Mon avis personnel sur les disques de Mass Hysteria
- Mass Hysteria - Le bien-être et la paix (1997) ★ ★ ★
Depuis que j'ai commencé mes chroniques metal, j'ai passé en revue un
certain nombres de groupes anglais ou américains, quelques paquets de
formations venant du Nord de l'Europe, mais bien peu oeuvrant dans
l'Hexagone (en fait, à part Gojira, rien de français, me
semble-t-il). Il faut dire aussi que le metal franchouillard n'a pas
vraiment fourni des masses de groupes mémorables dans le genre. À propos
de masses, c'est donc à Mass Hysteria que je m'attaque aujourd'hui. Il
ne faut pas attendre bien longtemps sur ce premier album pour se rendre
compte que les influences du groupe sont particulièrement variées :
guitares bien acérées qui virent même parfois au metal brutal (sur la
bien nommée Hard corps notamment), beaucoup de sons et samples
électroniques qui lorgnent assez régulièrement du côté de la techno ou
assimilé (L'effet papillon, ou le très bon Respect to the
dance floor), mais aussi une influence metal industriel manifeste,
et côté vocal on est carrément du côté du hip-hop. On pourrait craindre
que ce mélange ne tourne au gloubi-boulga indigeste, mais en fait les
différents éléments sont très bien intégrés (surtout tout ce qui est
électro) et défendus avec une belle énergie par les musiciens, ce qui
donne de très bonnes choses par moments (l'effet glissando sur le riff
de Shine, le très efficace Donnez-vous la peine). Le
(gros) problème, c'est quand même le chant qui est pour moi complètement
inintéressant (et ce n'est pas un effet pervers du chant en français,
une rareté dans le metal, puisque les rares fois où ça chante en anglais
c'est exactement pareil) et plombe un peu le tout. Mais ce disque reste
dans l'ensemble une belle surprise, avec un vrai style assez accrocheur.
- Mass Hysteria - Contraddiction (1999) ★ ★ ½
Pour ce deuxième album, Mass Hysteria reste tout à fait dans le même
esprit "on mélange tout et n'importe quoi" que le premier, ajoutant même
une composante tribale (et même vaguement orientalisante par moments) à
tout le reste (résultat mitigé de ce côté-là, sur Aimable à
souhait, je me serais très bien passé du passage avec percus
exotiques, mais Le plus juste effet avec son intro tribale
fonctionne bien). Légère évolution niveau chant également, un peu moins
de scansion et plus de "lyrisme", surtout au niveau des refrains. Pas
certain qu'on y gagne malgré le mal que je pensais du chant sur le
premier album, les paroles ressortent plus et ce n'est pas forcément
positif (allez, les allusions mathématiques de P4 m'ont bien fait
marrer même si elles n'ont aucun sens, mais par exemple sur Finistère
amer ça fait assez mal). Reste le bon mélange de riff bourrins (mais
moins que sur Le bien-être et la paix) et de musique électro, qui
porte le début de l'album (la chanson-titre est excellente) avant de
s'essouffler assez sérieusement sur la deuxième moitié, malgré les
tentatives de varier les atmosphères (Furia, dans un style
relativement proche, est vraiment trop basique pour rivaliser avec
Respect to the dance floor, et la piste finale hispanisante n'a
absolument rien à foutre là). Bref, malgré la bonne volonté, un peu de
mal à tenir la distance pour le groupe.
- Mass Hysteria - De cercle en cercle (2001) ☆
Après deux albums au style très éclectique mais quand même centré sur un
mélange techno-metal-chant scandé particulièrement énergique, gros
changement de cap pour Mass Hysteria. C'est manifeste dès le début de la
première chanson Remède, on part beaucoup plus vers de l'easy
listening nettement moins métallisé (quant à l'influence techno, à part
dans Coup2Mass, elle a carrément disparu), avec claviers souvent
envahissants et chant "lyrique" (comprendre "chant pop pas terrible") en
permanence. Bon, pourquoi pas, mais bon, quitte à entendre du
sous-Calogero (j'exagère à peine par moments), autant aller écouter
l'original (contre lequel je n'ai d'ailleurs rien). On a quand même
encore quelques riffs musclés (au début de La puissance,
Millenium appauvri) mais qui se mélangent assez mal à ce chant
vraiment gnangnan, et les quelques expérimentations sont vraiment ratées
(La Aventura humana est assez douloureuse à écouter, le featuring
rap sur Immixtion, en plus d'être mauvais, n'a aucune raison de
se retrouver là, et les pistes purement instrumentales sont terriblement
creuses, sur Temps mort on attend une bonne minute que la chanson
démarre et en fait ça n'est jamais le cas mais ça en dure quatre). En
fait, on passe surtout son temps à se demander où le groupe a bien voulu
en venir avec cet album, et la seule réponse qu'on trouve c'est qu'ils
se sont assez largement plantés...
