Mon avis personnel sur les disques de Mastodon
- Mastodon : Remission (2011) ★ ★ ★ ★
Je ne savais pas spécialement à quoi m'attendre en tentant ce premier
album, mais le titre de la première piste donne déjà une idée :
Crusher destroyer, ça va être du bourrin. Eh bien en fait, pas
tant que ça, ou plutôt pas seulement. Certes, il y a une composante
"metal bien burné" un peu à la Pantera qui est indéniablement
présente, mais qui est tempérée par une volonté de faire à la fois du
technique (la batterie a une très grosse présence sur beaucoup de
titres, le gars envoie du lourd) et du mélodique qui rendent beaucoup de
pistes très intéressantes, surtout parmi les plus longues
(Trainwreck ou l'instrumental Elephant man qui clôture
l'album, c'est vraiment très bon). Dommage quand même que le son assez
brut renforce encore le côté très dense des compositions plus courtes
(notamment les quatre titres qui ouvrent le disque), c'est limite
fouillis par moments et personnellement je trouve ça nettement mieux
quand ça respire un peu plus (Ol'e nessie fait du bien de ce
point de vue là avec son intro calme). Autre bémol, le chant
essentiellement sans intérêt, mais bon, ce n'est pas trop grave dans la
mesure où d'une part ça ne chante pas énormément, et même quand ça
chante c'est assez noyé dans le reste. Encore inégal donc, mais pour un
premier album c'est quand même vraiment très intéressant, j'ai envie de
découvrir la suite.
- Mastodon : Leviathan (2004) ★ ★ ★ ★
Pour ce deuxième album, le groupe a corrigé certains des "défauts" que
je ressentais dans le premier : son un peu moins brut, chant moins
uniformément crié, et surtout un très bon équilibre trouvé entre les
différentes inspirations du groupe (on pourrait même dire que le côté
mélodique domine maintenant pas mal de titres, ce qui me convient très
bien). Comme en plus il y a une cohérence manifeste dans cet album et de
très bons morceaux (Blood and thunder démarre le disque sur les
chapeaux de roue, Iron tusk est tout aussi excellent), que
demander de plus ? Eh bien, on va dire que je suis difficile, mais je
trouve dommage que le groupe se soit recentré sur une collection de
titres courts et donc forcément moins creusés que les plus longues
plages de leur premier album. Une seule plage (très) longue (13'30) en
fin d'album, mais hélas ce Hearts alive manque un peu de
substance pour justifier sa durée. Globalement, la fin de disque me
semble un peu moins inspirée, l'instrumental final étant nettement plus
anecdotique que le Elephant man auquel il semble pourtant faire
référence via son titre (John Merrick). Bref, pas déçu parce que
ça reste un très bon disque, mais peut-être pas aussi exceptionnel qu'il
n'aurait pu l'être.
- Mastodon : Blood Mountain (2006) ★ ★ ½
J'ai attendu plusieurs écoutes de cet album avant d'en parler, et à vrai
dire, même après ces écoutes supplémentaires, je ne sais toujours pas
trop quoi en penser. Au premier abord, c'est vraiment une assez mauvaise
surprise : le groupe semblait avoir trouvé un bon équilibre dans
Leviathan, et là, changement de cap, il semble tout à fait
volontairement éliminer de sa musique tout ce qui pourrait la rendre
immédiatement séduisante. Plus de riffs brutaux, plus de mélodies
accrocheuses, une certaine uniformité d'atmosphère et des développements
techniques peu attrayants à base d'arpèges et de gammes, c'est
franchement austère et ma première réaction a été "c'est vraiment raté".
Et puis, curieusement, j'ai quand même eu envie de réessayer (et plus
qu'une fois !), et j'ai commencé à y trouver de l'intérêt : les mélodies
ne sont pas si absentes que ça, et les titres sont quand même construits
quand on fait l'effort de se plonger dedans. De là à dire que j'aime
vraiment l'album, il y a un pas que je ne franchirai pas malgré tout (il
y a même des pistes, comme le curieux Pendulous skin final ou
l'instrumental Bladecatcher avec ses bruitages assez pénibles,
que je peux confirmer ne pas apprécier), d'où une note "moyenne" qui ne
reflète à vrai dire pas grand chose. Sûrement un disque à continuer à
approfondir...
- Mastodon - Crack the skye (2012) ★ ★ ★ ★
Un détail extramusical toujours sympa avec Mastodon, c'est que les
pochettes sont très réussies. Niveau musique, on est plus ou moins dans
la continuité de l'album précédent, avec un metal ambitieux et pas
facile d'accès et même des tendances "prog" de plus en plus marquées
(deux pistes qui dépassent les 10 minutes). Mais dans le même temps, le
disque est quand même beaucoup moins austère que le précédent, car plus
varié et surtout plus maîtrisé, avec de vrais moments fascinants où
l'ambiance vous prend littéralement à la gorge (le début de la première
piste Oblivion, la très belle Ghost of Karelia et surtout
l'une des deux pistes les plus développées, The Czar,
magnifiquement construite et magnifique tout court, pour moi le sommet
de l'album). Bon, à côté, il reste des chansons dans lesquelles j'ai
plus de mal à rentrer (la chanson titre, Divinations, ou même le
Last baron conclusif et ses treize minutes, hyper riche et
fouillé mais qui part dans tellement de directions qu'on finit par s'y
perdre un peu). Notons en passant que le chant qui était assez brutal
dans le premier disque du groupe a peu à peu laissé place à une majorité
de chant (très) clair, avec même des accents limite pop sur ce
disque-ci, c'est assez surprenant. En tout cas un album à nouveau
passionnant à défaut d'être tout le temps emballant, et je pense de plus
en plus que Mastodon est un groupe auquel il faudra revenir quelques
fois avant d'en avoir fait le tour.
