Mon avis personnel sur les disques de Morbid Angel
- Morbid Angel - Altars of madness (1989) ★ ★ ★
Fin des années 80, le thrash pourtant pas si vieux est déjà en train de
muter sévèrement, et plusieurs groupes posent les fondations de ce qui
va rapidement devenir le death puis le black metal. Morbid Angel en fait
partie, et ce premier album (précédé d'une sorte de démo qui a été
republiée par leur label par la suite) est un classique des débuts du
death technique. Ce qui frappe à l'écoute du disque, c'est justement
qu'on n'a pas du tout l'impression d'entendre un groupe en train de
tâtonner pour créer un nouveau style, mais on est au contraire en
présence de musiciens qui semblent maîtriser totalement ce qu'ils font,
tant au niveau de la technique (les solos enchaînent les notes dans
l'aigu de façon impressionnante) que du son produit (très propre
d'ailleurs pour du death de plus de 30 ans d'âge, même le growl du
chanteur David Vincent (sérieusement on a vraiment le droit de s'appeler
comme ça et de devenir chanteur de metal extrême ?) est très posé et
compréhensible). C'est carré, d'une solidité remarquable, avec bien peu
de points faibles (Bleed for the devil et ses blasts fatiguants
forment le point noir de l'album mais c'est la piste la plus courte).
Pourquoi seulement trois étoiles alors ? Bah simplement parce que c'est
un genre qui continue de m'attirer modérément (cf mon avis mesuré sur la
discographie de Death notamment), ça manque trop d'accroche
mélodique et de fantaisie pour que je fasse plus qu'apprécier la
démonstration sans sauter au plafond.
- Morbid Angel - Blessed are the sick (1991) ★ ★
Une bonne chose avec la discographie de Morbid Angel c'est qu'il est
facile de s'y repérer puisque l'initiale des titres suit l'ordre
alphabétique (un délire qui en vaut bien un autre, ici on est donc à
l'album B, le deuxième). Je reprochais au premier album de manquer de
fantaisie, on ne peut pas nier que quelques éléments inattendus ont été
introduits cette fois-ci, notamment via la présence de pistes "non
métalliques" qui fonctionnent plutôt bien (notamment l'inclassable
Doomsday celebration et son atmosphère de film d'horreur cheap,
mais la guitare acoustique de Desolate ways est sympa aussi, par
contre l'intro bruitiste est à jeter à la poubelle). Au niveau des vrais
titres par contre, pas d'évolution, c'est toujours bien construit et
exécuté mais je les trouve peu passionnantes, et même globalement plus
chiants que ceux d'Altars of madness (une fois l'effet nouveauté
passé, les solos qui se ressemblent tous et le manque d'intérêt des
riffs est vite lassant). En exagérant un peu, je ne me réveille qu'avec
The Ancient ones qui pour le coup propose des motifs
intéressants, mais c'est la dernière piste de l'album (ah non, y a une
drôle de conclusion au piano derrière). L'album lui-même est d'ailleurs
assez condensé (à peine 40 minutes), ce qui est préférable puisque,
combiné aux interludes divertissants, ça évite de tomber réellement dans
l'ennui. Mais je ne prends toujours qu'un plaisir modéré à l'écoute de
l'ensemble.
- Morbid Angel - Covenant (1993) ★ ★ ½
En fait, ça doit être assez facile d'être un groupe de death metal :
tous les deux ans, on sort de sa poche une dizaine de riffs aléatoires
qu'on développe toujours de la même façon (des guitares bien bien graves
et un chanteur pareil, surtout, c'est quand même ça la base), on ajoute
des soli techniques un peu n'importe où, on en fait un CD et hop le tour
est joué. Je suis évidemment un peu taquin, mais on a vraiment
l'impression à écouter ce troisième disque de Morbid Angel d'entendre
toujours exactement le même type de morceau (les interludes de l'album
précédent ont disparu, un seul instrumental très bizarre à noter), à
l'exception d'Angel of disease apparemment adapté d'une chanson
plus ancienne. Ce dernier est d'ailleurs l'un des titres les plus
réussis du disque, avec Rapture et Lion's den qui
proposent des motifs à mon oreille nettement plus inspirés que la
moyenne. Le tout s'écoute sans déplaisir, mais bon, on est quand même
vraiment loin d'un album mémorable, et si ça continue à être aussi
répétitif, je vais pas tarder à lâcher le groupe en cours de
discographie.
