Mon avis personnel sur les disques de Pain of Salvation
- Pain of salvation - Entropia (1997) ★ ★ ★ ★ ½
Le début de la première piste ! (Foreword) pourrait laisser
penser qu'il s'agit ici de metal assez "standard" mais la rapide
interruption avec envolée de claviers lance brusquement le titre dans
une tout autre direction (et dans une ambiance qui préfigure à mes
oreilles Haken, auquel j'ai pensé à d'autres moments, mais il
faut dire que mes références en metal progressif sont fortement
limitées). Le chanteur, lui, a une présence qui ferait presque penser à
celle de Mike Patton, le chanteur de Faith no more. En tout cas,
beaucoup d'inspirations diverses et surtout (et c'est bien l'essentiel)
des titres très construits et souvent très réussis. On navigue entre
chansons bien musclées (Revival), sonorités presque electro (sur
People passing by) et déplorations mélancoliques qui constituent
à mon sens les plus belles réussites (Oblivion ocean et surtout
la paire Nightmist et Plains of down en fin de disque).
Quelques pistes totalement inclassables aussi, comme ce Stress
qui part vraiment dans tous les sens et qui touche au génie, ou To
the end qui convoque un court intermède jazz de façon complètement
impromptue (là, sans surprise, ça me semble complètement raté). À
quelques maladresses près, tout cela est franchement impressionnant pour
un premier disque enregistré par une bande de gamins !
- Pain of salvation - One hour by the concrete lake (1998) ★ ★ ★
Deuxième livraison du groupe suédois, et par rapport à leur premier opus
constitué de morceaux de jeunesse un peu disparates (mais excellents !),
on sent qu'il y a eu une grosse progression en termes de maturité :
c'est très réfléchi, parfaitement construit, pas grand chose à redire.
Et pourtant, j'ai la curieuse impression d'avoir perdu la spontanéité du
premier album. Après une première chanson Inside (je passe
l'intro au clavier pour mettre dans l'ambiance) pourtant très réussie,
j'ai l'impression que ça s'enlise un peu dans des formats un peu trop
calibrés pour surprendre (le violoncelle pour accompagner la petite
ballade Pilgrim par exemple, c'est beau bien sûr, mais un poil
téléphoné). Ca reste bon (et même très bon) mais il manque la petite
étincelle qui donne vraiment envie d'y revenir. Un bon album malgré
tout, mais j'espérais encore mieux après un premier opus aussi
prometteur.
- Pain of Salvation - The Perfect Element, Part I (2000) ★ ★
Voilà un disque qui m'embête. Commençons par le positif : il y a
vraiment de la musique là-dedans, plus de 70 minutes variées,
travaillées, avec énormément d'influences différentes mêlées dans des
atmosphères souvent prenantes. Mais justement, ce côté très fourre-tout
m'embête un peu (on est vraiment loin du metal ici, pour être honnête).
Pourquoi pas un Used très urbain aux couplets rappés (une bonne
entrée en matière d'ailleurs), mais sur le même album qu'un
Idioglossa aux sonorités franchement plus electro-pop, est-ce que
ça a un sens ? Pire, on sent le groupe très conscient de faire de la
musique "intelligente" et ça tourne trop souvent au chichiteux énervant
(l'utilisation des choeurs, du piano ou des violons finit par devenir
assez exaspérante), une chanson comme King of loss est assez
symptomatique de ces dérives. Vraiment dommage, car il y a toujours un
potentiel gigantesque chez ces musiciens, mais à mon sens pas toujours
bien exploité (le trop est souvent l'ennemi du bien...).
- Pain of Salvation - Remedy Lane (2002) ★ ★ ★
Je crois que je commence à comprendre pourquoi Pain of Salvation est un
groupe qui me frustre : j'ai mis la barre tellement haut en démarrant
dans le metal progressif avec Haken que tout le reste va
forcément me sembler médiocre... Plus sérieusement, la comparaison a
vraiment du sens sur une piste comme Fandango, où les suédois se
sont sûrement abreuvés aux mêmes sources que les britanniques dans
Cockroach king (en tout cas les lignes mélodiques et textures
vocales y font vraiment penser), mais en beaucoup moins réussi. Pour
d'autres pistes, pas besoin de comparer à quoi que ce soit pour se
rendre compte que c'est franchement mauvais, comme sur Second
love qui se vautre dans le sirop le plus insupportable, ou même sur
un Ending theme où les passages parlés sonnent terriblement
creux. Et pourtant, il y a aussi de bons moments, qui me réconcilient en
partie avec le groupe : A trace of blood et son piano
virevoltant, Rope ends qui part un peu dans tous les sens mais
qui est très intéressant, Chain sling avec son espèce de mélodie
populaire rigolote, ou même la dernière piste Beyond the pale qui
arrive à transcender l'espèce de gratouillis de guitare qui l'introduit
pour proposer des développements qui fonctionnent bien. Sans être
totalement convaincu, il y a vraiment du progrès.