- Mass Hysteria - Une somme de détails (2007) ★ ★ ★
Ayant volontairement sauté l'album éponyme de 2005 qui insistait dans la
veine rock FM ouverte par le précédent (mais en plus cohérent, pour ceux
qui aiment le style, ça se laisse gentiment écouter), je retrouve Mass
Hysteria quelques années plus tard, au moment où le groupe revient à son
style initial, avec des guitares à nouveau très présentes et parfois
bien lourdes (même si les bidouillages électro ont toujours une présence
importante). Eh ben ça fait du bien ! Toutes les pistes ou presque sont
sur le même format : petits samples électroniques pour créer une
ambiance, riffs musclés aux guitares, chant à nouveau scandé sur les
couplet (mais avec des refrains plus mélodiques en général), la prise de
risque est très faible (c'est d'ailleurs le principal reproche qu'on
peut faire à ce disque, on ressent une certaine monotonie à force
d'exploiter systématiquement la même recette, pas d'échappées vers des
mélanges encore plus improbables cette fois-ci) mais c'est quasiment
tout le temps bien fichu (Babylone et Echec sont moins
convaincantes, et comme d'habitude, le featuring de la dernière piste
n'a aucun intérêt), avec même des titres vraiment sympathiques comme
Nous sommes bien (j'adore les petites interventions des gamins),
Regarde le monde ou la chanson titre (malgré une fin abrupte qui
laisse penser que le groupe ne savait plus quoi faire de sa chanson,
c'est dommage). Sympathique, c'est d'ailleurs un qualificatif adapté à
l'album dans son ensemble : pas un chef-d'oeuvre, mais vraiment un
disque qu'on prend plaisir à écouter.
- Mass Hysteria - Failles (2009) ★ ★ ★ ½
Avec ce sixième album, Mass Hysteria enfonce le clou en assénant encore
plus de gros son que dans le précédent. On sent même la volonté de
partir dans une direction moins "positive" que leurs premiers albums, la
pochette et l'introduction assez anxiogène de la première piste donnent
d'ailleurs le ton de ce point de vue. Ce World of fire est en
tout cas une excellente entame, avec son chant et ses paroles qui
peuvent presque faire penser à Trust (mais sur un fond de
guitares plus massif, évidemment). L'enchaînement avec un Plus
qu'aucune mer qui retrouve quant à lui un côté industriel plus
rammsteinien et sacrément efficace permet d'espérer un album vraiment
monumental. Ce ne sera pas tout à fait le cas, le reste du disque
revenant à des formules déjà explorées par le groupe (présence de
bidouillages électro), et tombant souvent dans le simple "correct sans
plus" (L'archipel des pensées ou Le magnétisme des
sentiments) sans devenir toutefois vraiment décevant. Le niveau
remonte sur la fin, avec une belle doublette Rien n'être plus
(pas sûr de bien comprendre ce titre mais peu importe, la chanson est
vraiment très bien) / Come on qui achève en beauté ce qui sera
pour moi le meilleur album de la discographie provisoire du groupe (mais
il reste encore trois disques pour monter un peu plus haut !).