- Morbid Angel : Domination (1995) ★ ★ ★
Je continue bon an mal an mon aventure avec Morbid Angel pour l'instant.
Ce quatrième album marque une évolution dans la musique du groupe (ouf),
qui est plus variée que dans leurs trois propositions précédentes. Les
fans de la première heure crient donc logiquement à un début de
trahison, mais ils seront contents de voir que la base de la plupart des
chansons reste quand même fidèle au style du groupe (le fond de blast de
batterie permanent, qu'est-ce que c'est laid). Les innovations, elles,
vont du franchement grotesque (les traficotages de voix sur Where the
slime live ou Eyes to see, ears to hear) à l'intriguant (le
prélude cristallin de Caesar's palace, l'interlude aux claviers
Dreaming). On note aussi sur Inquisition un motif qui sent
bon son Gojira (rien de surprenant là-dedans puisque le groupe
français a souvent cité Morbid Angel dans ses inspirations), mais tout
cela ne pèserait pas bien lourd dans la balance s'il n'y avait la
dernière piste Hatework, sorte de marche funèbre pour cérémonie
occulte avec carillons qui fait d'un coup basculer un album médiocre
dans le génie absolu. Rien que pour ça, ce disque vaut nettement mieux
pour moi que les trois qui le précèdent.
- Morbid Angel - Formulas fatal to the flesh (1998) ★ ★
Depuis l'album précédent, Morbid Angel a publié un live (d'où le saut de
la lettre E en ce qui me concerne) et surtout changé de chanteur. Le
nouveau venu nous gratifie d'un chant guttural bien bourrin, efficace
mais avec un charisme nettement moindre que son prédécesseur. Mais bon,
c'est assez accessoire. Pour le reste, le groupe ne semble pas
totalement savoir sur quel pied danser, proposant sur la plupart des
pistes un death toujours aussi standard (même si on retrouve de plus en
plus de glissandos qui me font immanquablement penser une fois de plus à
Gojira) mais nettement plus direct que sur ses disques précédents
(Chambers of dis, par exemple, c'est extrêmement primaire), pas
désagréable mais rien de très mémorable, et une bonne dose d'interludes
avec claviers plus ou moins bizarres et plus ou moins inspirés (j'aime
bien Disturbance in the great slumber). L'album se termine quand
même avec pas moins de trois pistes qui n'a pas grand rapport avec la
choucroute (Hymnos rituales de guerra et ses percus tribales...).
Le seul titre qui fasse preuve d'une réelle ambition avec presque dix
minutes au compter, c'est Invocation of the continual one, et
c'est vraiment pas mal. Mais ça ne suffit pas vraiment à faire un album.
- Morbid Angel - Gateways to annihilation (2000) ★ ★ ½
Les albums de Morbid Angel se suivent et mes appréciations se
ressemblent. Pourtant, on ne peut pas nier une évolution depuis leurs
débuts, manifeste notamment au niveau du tempo moyen des compositions.
Il est ici devenu presque lent sur une bonne partie des chansons, qui
cultivent avec soin des ambiances lourdes et mortifères, jusqu'à la
caricature (He who sleeps). Ambiances amplifiés par les sons
insectoïdes (on a d'ailleurs droit à une intro assez spéciale dans le
genre), mais aussi sur la fin de l'album par une utilisation fréquente
d'une sorte de vibrato pour créer des sons ondoyants assez glauques.
Bon, pourquoi pas, mais comme d'habitude, si je trouve l'ensemble tout à
fait écoutable (et même un peu mieux pour Ageless, still I am ou
Opening of the gates), ça ne pas plus loin. En fait, depuis
Domination, j'attends une nouvelle perle à la hauteur de
Hatework, mais rien de comparable pour l'instant.