- Pain of Salvation - BE (2004) gozu !
Une chose est sûre après l'écoute de cet album, nos amis suédois ont de
très bons fournisseurs... Il s'agit ici de rien de moins qu'un concept
album évoquant Dieu, l'humanité et tout le reste, avec titres de pistes
en latin. Bon, déjà, ça sent bien le délire prétentieux qui risque de
tomber à plat, surtout vu les antécédents du groupe. Mais attendons de
voir : quelle illustration musicale pour tout ça ? Eh bien, tout et
n'importe quoi. Littéralement. Il n'est absolument pas question ici de
faire un album metal traditionnel ou même metal tout court, on a droit à
un orchestre de chambre pour accompagner le groupe (le piano est très
présent, mais les flûtes aussi), et une majorité des pistes ne sont pas
des chansons à proprement parler. On a droit en vrac à du blabla
pontifiant sur fond de bruitages (Animae partus, introduction
complètement insupportable), à des conversations sur Dieu sur fond de
musique d'ascenseur (Vocari dei), à du gospel (Nauticus,
qui se termine sur des dialogues qui auraient plus leur place sur une BO
de film de Tarantino...), un espèce de truc folk médiévalisant (avec
flutiaux et tambourin de rigueur, Imago), ou même à un Pluvius
Aestivus qui est en gros un solo de piano sur fond de pizz de
cordes, Omni qui convoque un orgue, et Dea pecunia qui est
tout bonnement indescriptible tellement ça part dans tous les sens en ne
ressemblant absolument à rien. Bizarrement, le tout n'est pas aussi
risible que ça devrait l'être car ça semble fait avec une sincérité
assez désarmante. M'enfin bon, si j'avais sérieusement essayé de mettre
une note à ce gloubiboulga, elle ne serait vraiment pas élevée (en fait,
il y a bien peu de musique à proprement parler, même si Imago ou
Martius/Nauticus II dans sa première partie sont plutôt sympa)...
- Pain of Salvation - Scarsick (2007) ★ ★ ★ ★
La frontière qui sépare les albums qui nous déplaisent de ceux qui nous
emballent est parfois bien difficile à tracer. Après plusieurs
désillusions avec ce groupe, voilà enfin (c'est le deuxième après leur
effort initial Entropia) un disque qui me plaît beaucoup.
Pourtant, si on considère le très spécial BE comme une sorte de
parenthèse, on ne peut pas dire que les ingrédients aient vraiment
changé depuis The Perfect Element (dont ce Scarsick est
d'ailleurs censé être la deuxième partie). Toujours des influences très
diverses et des chansons qui n'hésitent pas à s'aventurer sur des
terrains assez éloignés de ce qu'on peut attendre d'un groupe de metal,
mais cette fois-ci j'accroche sans retenue, du moins à la première
partie de l'album. Peut-être parce que la musique en est vraiment
frontale, sans les chichis trop souvent présent sur les albums
précédents, à l'image de cette chanson titre qui verse dans la fusion
énervée (le chant est très rappé sur les couplets, opposés à un refrain
très mélodique) qui réussit parfaitement son coup. On est carrément dans
la sphère hip-hop avec le Spitfall qui suit, je devrais détester
mais c'est tellement bien fichu que j'adhère quand même. Une parenthèse
plus apaisée quoique mélancolique (la très belle Cribcaged) et on
enchaîne sur deux ovnis, notamment l'inénarrable Disco queen qui,
comme son titre le laisse deviner, inclut de forts éléments de musique
disco. Là encore, ça pourrait (devrait ?) être ridicule, mais ça marche
parfaitement. Hélas, la deuxième moitié du disque nettement moins
emballante refroidit un peu mon ardeur (rien de franchement mauvais non
plus, mais c'est à la fois moins osé et tout bêtement moins inspiré,
notamment la doublette Mrs. Modern Mother Mary - Idiocracy
qui ne semble pas trop savoir quoi dire et faire dans le bizarre pour le
principe), ce qui empêche l'album de décoller encore plus haut niveau
note (pour la première moitié, j'aurais mis cinq étoiles sans hésiter).
Mais ça fait tout de même bien plaisir de se trouver face à un album
enthousiasmant et sur lequel aucune piste ne m'a énervé !