- Mass Hysteria - L'armée des ombres (2012) ★ ★ ★ ★
"Il y a un temps pour tout, mais jamais pour la guerre", ces paroles
d'actualité (NdRoupoil : chronique écrite au lendemain de l'invasion de
l'Ukraine) sont celles du premier titre de ce nouvel album de Mass
Hysteria, où le groupe enfonce le clou dans la direction plus sombre
prise depuis trois albums. La pochette annonce une nouvelle fois le ton,
et l'ambiance est souvent tendue ou angoissée, le côté "festif nawak"
des tout premiers albums est désormais assez loin et je dois dire que je
préfère vraiment ce Mass Hysteria là. Encore une fois, le début d'album
est énorme, les sonorités industrielles et autres bruitages superbement
utilisés pour créer une ambiance froide qui colle parfaitement aux
paroles revendicatives bien énervées de Mouss. La doublette initiale
Positif à bloc / L'Homme s'entête est vraiment excellente,
mais d'autres pistes méritent aussi d'être citées, comme Même si
j'explose avec sa très belle utilisation du piano (le genre de
détails qui augmentent encore la qualité de ce disque et qu'on aimerait
entendre plus souvent de la part du groupe) et son excellent break, ou
un Serum barbare plus classique mais diablement efficace.
Quelques pistes tout de même où ça pêche un peu au niveau des lignes
vocales (Commedia dell'inferno, Raison close) mais
l'ensemble, assez court, est sacrément percutant. Le groupe continue son
ascension vers les sommets, jusqu'où ira-t-il ?
- Mass Hysteria - Matière noire (2015) ★ ★ ★ ★ ★
Après une montée en puissance remarquable sur les trois albums précédent
celui-ci, ne restait plus qu'une question à se poser à propos de Mass
Hysteria : étaient-ils capables de franchir la dernière marche et de
nous proposer un disque réellement marquant, qui puisse s'inscrire
durablement dans l'histoire du metal ? Eh bien, pour moi, avec ce
Matière Noire à la pochette recherchée, la réponse est largement oui.
L'ambiance est sombre, très sombre, mais entre deux pistes défouloir (ça
démarre très fort avec un Chiens de la casse très énervé, mais en
fait, on restera dans du lourd assez dépressif tout le long, à la seule
exception d'un Plus que du metal hommage aux joies du live, un
poil forcé d'ailleurs même s'il fournit une respiration bienvenue en fin
de disque), Mass Hysteria réussit à nous placer des percées de beauté
lumineuse qui hissent le disque à des sommets nettement plus
impressionnants que tout ce qu'ils avaient produit jusque là (le refrain
de L'Enfer des dieux, l'atmosphère splendide de la conclusive
Mère d'Iroise, c'est vraiment superbe). Comme en plus ils ont
écouté mes conseils et qu'ils multiplient les détails inattendus dans la
gestion de la part samples/électronique de leur musique (un peu de
violons sur Chiens de la casse, un harmonica sur Vae Soli,
les nappes de synthé de Tout est poison, on a même droit à
quelques notes chantées par un choeur classique sur la géniale Vector
equilibrium), il y a vraiment bien peu à jeter dans cet album
(allez, quelques pistes plus "quelconques" dans le lot, comme cette
chanson titre presque décevante par rapport aux joyaux qu'elle côtoie,
mais vraiment rien de raté), qui constitue une référence de très haut
niveau pour le groupe et même probablement plus généralement pour le
metal français. Pour le coup, ils auront du mal à faire mieux.
- Mass Hysteria : Maniac (2018) ★ ★ ★
Dernier album du groupe à ce jour, ce Maniac a la lourde tâche de
succéder à un Matière Noire qui avait placé la barre très haut.
Impossible de ne pas jouer le jeu de la comparaison, et elle est
logiquement douloureuse pour le petit dernier, qui ne retrouve pas les
instants de magie irrééls du précédent et fatigue même parfois à force
de jouer la surenchère dans le côté brutal et sombre (Partager nos
ombres a une atmosphère intéressante mais que la batterie est
fatigante, Chaman acide bien revendicatif et efficace mais ça
manque de respirations). Si on essaye d'être un peu plus objectif, on se
rend compte malgré tout que le disque ne tombe pas non plus dans la
médiocrité, loin de là : on n'a pas le temps de s'ennuyer (il est
sensiblement plus court que le précédent), aucune piste n'est à jeter,
et le groupe réussit quand même par moments à trouver de nouvelles idées
qui fonctionnent (les choeurs et le côté épique de Se brûler
sûrement, et surtout la très intéressante piste finale, quasiment
sans paroles avec juste sa citation de Pulp fiction dont je ne sais pas
trop ce qu'elle fait là, en tout cas ça donne envie d'y revenir). En
gros, après un petit chef-d'oeuvre, on est simplement redescendu au
niveau d'un album solide, correct mais sans génie.