- Morbid Angel - Heretic (2003) ★
À l'écoute de cet album, on peut légitimement se poser la question
suivante, a priori assez incongrue : Morbid Angel en aurait-il marre de
sa propre musique ? En effet, après une première partie d'album qui
aligne les titres peu inspirés, manquant cruellement d'allant (le plus
convaincant est probablement God of our divinity, mais pas de
pot, il utilise des éléments mélodiques tellement proches du Opening
of the gates de leur album précédent que ça ressemble
douloureusement à un auto-plagiat), le groupe se saborde assez
joyeusement en alignant une interminable série de pistes complètement à
côté de la plaque (apparemment, une partie d'entre elles étaient des
sortes de bonus sur le disque d'origine, mais même avec le contenu
"officiel" il y en a déjà bien trop) : mélodie mélancolique de
violoncelle synthétique (Memories of the past), démonstration de
virtuosité du batteur, interludes au clavier ultra cheap et bien trop
longs (Place of many deaths), difficile de comprendre exactement
ce qu'a voulu faire le groupe en parasitant autant son propos. Déjà que
ledit propos était bien maigrelet, ça ne laisse pas grand chose à sauver
sur ce disque.
- Morbid Angel - Illud Divinum Insanus (2011) ★ ★
Huit ans après un Heretic raté, Morbid Angel revient avec un
album... risible ! Oui, au sens premier du terme, on se marre de bon
coeur en écoutant certaines pistes de cette nouvelle proposition.
Pourtant, à l'issue donc d'une longue période d'incertitudes ponctuée
d'un remaniement sévère du line-up, le groupe avait retrouvé son
chanteur historique David Vincent et aurait logiquement pu jouer la
carte du retour aux sources histoire de rassurer les fans. Pas du tout,
à la place, ils ont dégainé le "virage inattendu" généralement nettement
plus propice à faire fuir lesdits fans (peut-être qu'ils étaient
collants, après tout). Et on a donc droit à une bonne moitié de pistes
où le death old school n'est qu'un lointain arrière fond, noyé dans les
boîtes à rythmes techno (mais oui) ou un esprit nettement plus neo-metal
qu'à l'accoutumée. Il y a là-dedans de la bouse vraiment sévère,
notamment le délire impensable de la dernière piste ou le sous-Rammstein
de douzième zone de Destructos vs. the Earth/Attack (certes, le
titre ne laissait guère envisager un chef-d'oeuvre). J'avoue par contre
aimer assez le style bête et frontal d'un I Am morbid ou d'un
Radikult, même si ça ne conserve presque rien de l'identité
habituelle du groupe De toute façon, même sur les titres death (il en
reste quand même quelques-uns), il y a une évolution nette vers quelque
chose de plus direct et mélodique (avec même quelques choeurs qui font
du "Wohoho" par moments), qui là aussi n'est pas pour me déplaire
(Blades for Baal, c'est pas mal). Du coup, je préfère le risible
au raté, mais malgré une certaine sympathie pour ce canard boiteux, je
ne peux pas non plus aller jusqu'à attribuer une vraie bonne note à un
disque qui contient des pistes pour lesquels l'adjectif minable
constituerait un jugement extrêmement bienveillant.
- Morbid Angel - Kingdoms disdained (2017) ★ ½
Après avoir été la risée du death metal avec son précédent disque
studio, Morbid Angel a décidé de la jouer profil bas, choisissant un
live pour la lettre J et attendant six nouvelles années pour proposer du
contenu réellement neuf. Et c'est peu dire qu'ils ont embrayé la marche
arrière : nouveau changement de chanteur (pour reprendre le précédent
!), mais surtout un disque ultra aseptisé, sans le moindre interlude
bizarroïde ou la moindre expérimentation inattendue. On a droit à un
alignement bien proprounet de onze pistes très semblables, avec
rythmique marteau-pilon, son bien gras, à peine quelques solos
bordéliques pour faire remplissage, et surtout pas un riff un tant soit
peu imaginatif. Bref, du Morbid tout craché mais sans une once de
fantaisie, personnellement j'écoute ça d'une oreille distraite en
m'ennuyant vaguement, puis je passe à autre chose. Il faudra vraiment
qu'ils trouvent une nouvelle accroche s'ils veulent que je me penche sur
leurs éventuels futurs méfaits.