- Mastodon - The Hunter (2011) ★ ★ ★ ½
Le moins qu'on puisse dire, c'est que ce groupe a le don d'être
imprévisible. Alors que Crack the skye lorgnait très clairement
du côté du prog avec ses deux titres dépassant les dix minutes et ses
structures bien touffues et alambiquées, voilà que l'album suivant est
une suite de morceaux courts (13 titres, 53 minutes) qui lorgnent
carrément du côté de la vignette pop ! Pour le coup, l'aspect mélodique
est très clairement de retour, avec chant très clair de rigueur presque
tout le temps (seul Spectrelight est un curieux aparté de métal
bourrin qui aurait plus eu sa place sur le premier album du groupe). Je
dois dire que ça me plaît pas mal (un petit bonbon comme
Stargasm, c'est vraiment sympa, j'aime aussi beaucoup la chanson
titre, l'une des rares pistes de cet album globalement "positif" qui ait
une atmosphère plus mélancolique), même si parfois ça part quand même un
peu trop dans le délire sans intérêt (les bruitages et rires de l'intro
de Creature lives, bon, c'est assez superflu, même si ensuite la
chanson est réussie). On peut quand même légitimement se demander ce qui
a bien pu justifier ce nouveau virage chez un groupe qui semblait quand
même jusqu'ici avoir une ambition un peu plus élevée que celle de
produire un (bon) album de rock commercial (parce qu'honnêtement, c'est
un peu ça qu'on a ici).
- Mastodon - Once more 'round the sun (2014) ★ ★
Avant-dernier album en date du groupe, qui reste plutôt dans
la lignée du précédent (beaucoup de pistes courtes), mais avec un
penchant pop moins prononcé et une variété d'atmosphères plus nette.
Plutôt un point positif a priori, sauf que justement ça a sévèrement
tendance à s'embourber dès que ça veut vraiment devenir sérieux (je
trouve par exemple la piste finale Diamond in the witch house atrocement
poussive). Dommage, car je trouve le triptyque initial assez réjouissant
: Tread lightly super efficace avec un retour à une certaine lourdeur,
The Motherload qui tourne au contraire totalement du côté léger,
beau contraste avec la chanson précédente, et High road
basiquement bourrin, un peu gras et répétitif mais c'est ça qui est bon.
Bref, on était parti pour un album très agréable à écouter sans prise de
tête (comme le précédent, mais en plus varié), mais je ne trouve
malheureusement pas grand chose à quoi m'accrocher ensuite. Je devais
plus être d'humeur (m'enfin, je l'ai quand même tenté plusieurs
fois...).
- Mastodon - Emperor of sand (2017) ★ ½
Si le groupe avait multiplié les changements de direction inattendus en
début de carrière, ils semblent (hélas) s'être stabilisés dans l'espèce
de pop-rock métallisée (avec quand même de vrais morceaux de metal bien
lourd dedans par moments) depuis The Hunter. Le problème c'est
que, si ce dernier avait encore un certain pouvoir de fascination, on
tombe vraiment avec cet empereur qui n'apporte pas vraiment de sable
dans ses chaussures (on pourrait attendre des influences vaguement
orientales, mais à part l'intro de Scorpion breath, titre plutôt
sympa par ailleurs, pas grand chose qui justifie ce titre) dans de la
musique sans âme qui aligne les titres certes plutôt agréables à écouter
d'une oreille distraite, mais vraiment pas marquants. Le Sultan's
curse qui ouvre l'album était pourtant prometteur, mais ensuite,
entre les chansons vraiment trop pop comme le Show yourself qui
suit, les solos de guitare beaucoup trop basiques ou les bruitages
électroniques peu inspirés, on regrette vraiment le Mastodon première
manière qui avait une sacrée personnalité. Là, malgré les tentatives un
peu trop évidentes d'opposer chant clair et guttural sur certains
titres, je décroche assez vite.
- Mastodon - Hushed and grim (2021) ★ ★ ★ ½
Après des débuts fracassants sur la scène metal, puis un virage tout
aussi saisissant vers le progressif quelques albums plus tard (le
passionnant Crack the skye), Mastodon s'était enlisé depuis
quelque temps dans une espèce de pop metal de moins en moins
intéressant. Malgré tout, un nouvel album du groupe est un évènement,
surtout quand il s'agit d'un double totalisant quinze pistes et près
d'une heure et demie de musique. Le signe d'une ambition retrouvée ?
Oui, clairement, on peut mettre de côté les vignettes pop, les titres
sont longs, denses, et l'ambiance n'est pas à la fête (comme le titre et
la pochette le laissent entendre), l'album étant en partie inspiré par
la disparition du producteur de longue date du groupe. Et, très
honnêtement, au moins le temps de deux titres, on croit tenir un album
monstrueux. Pain with an anchor est une intro hyper accrocheuse,
avec batterie tentaculaire et guitares presque spatiales, suivie avec
The Crux d'un coup de poing dans la tronche tout aussi efficace,
rendu encore plus spectaculaire par un break planant complètement
inattendu. Si tout avait été de ce niveau, on aurait eu sous la min un
grand chef-d'oeuvre, mais ce n'est pas franchement le cas : rien de
mauvais, des ambiances variées et toujours intéressantes (presque
enjouée dans Peace and tranquillity, limite urbaine dans
Pushing the tides, plus roots dans The Beast), mais il
faut bien admettre que ça s'étire quand même pas mal et que quinze
chansons d'un coup c'était peut-être beaucoup. Malgré tout, pour qui se
sent motivé pour un long voyage introspectif, ça mérite le détour.