Mon avis personnel sur les disques d'Opeth
- Opeth - Orchid (1995) ★ ★ ★
On ne peut pas dire qu'Opeth donne dans l'easy listennig avec ce premier
album qui marque fortement un territoire qui n'est pas forcément le plus
accueillant a priori : des chansons qui s'étirent presque
systématiquement au-delà des 10 minutes, avec énormément de
développements instrumentaux complexes, on est très très loin du
couplet-refrain bateau. Au premier abord, j'avoue avoir été assez peu
séduit, le chant guttural (certes pas hyper présent puisque ça doit
chanter à peine la moitié du temps sur toute la durée de l'album) me
semblait peu en accord avec les atmosphères créées, les nombreuses
ruptures au sein de chaque piste ne sont pas forcément très bien gérées
(parfois, on se demande vraiment pourquoi ne pas avoir fait trois titres
de quatre minutes plutôt qu'un seul de douze) et certaines influences
presque jazz (quelques passages dans Under the weeping moon, la
batterie à la fin de The twilight is my robe) m'ont sans surprise
déplu. Mais j'ai quand même insisté car la singularité des ambiances
mérite qu'on s'attarde un peu plus sur ce disque. Pas mal de guitares
acoustiques, des mélodies souvent répétées ad nauseam, il y a un côté
hypnotique qui fonctionne finalement assez bien, par exemple dans le
premier titre In the mist she was standing qui à la réécoute me
semble le plus réussi de l'album. Et puis il y a vraiment quelques très
belles idées, la toute fin suspendue de The Apostle in triumph ou
même l'étonnant intermède au piano Silhouette avec ses grosses
influences classiques. Pour celui qui entrera vraiment dans cette
musique, il y a probablement de quoi vraiment être emballé. Ce n'est pas
totalement mon cas, probablement faute de séduction mélodique un peu
plus immédiate, mais il y quand même de la belle musique dans ce premier
essai.
- Opeth - Morningrise (1996) ★ ★ ★ ★
Après un premier album ambitieux et exigent, Opeth persiste et signe :
seulement cinq pistes pour plus d'une heure de musique (les versions
plus récentes de l'album proposent, comme pour leur premier opus
d'ailleurs, une dernière piste qui est un enregistrement live immonde
dont l'intérêt est plus que discutable), on est repartis pour de longues
épopées mélancoliques, où les passages instrumentaux et les guitares
acoustiques continuent à dominer le paysage, sur un fond de batterie
teintée d'influences jazz. Pas de révolution donc, mais une évolution
tout de même, avec des transitions mieux maîtrisées et un peu plus de
chant clair (je ne m'en plains pas, je continue à penser que le chant
guttural se mélange assez mal à la musique du groupe). On n'échappe pas
totalement à l'enlisement dans certains développements instrumentaux
(dans The Night and silent water notamment), mais il faut bien
admettre que c'est la plupart du temps de la très belle musique,
notamment dans Advent et Black Rose immortal (cette
dernière arrive à gérer sa durée fleuve de 20 minutes sans mollir, un
beau tour de force). Ca demande encore un certain investissement pour
rentrer dans le truc (les cellules mélodiques sont encore régulièrement
répétées une dizaine de fois sans variations, ça peut lasser), mais si
le groupe continue dans cette voie, le prochain album pourrait bien être
un chef-d'oeuvre !
- Opeth - My Arms, your hearse (1998) ★ ★ ★ ½
Pour être honnête, à la première écoute, j'ai été franchement déçu par
cette nouvelle proposition, qui me semblait perdre une bonne partie du
charme des deux premiers albums (ce côté lancinant et presque hypnotique
des longs développements instrumentaux, beaucoup moins présents ici)
pour se diriger vers quelque chose de plus direct et frontal assez
impersonnel. Ce n'est en fait pas vraiment le cas, mais il y a tout de
même des éléments factuels qui prouvent une certaine volonté de faire
moins alambiqué : titres (un peu) plus courts, beaucoup moins de
guitares acoustiques (sauf sur les titres où il n'y a que ça) et des
breaks (de choeurs en voix claire typiquement) plus courts. Malgré cela,
les chansons sont encore très construites et proposent des ambiances
variées, dans lesquelles j'ai fini par rentrer, au moins pour certaines
d'entre elles : April Ethereal est une excellente ouverture, et
les très métalliques The Amen corner et Demon of the fall,
au coeur de l'album, sont excellentes. Mais il y a aussi des coups de
moins bien, dans la conclusion en voix claire de When que je
trouve assez ratée, et dans une fin d'album sur laquelle je décroche un
peu (Credence s'éloigne complètement de l'univers metal et ne
m'intéresse pas vraiment, Karma est au contraire assez brutale
mais part dans trop de directions, et l'Epilogue instrumental
avec ses claviers, sans être indigne, ne me transporte pas non plus). Le
tout reste très agréable à écouter, mais je garde une préférence pour le
plus homogène album précédent.
