quand même, ce garçon a quelque chose). On a
par ailleurs la curieuse impression d'un album hors du temps, avec ce
son qui manque cruellement de puissance (pour une fois, j'avoue que la
version remasterisée fait du bien pour donner un peu de poids à tout ça)
pour un disque enregistré la même année qu'un Ride the lightning,
mais en même temps cette volonté permanente de proposer quelque chose de
recherché, de travailler énormément les atmosphères à coups de petits
effets qui place la musique de Queensrÿche bien loin des préoccupations
de beaucoup de groupes de l'époque. Et franchement, même s'ils semblent
encore chercher un peu leur voie sur ce disque (le côté déstructuré de
NM 156, la fin très étonnante de En Force), les
expérimentations proposées par le groupe ne sont jamais complètement
vaines, et leur sens de la mélodie accouche de plusieurs titres vraiment
excellents (Warning, Deliverance, les 10 minutes de
Roads to madness avec ses touches orchestrales et son chant "too
much" qui finissent par convaincre). Plus qu'un essai prometteur, c'est
tout bonnement déjà un excellent album !
- Queensrÿche - Rage for order (1986) ★ ★ ★
Pour ce deuxième album, Queensrÿche se détache de l'influence Maiden et
expérimente pas mal, semblant encore chercher un peu sa voie mais
proposant une nouvelle fois beaucoup de choses intéressantes et
originales dans le monde du metal de l'époque. Un peu plus de synthés
que dans leur premier disque, beaucoup de choeurs, toujours la présence
de petits effets pour donner de la profondeur aux compositions, des
tempos variés, il y a toujours quelque chose à se mettre sous la dent,
et en même temps on regrette un peu que le groupe ne développe pas plus
certaines compositions qui l'auraient mérité (aucun titre de plus de 5
minutes ici, le côté prog n'est pas encore complètement assumé).
Typiquement, The Killing words aurait pu être une tuerie mais
s'arrête curieusement en donnant l'impression de ne pas avoir tout dit.
C'est quand même l'un des meilleurs titres de l'album, avec Walk in
the shadows. Il y a aussi malheureusement un peu de déchet,
Surgical strike ou London n'ont pas grand chose de
passionnant à raconter. Ensemble inégal, mais le bilan annuel reste
suffisant pour un passage en deuxième année. Euh pardon, je ne devrais
pas taper mes chroniques entre deux bulletins. Album très correct donc,
mais trop souvent constitué de promesses pas totalement réalisées.
- Queensrÿche - Operation : Mindcrime (1988) ★ ★ ★ ★ ★
Pour son troisième album, Queensrÿche décide de tenter le coup de
l'album concept, un choix plutôt judicieux vu leurs tendances à
l'expérimentation et à l'insertion d'effets et autres bruitages qui
trouveront ici naturellement leur place. En fait, c'est même beaucoup
mieux que ça : avec ce disque, ils ont trouvé le format idéal pour
laisser vraiment exploser leur créativité et nous pondent tout
simplement un classique de très haute volée. Pourtant, l'histoire
racontée n'a rien d'extraordinaire, surfant sur des clichés issus des
films "inquiets" des décennies précédentes (une histoire de junkie
recruté par une mystérieuse société révolutionnaire pour assassiner à
tour de bras, qui s'amourache d'une ancienne prostituée, le tout
finissant évidemment fort mal). Mais ça n'a pas grande importance car la
musique, elle, est vraiment excellente de bout en bout, très mélodique,
souvent dépressive (pas surprenant), parfois colorée de teintes
progressives (la longue Suite sister Mary) et de touches
orchestrales, et surtout vraiment inspirée. Pas vraiment de tube absolu
se détachant du reste (quoique The Mission soit quand même
vraiment fabuleuse), mais une suite homogène de titres tous réussis (le
seul raté à mon sens est My empty room), portés par le chant
habité de Tate et des ambiances travaillées, qu'on écoute d'un bloc sans
jamais décrocher (vraiment pas le genre d'album à écouter en tranches).
Un chef-d'oeuvre ? Pour moi oui.
- Queensrÿche - Empire (1990) ☆
Me voilà devant le cas de figure assez rare d'un album qui m'énerve
tellement que je suis incapable de le noter objectivement. Alors tant
pis, je le descends en flamme même s'il ne le mérite probablement pas.
Mais tout de même, quelle douche froide : après un Operation :
Mindcrime ambitieux et génial, il faut croire que l'un des membres
du groupe a eu l'idée saugrenue de proposer aux autres "ben tiens,
maintenant, si on enchaînait avec une bouse bien commerciale ?" et
surtout que les autres ont suivi. S'il y avait déjà en fond quelques
relents de rock FM dans le disque précédent, là ce ne sont pas des
relents, c'est permanent : claviers ridicules (les pouet pouet à la fin
de The Thin line), choeurs d'une insupportable niaiserie (sur le
refrain de Resistance par exemple), passages parlés à côté de la
plaque, et tempos retenus et ambiance cool en permanence (le minable
Della Brown en est un "bon" exemple), on a l'impression d'écouter
une bande-son de jeu video du type GTA et pas un véritable album. Même
si tout n'est pas aussi mauvais que je ne le laisse entendre, on a
vraiment complètement quitté la sphère metal pour quelque chose qui ne
m'intéresse tout bonnement pas du tout. Il ne reste plus qu'à espérer
que la suite de la discographie repartira sur quelque chose de moins
paresseux.
