Mon avis personnel sur les disques de Machine Head
- Machine Head - Burn my eyes (1994) ★ ★ ½
Je dois bien l'avouer, je n'avais à peu près jamais entendu parler de
Machine Head avant de le mettre sur ma liste de groupes de metal à
découvrir. Pourtant, ce premier album semble régulièrement cité comme un
des piliers du thrash américain "deuxième génération" né au début des
années 90 sous l'impulsion de Pantera. Et de fait, il y a du
Pantera dans ce que propose cet album, que ce soit dans le très gros son
bien monolithique (c'est rarement très rapide, mais extrêmement pesant
en permanence), comme dans la manie d'insérer des notes aiguës
inattendues dans les riffs qui me fait irrésistiblement penser à
Cemetary gates. Quoi qu'il en soit, voici un premier album assez
inattaquable et de fait dévastateur, c'est techniquement très au point,
ça déménage, c'est bien construit... et ça me laisse de marbre les trois
quarts du temps. Le titre d'ouverture Davidian est pourtant très
bon (même si j'aime assez moyennement le chant, une constante tout au
long de l'album d'ailleurs, ça tourne trop souvent à la scansion limite
rappée pour moi). Mais ensuite, sur chaque titre, j'ai beau me dire que
l'intro est soignée, que je n'ai vraiment rien à reprocher, je ne suis
pas transporté : aucune chanson que j'aie envie de réécouter en boucle,
aucun moment qui me fasse décoller de mon siège. En fait, je retrouve
mes problèmes récurrents avec les albums de thrash trop "tête dans le
guidon", c'est très bien mais je crois que ce n'est simplement pas
vraiment fait pour moi.
- Machine Head - The More things change (1997) ★ ★ ★
N'ayant guère été emballé par le premier album du groupe, je tentais
donc ce deuxième avec une certaine méfiance. Premier aperçu avec le très
brutal Ten ton hammer, on peut au moins créditer le groupe d'une qualité
: ils savent ouvrir leurs albums avec des titres bien frappants (à tous
les sens du terme), même si celui-ci pâtit un peu pour moi de son chant
presque rappé sur les couplets (mais les oppositions chant scandé dans
les couplets/refrain très clair semble être un leitmotiv sur ce disque).
Comme dans l'album précédent, des riffs parsemés de notes aiguës aux
guitares, un son très dense, les trois premières pistes me laissent sur
mon appréhension, ça ressemble beaucoup à Burn my eyes. Et puis
arrive Down to none, plus lourd, plus lent, plus atmosphérique,
globalement plus intéressant (pour moi du moins). Et le reste de l'album
va alterner entre titres rouleaux compresseur (Blistering et ses
bruits de roulette de dentiste en intro !) et chansons plus sombres et
mélodiques (le réussi Violate, le plus discutable Blood of the
zodiac), Machine Head se la joue un peu plus varié et moins bourrin,
et c'est une évolution qui ne peut qu'être bénéfique pour le groupe.
Sans être encore enchanté, je trouve déjà plus encourageant (et ça reste
quand même, soyons honnêtes, globalement très bien fichu).
- Machine Head - The Burning red (1999) ☆
J'avais décelé dans le deuxième album du groupe une évolution qui ne
pouvait qu'être intéressante. Eh bien, je m'était lourdement trompé. Il
faut dire que ce troisième disque part vraiment dans une direction assez
éloignée des deux précédents : même si le son reste bien lourd, on
reconnaît peu la patte du groupe, qui a troqué son metal légèrement
bourrin pour des motifs basiques répétés à longueur de chanson au niveau
des guitares, et surtout pour un chant qui ne se contente plus de
s'approcher du rap, mais se vautre allègrement dans la déclamation
hip-hopisante insupportable (pour moi, ça va de soi, nul doute que ça
peut plaire à ceux qui s'intéressent à ce genre de musique). Sur des
titres comme Desire to fire ou From this day, c'est
carrément rédhibitoire. Mais bon, si le fond instrumental était bon, ça
pourrait encore sauver l'affaire, mais en plus d'être simpliste (la
chanson titre conclusive, ça s'étale bien trop pour quelque chose
d'aussi minimaliste), il est souvent pénible sans raison (les bruitages
de Nothing left ou toute la fin de Five, c'est censé
apporter quelque chose ?). Que peut-on alors sauver ? Une ou deux
ambiances réussies (Exhale the vile, malgré une intro
insupportable, ou I Defy qui n'est gâchée que par le chant).