- Opeth - Still Life (2000) ★ ★ ★ ★ ½
À l'écoute de ce quatrième disque du groupe, il est assez clair que les
tentatives qui ne m'avaient pas totalement convaincu sur le précédent
relevaient encore de la recherche de la part des suédois du bon
équilibre entre la complexité des compositions et le côté très direct du
chant guttural, et de l'intégration parfaite du chant clair et des
nombreux passages acoustiques. Eh bien, là, l'équilibre, on l'a, et il
est vraiment parfait, au moins sur quelques titres. En fait, dès l'intro
intrigante de The Moor qui débouche presque par susprise sur un
riff de mammouth, on sent qu'on va se prendre une grosse baffe dans la
tronche, et on a raison : cette première piste est exceptionnelle ! Tous
les éléments caractéristiques de la musique du groupe se mélangent à la
perfection, c'est d'une richesse incroyable et ça prend le temps de tout
développer, vraiment rien à redire. Le reste de l'album sera presque à
l'avenant, n'hésitant pas les sorties de route inattendues sur un disque
de metal (Benighted, superbe respiration chorale en chant clair
sur fond purement acoustique, ou Face of Melinda qui ne fait
intervenir du gros son qu'aux deux tiers de la chanson) mais proposant
aussi quelques titres directs au tempo rapide (un peu dans l'esprit de
My Arms, your hearse) bien fichus (God's lament). Mes
seuls petits reproches (qui suffiront à réserver la note maximale pour
une prochaine fois) : les influences trop swinguantes de Moonlapse
vertigo (je ne peux pas dire que ce n'est pas bon, loin de là, mais
ce côté presque jazzy n'est pas trop pour moi, tout simplement), et une
fin de disque à mon sens un peu plus décousue (notamment la piste finale
White cluster). Mais franchement, on tient déjà là un album
excellent.
- Opeth - Blackwater Park (2001) ★ ★ ★ ½
Ce cinquième album du groupe est considéré par beaucoup comme le sommet
de sa discographie. Je vais encore une fois me démarquer puisque j'ai
été, non pas déçu par cet album qui reste globalement très bon, mais
tout simplement moins enthousiasmé que par son prédécesseur Still
Life, alors que les deux boxent de toute évidence dans la même
catégorie. On retrouve les atmosphères dépressives, l'alternance de
chant clair et guttural et l'utilisation fréquente de guitares
acoustiques chers au groupe. Seul petit ajout, quelques lignes de piano
par-ci par-là qui ne m'ont d'ailleurs pas franchement convaincu (sur le
court instrumental Patterns in the ivy, je trouve même qu'il est
assez mal utilisé). Pour le reste, on retrouve une piste inaugurale
vraiment réussie (The Leper affinity) mais moins marquante que
The Moor sur le disque précédent, une ballade acoustique
(Harvest) réussie mais moins emballante que Benighted, un
ou deux titres plus directs (The Funeral portrait), et d'autres
vraiment très travaillés (mon préféré est peut-être The Drapery
falls, dont le chant clair sur la première partie m'a fait penser à
ce qu'on trouve régulièrement sur les disques d'Haken). Bref,
c'est très bien tout ça, mais y a rien à faire, ça m'accroche moins, je
n'ai pas plus que ça envie de me remettre l'intégralité du disque dans
les oreilles après en avoir terminé, et on ne peut pas lutter contre ça
!