- Queensrÿche : Promised Land (1994) non noté
Quatre ans ont passé depuis la sortie d'Empire, une durée
relativement longue qui indique peut-être une remise en question de la
part du groupe par rapport à ce qu'ils ont proposé dans leur album
précédent ? En fait, pas vraiment (et c'est assez normal dans la mesure
où ledit album avait été loin d'être un échec commercial), Queensrÿche
confirme ici qu'il est parti dans des directions vraiment différentes de
ce qu'il faisait initialement, et surtout des directions qui vont me
faire arrêter les chroniques régulières le concernant (d'où le fait que
je ne donne déjà pas de note pour ce disque-ci). Notons quand même une
ambition retrouvée et pas mal d'expérimentations dans cet album, qui
tournent parfois au bizarre franchement foireux (Disconnected,
par exemple, ça ne ressemble vraiment pas à grand chose), mais
débouchent parfois sur des choses au style très éclectique pas
désagréables (I am I). Et puis le disque comporte aussi une
ballade avec piano et un peu de fond de violoncelle (Lady Jane)
que je trouve même vraiment réussie. Un album qui peut probablement
convaincre les auditeurs amateurs de rock au sens large qui ne sont pas
allergiques aux mélanges pas totalement naturels (la présence du saxo
sur la chanson titre par exemple...).
- Queensrÿche - Operation : Mindcrime II (2006) ★
Alors que le groupe est englué dans une série d'albums médiocres et pas
loin de se déliter complètement, il prend en 2006, soit 18 ans après le
premier opus, la décision courageuse de proposer une suite à son
chef-d'oeuvre de 1988. Courageuse ou suicidaire ? En tout cas,
Queensrÿche semble y mettre toute la bonne volonté dont il est capable :
le scenario est dans la continuité directe du premier volet (et se
déroule d'ailleurs 18 ans après !), les ambiances sont assez proches et
on a même droit de temps à autre à des allusions musicales assez
directes (les choeurs à la fin de If I could change it all qui
font écho à ceux de Suite sister Mary). On a même embauché Dio
pour donner un peu de classe à l'ensemble (bon, il n'a pas grand chose à
faire, mais le duo de The Chase est l'un des bons moments du
disque). Et alors, du coup, ça fonctionne ? Eh bien non, pas du tout,
les similitudes ne font que forcer à la comparaison, et ce deuxième
Operation : Mindcrime est tout simplement à des années-lumière de
son prédécesseur en termes d'inspiration. Quelques chansons correctes
(surtout vers la fin, A Junkie's blues par exemple) sans être
exceptionnelles, et un long enchaînement de titres très moyens, qui
noient sous les effets orchestraux leur manque de panache. Bien sûr,
l'album paye un peu le fait d'être la suite d'un chef-d'oeuvre, mais si
on a le malheur d'écouter les deux volets à la suite, la médiocrité de
celui-ci fait vraiment mal aux oreilles.
- Queensrÿche - Queensrÿche (2013) ★ ★ ½
Après de bien trop longues années passées à aligner les disques
décevants, Queensrÿche s'est enfin décidé à se séparer de son chanteur
certes charismatique mais devenu bien trop envahissant, et propose pour
fêter cela un album éponyme qui joue manifestement la carte de la
sobriété (pochette, durée limitée à moins de 40 minutes). Ok, mais
va-t-on simplement avoir droit à la même soupe avec un chanteur
différent ? À l'écoute, on a plutôt l'impression curieuse d'entendre une
musique différente avec le même chanteur ! En effet, le nouveau venu
imite de façon assez saisissante le style de Tate (ce qui n'est quand
même pas donné à tout le monde), alors que les musiciens, manifestement
libérés par ce changement de cap, osent beaucoup plus que dans les
albums précédents. On a même l'impression, le temps de deux titres
prometteurs (Where dreams go die et Spore, qui ouvrent
l'album après une intro pas vraiment marquante), de retrouver le groupe
ambitieux, capable de produire une musique mélodique et sophistiquée,
qu'on avait quitté il y a 25 ans (seul bémol, le son de batterie
vraiment moche). Ces promesses ne sont hélas pas totalement tenues, le
recours à des orchestrations inutiles (sur A World without
notamment) et quelques titres vraiment trop légers ou lorgnant encore
vers la pop (les voix traquées de Redemption) noircissant le
tableau. Mais on va quand même redonner une chance au groupe pour les
bonnes intentions qu'il manifeste ici.
- Queensrÿche - Condition Hüman (2015) ★ ½
Leur album précédent (le premier avec leur nouveau chanteur) m'avait
laissé espérer qu'une nouvelle ère intéressante pouvait s'ouvrir pour
Queensrÿche, cette nouvelle tentative semble hélas refermer la porte.
Non pas d'ailleurs que ce soit fondamentalement mauvais, mais on revient
assez clairement à quelque chose de beaucoup moins heavy, très
sophistiqué mais au fond pas très profond, et qui m'ennuie assez
rapidement. Seul All there was bouge un peu plus, le reste du
temps on est en permanence englué dans du mid tempo (voire pire) plutôt
bien ficelé mais qui manque quand même cruellement d'accroche, il ne
passe jamais rien de vraiment passionnant (un solo comme celui de
Selfish lives, à part faire plaisir au guitariste, il sert à quoi
?), aucune mélodie mémorable, bref un album pas désagréable en fond mais
dont je ne retiens absolument rien après plusieurs écoutes. Bon, tant
pis, Queensrÿche restera pour moi le groupe d'un chef-d'oeuvre, précédé
de deux bons albums, et suivi de beaucoup de déceptions.