C'est très loin d'être suffisant.
- Machine Head - Supercharger (2001) ☆
Je ne m'étendrai pas très longtemps sur cet album dans la droite ligne
du précédent... en encore plus fatiguant et donc pénible. Après une
intro aux bruitages futuristes sans intérêt, on embraye sur un
Bulldozer qui donne déjà envie de fuir (chant rappé, riff mal
amené), puis sur un White-Knuckle blackout qui ressemble
carrément à une blague tellement c'est caricatural (la fin avec ses
"fuck you" toutes les secondes, comment dire...). Il y aura quand même
quelques spasmes de vraie musique par moments dans la suite (Only the
names à l'atmosphère intéressante malgré l'abus de bruitages
parasites, le début de Black generation), histoire de montrer que
le groupe est quand même capable de faire de bonnes choses quand il le
veut, mais ça ne dure même pas l'espace d'une chanson, et quand il faut
se farcir au milieu une bouse du genre American High, difficile
de vraiment se motiver. D'ailleurs, la chanson titre qui conclut le
disque donne direct envie de se coucher tellement elle est épuisante
(chant braillé ou scandé, il faut choisir ? Non, non, les deux à la
fois, c'est encore mieux... ou pas). Le groupe a remonté la pente
ensuite ? C'était difficile de tomber plus bas...
- Machine Head - Through the ashes of empire (2003) ★ ★ ★ ½
Après deux albums franchement indigestes, nouveau changement de cap pour
Machine Head. On n'abandonne pas complètement le chant scandé mais il se
fait quand même nettement moins présent (ouf) pour laisser la plupart du
temps la place à un chant simplement énervé (avec tout de même de belles
alternances avec du chant bien clair, dans Seasons wither par
exemple). Surtout, instrumentalement, on retrouve un fond beaucoup plus
travaillé et bien rentre-dedans, même si le groupe se permet quelques
belles échappées "hors-style" (l'intro acoustique de Descend the
shades of night). De façon générale, c'est beaucoup plus varié que
les quatre albums précédents, ce qui pour moi ne peut qu'être gage de
plus grand intérêt. On atteint d'ailleurs l'excellence par moments,
notamment l'inaugural Imperium (ce passage instrumental avant la
conclusion, superbe !) ou un Days turn blue to gray au motif
obsédant. Quelques autres pistes très efficaces à défaut de
révolutionner le genre (Left unfinished, In the presence of my
enemies), il y a largement de quoi faire un très bon album. Pas plus
cependant, car on trouve aussi des pistes où le chant devient pénible
(Vim), voire où la musique est carrément peu inspirée (Wipe
the tears). Mais bon, globalement, c'est un retour aux affaires
franchement inespéré de la part du groupe puisque ça dépasse pour moi
leurs deux premiers disques.