- Opeth - Deliverance (2002) ★ ★ ★ ★ ★
Pour cet album et le suivant (Damnation, sorti quelques mois plus
tard), Opeth a décidé d'innover un peu en créant un dyptique aux
ambiances opposées, le côté violent/énervé pour Deliverance, le côté
calme/contemplatif pour Damnation. Honnêtement, à première vue, ça me
semblait une très mauvaise idée, dans la mesure où une part non
négligeable de l'intérêt de la musique du groupe provient justement de
l'apparition au sein d'une musique extrême de plages très contrastantes
fournies par le chant clair et les guitares acoustiques. Mais en fait,
les suédois sont beaucoup trop malins pour avoir proposé un album
uniformément brutal, même s'il est vrai que les premières minutes de
Wreath ou Master's apprentices ne font pas vraiment dans
la dentelle (on avait toutefois déjà eu ce type d'approche frontale de
leur part dans l'album My Arms, your hearse). En fait, on a ici
un peu moins de guitares acoustiques et de chant clair que dans les
albums précédents (sauf bien sûr sur la sublime parenthèse A Fair
judgement) mais on retrouve en contrepartie les longs développements
instrumentaux des tout premiers disques du groupe (à part le court
interlude instrumental For absent friends, toutes les pistes
dépassent les 10 minutes). Et tant mieux, car ça enrichit encore une
musique déjà sacrément inspirée ! Il faut vraiment écouter les dernières
minutes de la piste-titre, avec son martèlement dans le grave au-dessus
duquel s'échappent des bribes mélodiques presque planantes, et son
enchaînement avec A Fair judgement, on a vraiment là un quart
d'heure de musique de très très haut vol. Le reste du disque est un poil
moins impressionnant mais reste excellent quasiment de bout en bout
(mélodiquement, c'est vraiment bon), la seule piste m'ayant posé
quelques problèmes lors des premières écoutes étant la dernière, By
the pain I see in others, qui prend une tournure plus expérimentale
parfois surprenant (l'espèce de growl trafiqué assez moche à un moment,
des sonorités qui font penser à de l'orgue de barbarie à un autre, et
surtout une conclusion bruitiste espacée de silences que je ne comprends
pas). Un peu dommage de terminer un si grand album sur une légère fausse
note, mais le (premier) chef-d'oeuvre du groupe, pour moi, c'est bien
celui-ci.
- Opeth - Damnation (2003) ★ ★ ★ ★
Deuxième volet du dyptique dur/doux d'Opeth. Autant le premier volet
restait largement contrasté et ressemblait finalement pas mal aux autres
productions du groupe, autant celui-ci s'en éloigne vraiment
radicalement. Plus l'ombre d'un chant guttural ni même d'une guitare
électrisée, en fait ce n'est plus du tout un album de metal, mais une
suite de pistes douce-amères comme Opeth avait déjà su nous en insérer
de brillantes dans d'autres disques. Et encore une fois, ça marche
franchement bien, on démarre très joliment avec un Windowpane
très mélancolique (bon, de toute façon, ça respire pas franchement la
joie de vivre tout au long de l'album) et prenant, les synthés sonnent
tout de même parfois un peu pauvres à mon goût sur cette piste et la
suivante. Je préfère nettement le piano très présent dans la superbe
To rid the disease, ou même ces mêmes claviers en mode "sonorités
aquatiques" dans la conclusion de l'album, Weakness, que je
trouve extrêmement réussie. Entre temps, une ou deux pistes qui tentent
de varier un peu les atmosphères (la curieuse berceuse Death wispered
a lullaby, peut-être la piste la plus relativement enjouée du
disque, et Closure qui explore des territoires un peu plus
surprenants avec sa drôle de ritournelle finalement pas désagréable),
mais le principal défaut du disque reste quand même, forcément, sa
relative unité de ton. Mais bon, dans un genre différent, ça reste
globalement de la très très bonne musique.
- Opeth - Ghost reveries (2005) ★ ★ ★
Après la parenthèse Damnation, retour à un album classique pour
Opeth. Enfin, classique, pas tant que ça, car il y a quelques nouveautés
loin d'être négligeables dans ce nouveau disque. Déjà, le plus frappant,
ce sont les claviers, pas forcément mis très en avant mais quand même
bien audibles dans le paysage sonore sur toutes les pistes. Ca donne
parfois un arrière-plan onirique bien vu, mais la plupart du temps, je
trouve que ça sonne plutôt cheap et que ça s'intègre assez mal au son du
groupe (typiquement sur Hours of wealth, c'est assez mièvre et
franchement pas bon). Autre curiosité, l'influence orientalo-arabisante
manifeste notamment dans le duo central Beneath the mire (très
curieux titre qui ne ressemble pas à grand chose)-Atonement (là,
avec la voix trafiquée et le break au piano sans intérêt, c'est pour moi
une faute de goût assez nette). Tout ça est pour moi assez clairement
raté, et finirait presque par nous détourner d'une majorité de pistes où
Opeth fait quand même du bon boulot : Ghost of perdition très
maîtrisée, le début de Baying of the hounds excellent (même si ça
se cherche un peu ensuite) et Reverie/Harlequin forest qui
pourrait presque prétendre à rejoindre le petit cercle des grandes
claques assénées par le groupe si la fin n'était trop manifestement
proche de la fameuse coda de Deliverance (en moins bien,
forcément...). Album trop inégal donc qui marque quand même nettement le
pas par rapport au magistral Deliverance.