- Pain of Salvation - Road Salt One : Ivory (2010) ★ ★ ★ ★ - Road Salt Two : Ebony (2011) ★ ★ ½
Il y a quand même une chose qu'on ne peut pas dénier à Pain of Salvation
: ce sont des champions du renouvellement. À chaque nouvel album, même
si on ne sait absolument pas à quoi s'attendre, on est toujours surpris.
Ici, ce n'est d'ailleurs pas un album, mais deux, et on comprend très
vite que ce compte-rendu n'a essentiellement rien à faire sur une page
consacrée au metal. Un son bien brut et des guitares très saturées
ouvrent le très bon No way, mais surtout on plonge directement
dans une ambiance très blues et très roots qui évoque les années 70 (vu
mon inculture totale, je ne tenterai pas de référence plus précise) et
qui sera présente tout au long des deux albums, à quelques rares sorties
de route près (la valse déjantée de Sleeping under the stars dans
le premier album, les derniers couplets en français de The Physics of
Grilock dans le second). Du coup, je me sens assez peu apte à juger
dans le détail, mais le premier album est vraiment très bon,
l'atmosphère poisseuse et dépressive vous colle aux basques et il y a
des sommets assez impressionnants (la très triste Sisters
accompagnée presque uniquement au piano au départ pour finir avec des
touches chorales et orchestrales, vraiment une réussite exceptionnelle
pour moi). Le deuxième album me convainc nettement moins, puisqu'il se
contente de reprendre le même concept, mais évidemment sans l'effet de
surprise, et surtout sans chanson qui sorte vraiment du lot (si je
devais en citer une, peut-être To the shoreline et son ambiance
qui fait penser à une BO de western désabusée), et avec quelques
passages qui penchent du côté du chichiteux (la plage conclusive...).
Mais globalement, une belle unité de ton pour ces deux albums, et
beaucoup de belle musique, tout simplement.
- Pain of Salvation - In The passing light of day (2017) ★ ★ ★
Cet album a été écrit alors que le leader du groupe était hospitalisé
dans un état grave, on peut donc se douter que ça ne va pas être une
musique débordante d'enthousiasme à laquelle on va avoir droit ici. En
soi, ça tombe assez bien, puisque le groupe réussit souvent de belles
choses quand il joue la carte de l'émotion. Mais le ton dépressif est en
fait loin d'être uniforme, il s'agit de l'album le plus metal du groupe
depuis bien longtemps (sûrement depuis le tout premier album, en fait).
D'ailleurs, l'ouverture de On a tuesday donne le ton, même si les
passages violents alternent ensuite avec d'autres beaucoup plus
mélancoliques. Belle chanson en tout cas, qui ouvre parfaitement un
disque contenant une majorité de pistes réussies (Tongue of god,
The taming of a beast et son riff initial entêtant), mais aussi,
hélas, des moments poseurs dont on se serait bien passé (Reasons
dont je ne comprends pas l'intérêt, ou la fin de Full Throttle
tribe qui était pourtant une belle chanson). Le tout culminant avec
une dernière piste de 15 minutes dont la première moitié est d'un
statisme absolu, j'ai du mal à accrocher. Un disque inégal donc, mais
qui reste quand même plutôt dans les bons crus du groupe selon moi.
- Pain of Salvation - Panther (2020) ★ ★ ★ ½
Dernier album en date pour le groupe suédois, et c'est du très récent.
La surprise est comme d'habitude de mise, avec un Accelerator
initial qui démarre... avec des sons qui évoquent la musique techno de
mon adolescence (que, je vous rassure, je n'ai d'ailleurs jamais écoutée
attentivement). Intéressant à défaut d'être totalement réussi (ça ne
vaut pas le Disco queen de l'album Scarsick, mais pas sûr
qu'on puisse vraiment faire beaucoup mieux sur ce genre de base), et les
sons très électroniques accompagneront d'autres pistes de l'album. Mais
on a droit ensuite à une espèce de passage en revue de tout ce que Pain
of Salvation est capable de produire, du mélodique hyper sentimentaliste
sur fond de claviers avec Restless boy (qui donne quand même un
peu trop dans le lacrymal au niveau du chant), du son de guitare vintage
pour l'intro de Unfuture (oar ailleurs assez indescriptible avec
ses drôles d'influences orientales, mais vraiment réussie), et
l'inévitable chanson finale de plus de 10 minutes qui reste globalement
dans un ton très mélancolique qui, ma foi, sied bien au groupe. Mais la
plus belle réussite de l'album est pour moi la chanson-titre, courte et
efficace avec son refrain presque pop qui reste vraiment en tête. On
regrettera à côté de ça quelques passages où le groupe s'écoute un peu
trop jouer, comme d'habitude (Species par exemple est assez
énervante), mais cet album très éclectique est un bon résumé de ce dont
le groupe est capable.