- Machine Head - The Blackening (2007) ★ ★ ★ ★
Le cinquième album de Machine Head était prometteur, le sixième sera
celui de la confirmation. Dans la droite lignée du précédent dont il
reprend même sans vergogne certaines structures (le titre initial,
Clenching the fists of dissent, est calqué sur celui qui
introduisait Through the ashes of empires avec notamment cette
lente intro acoustique avant le déferlement de violence), il arrive
toutefois à le surpasser en faisant preuve d'une réelle ambition qui
fait plaisir (quatre chansons durent plus ou moins 10 minutes, c'est
long pour ce style de metal) et en arrivant à gommer les chutes de
tension qui affaiblissaient un peu l'effort précédent. On retrouve des
éléments caractéristiques du groupe (les notes aiguës sur le très bon
Halo) mais aussi des choses assez nouvelles (beaucoup
d'utilisation de chant très clair, sur les refrains notamment, des
motifs assez obsédants comme sur Aesthetics of hate). Il n'y a
pas à dire, c'est de la belle ouvrage. Que me manque-t-il pour être
vraiment totalement emballé ? Un chant un peu moins primaire (quand on
n'a pas droit aux interludes en chant clair, c'est quand même bien
bourrin), et un titre qui provoque vraiment l'étincelle qui donne envie
de le repasser en boucle (aucun morceau faible sur ce disque, mais pas
vraiment non plus de tuerie ultime). Mais je chipote, c'est quand même
vraiment recommandable.
- Machine Head - Unto the locust (2011) ★ ★
Jusqu'ici, Machine Head avait proposé un changement de discours assez
net tous les deux disques. Fallait-il donc s'attendre, quatre ans après
un The Blackening très réussi, à de nouvelles surprises ? Pas
franchement, même si l'introduction a capella de I am hell
(curieusement sous-titré Sonata in C#) a de quoi intriguer. Elle
est toutefois assez réussie et débouche très naturellement sur un riff
assez magistral qui laisse penser qu'on tient déjà la tuerie qui
manquait à l'album précédent pour en faire un incontournable absolu.
Hélas, on déchante un peu sur la durée (seulement sept titres sur
l'album, tous aux alentours des 7 minutes, on reste dans la volonté de
proposer des choses assez fouillées), avec un chant qui vire à nouveau
au pénible mais surtout des développements instrumentaux où les
guitaristes se font sûrement plaisir mais qui ne convainquent pas
vraiment. C'est en fait une image assez fidèle de ce que propose le
disque : des intros souvent réussies qui donnent envie d'écouter la
suite (les gamins sur Who we are, c'est rigolo, cette chanson est
d'ailleurs à mon avis la meilleure de l'album), puis une relative
déception due à un manque global de percussion et à la répétition de
passages techniques sans grand intérêt. Assez frustrant au fond, car
tout ça semble réellement travaillé (et reste écoutable, hein,
n'exagérons rien) mais la machine tourne un peu à vide.
- Machine Head - Bloodstones and diamonds (2014) ★ ★ ★
Après un Unto the locust qui m'avait déçu, pouvait-on espérer un
nouveau soubresaut de la part d'un groupe qui a déjà connu des hauts et
des bas dans le passé ? Plus de 70 minutes de musique, en tout cas, ce
n'est pas l'inspiration qui a fait défaut. Ce n'est peut-être pas la
meilleure nouvelle qui soit, dans la mesure où plusieurs pistes tiennent
du remplissage sans grand intérêt, notamment au niveau des passages
solos où les guitares semblent parfois réciter leurs gammes (la fin de
Ghosts will haunt my bones, par exemple, ou Eyes of the
dead). Autre souci, le chant est souvent forcé, que ce soit dans le
côté hurlé (mais on a l'habitude) ou au contraire quand un chant clair
"inspiré" est censé prendre le relais, ça devient vite maniéré et
agaçant (sur Game over notamment). Dommage car par ailleurs il y
a vraiment de bonnes choses, dans un style classique pour le groupe
(Night of long knives et son refrain efficace), mais aussi dans
un registre moins attendu, avec notamment l'introduction
d'orchestrations plutôt bien vues (à commencer par le titre qui ouvre le
disque, Now we die, dont l'intro laisse vraiment douter du fait
qu'on ait pas eu un bug de deezer !). Tout cela ne suffirait pas
vraiment à dépasser le moyenne, mais voila, au beau milieu de ce disque
inégal, déboule sans crier gare une merveille complètement improbable
pour un groupe comme Machine Head, Sail into the black et ses
choeurs a cappella d'outre tombe, ce piano intriguant, cette note grave
martelée par les guitares, franchement c'est du grand art. Après avoir
écouté ça, une question me taraude : pourquoi le groupe n'a-t-il pas été
capable (ni sur cet album si sur un autre, à mon humble avis) de
produire une musique aussi mémorable sur la durée d'un disque ? Allez,
même juste un demi-disque ? C'est un brin frustrant...