- Opeth - Watershed (2008) ★ ★ ½
Après un Ghost Reveries qui m'avait inégalement convaincu, force
est de constater qu'Opeth persiste et signe, en introduisant de plus en
plus de claviers dans leur son, le rendant à mon sens nettement moins
intéressant qu'avant. Mais aussi, pourquoi avoir mis des instruments
aussi typés années 70 qui sonnent aussi datés (sur Burden par
exemple, c'est assez terrible) ? Quand le groupe se contente d'ajouter
quelques flûtes (sur Heir apparent) ou même des tapis de cordes
(sur Hessian Peel), c'est déjà nettement moins gênant. Mais mes
problèmes avec l'album ne s'arrêtent pas là, puisqu'il comporte aussi
son lot d'idées "compositionnelles" franchement foireuses (en fait, la
fin de tous les morceaux du début de disque est ratée, que ce soit la
stridence désagréable sur Heir apparent, les voix ridicules de
The Lotus eater ou, la pire de toutes, cette guitare qui se
désaccorde avant de conclure sur un ricanement sur Burden).
Honnêtement, à mi-parcours, je m'attendais à devoir vraiment descendre
l'album, et puis, ouf, on retrouve ensuite une part du génie du groupe
avec notamment un superbe Porcelain heart qui à lui seul fait que
l'album mérite au moins une tentative d'écoute. Plutôt convaincu aussi
par l'espèce de péroraison quasi triomphaliste de Hex Omega,
plutôt inattendue de la part d'un groupe qui cultive aussi régulièrement
les atmosphères dépressives. Tout n'est pas à jeter donc, mais de mon
point de vue le groupe est clairement sur la pente descendante.
- Opeth - Heritage (2011) ☆
Bon ben voilà, ça y est, j'ai passé le cap où Opeth a vraiment laissé
tomber le metal pour faire complètement autre chose : plus du tout de
chant guttural, dix fois plus de claviers old school que de guitares
électriques (y a encore des passages où les guitares ne sont pas en
acoustique en fait ?), et tout le côté violent de la musique du groupe
jeté à la poubelle. Ma foi, c'est bien sûr leur droit le plus strict (et
on pouvait s'y attendre au vu du virage déjà pris dans les deux albums
précédents), mais d'un point de vue strictement personnel, et sans
surprise, je ne peux qu'avouer une grosse déception. Je n'avais
initialement pas mis de note car je ne m'estimais pas bien placé pour
juger ce genre de musique que je pratique fort peu (pour faire un bel
euphémisme), mais l'écoute de ce disque ne m'a en tout cas pas donné
envie de m'y mettre. Pour résumer, les (nombreuses) plages lentes
m'ennuient au plus haut point (je trouva ça d'une pauvreté terrifiante)
et quand ça s'anime un peu, ça tourne au délire jazzy horripilant. Une
piste comme Nepenthe, par exemple, me donnerait facilement envie
d'aller corriger deux ou trois copies en mode sadique pour me défouler.
Les seuls moments que je sauverais quand même sont l'introduction
éponyme (du piano classicisant, pourquoi pas), et l'instrumental
Marrow of the earth final, apaisé et assez beau. C'est bien
maigre... Je me dispenserai d'ailleurs de publier une critique sur les
albums suivants du groupe, qui ont confirmé sa nouvelle orientation et
donc mon désinrérêt assez clair. Toutefois, Pale Communion contient
au moins deux pistes que je trouve sympathiques : l'hommage Goblin qui
m'a renvoyé à de vieux visionnages de films de Dario Argento, et Voice of
treason avec son motif rythmique complètement hollywoodien, au moins
c'est fun.