- Machine Head - Catharsis (2018) ★ ½
La musique du groupe commençait déjà sérieusement à tourner en rond dans
les deux albums précédents, mais c'est encore nettement plus manifeste
ici. Harmoniques de guitares, opposition entre des choeurs en chant
clair et des couplés énervés et/ou scandés (Betond the pale, Screaming
at the sun, Grind you down), lignes vocales peu inspirées que le
chanteur tente de surcompenser en en faisant des tonnes (sur
Kaleidoscope), c'est à la fois très prévisible et assez saoulant même si
ça reste exécuté avec une certaine efficacité. Mais surtout, quitte à ne
pas avoir grand chose de nouveau à dire, il aurait fallu avoir la
présence d'esprit de ne pas allonger inutilement le disque. Or là, c'est
à pas moins de 15 titres et 75 minutes de musique que nous convie
Machine Head, beaucoup trop vu le contenu proposé. Il y a pourtant
quelques bonnes choses vers la fin de l'album (si on a tenu jusque là
!), notamment un Heavy lies the crown assez orchestral et bien
construit, et le Psychotic qui suit, premier titre à vraiment
retrouver l'énergie dévastatrice qui est une des marques de fabrique du
groupe. Et puis le tout se conclut avec un très étrange Eulogy où
on ne comprend pas bien la raison d'être de cette voix extrêmement
trafiquée. Ce n'est pas le pire album de la carrière de Machine Head
(faut dire qu'il y a de la concurrence), mais c'est quand même
globalement bien décevant.
- Machine Head - Of Kingdom and Crown (2022) ★ ★
Nouvel album de Machine Head, mais aussi un nouveau line-up avec
changement de la moitié des postes. Un détail qui n'a pas énormément
d'importance dans la mesure où le groupe a toujours été avant tout le
bébé de Robb Flynn, et a de toute façon sorti des disques assez peu
semblables tout au long de sa discographie. Le précédent ne m'avait pas
emballé, celui-ci me laisse assez perplexe. Il s'agit d'une sorte de
concept-album dont je n'ai pas vraiment creusé le scénario, qui doit en
tout cas certainement justifier les O barrés nordiques présents sur tous
les titres de pistes (et celui de l'album, j'ai donc triché) et les
trois interludes bruitistes sans l'ombre d'un intérêt parsemant le
disque. Mais mon problème vient du reste, où j'ai bien du mal à cerner
l'objectif musical : on alterne des titres hyper frontaux (certes une
habitude du groupe) pas franchement passionnants (Choke on the ashes
of your hate ou Bloodshot, c'est vraiment trop bourrin) et
des passages qui sonnent carrément soupe FM (Unhallowed,
Arrows in words from the sky) avec également quelques tentatives
pour le coup bienvenues d'insérer des morceaux de chant clair et de
choeurs (même si ça me fait à chaque fois penser à Sail into the
black, chef-d'oeuvre du groupe à côté duquel la comparaison ne peut
que faire très mal). Mais tout n'est quand même pas à jeter dans cet
album, loin de là, l'ambitieux premier titre Slaughter the martyr
est très bien construit, quelques autres titres sont réussis (j'aime
assez Kill thy enemies par exemple), et techniquement c'est assez
impressionnant, le groupe assure quand même sacrément (bon, je n'aime
toujours pas énormément le chant agressif de Flynn, mais il n'a rien
perdu niveau voix). Dommage que ce ne soit pas au service de
compositions plus inspirées.