Mon avis personnel sur les disques d'Exodus
- Exodus - Bonded by blood (1985) ★ ★
Il me reste encore quelques classiques du thrash américain à explorer,
dont cet Exodus et son premier album souvent cité comme un des grands
classiques pionniers du genre, et dont le principal défaut serait d'être
sorti un peu trop tard par rapport aux premières tentatives des copains,
Metallica en tête. Si effectivement le rapprochement avec
Kill'em all est assez facile à faire à l'écoute, en fait,
l'histoire officielle du thrash ment. Le principal défaut de ce disque,
ce n'est pas du tout d'être arrivé un peu trop tard, mais bel et bien
d'avoir recruté le poivrot du coin en guise de chanteur, qui glapit de
façon tellement laide (sans compter la réverbération aberrante dont on
l'a affublé) qu'il rend le disque essentiellement inécoutable (écoutez
son entrée sur Metal command, par exemple, c'est effroyable !).
C'est d'ailleurs bien dommage car sans ça, ce premier essai serait de
fait tout à fait recommandable : son qui sonne bien années 80 mais qui
reste très correct, riffing typiquement thrash efficace et bien exécuté,
côté instrumental, c'est vraiment sympa (bon, on se serait bien passé
des quelques bruitages "evil" qui sonnent pour le coup très datés). La
chanson-titre et A lesson in violence, notamment, méritaient bien
mieux que d'être gâchées par ces vocaux impossibles.
- Exodus - Pleasures of the flesh (1987) ★ ★ ½
Après un premier album assez bourrin, le titre de ce deuxième essai
d'Exodus laissait envisager une certaine sensualité. Accroche
relativement mensongère, dans la mesure où ce disque est en fait plus
sage que son grand frère, se contentant la plupart du temps d'aligner
les titres thrashs assez classiques sans provoquer réellement
d'étincelles. Le nouveau chanteur est nettement mieux que le précédent
(c'était pas difficile), les musiciens s'appliquent sur les passages
techniques, les riffs sont passables sans être inoubliables mais on ne
décolle jamais vraiment de son siège (le son assez moyen de l'ensemble,
avec notamment une batterie vraiment moche qui est par ailleurs souvent
d'une pauvreté navrante dans le jeu proposé, n'aide pas). Quant aux
quelques tentatives pour proposer des choses un peu originales, soit
elles tombent en eau de boudin (l'improbable piste de 30 secondes de
fait intitulée... 30 seconds et sa petite mélodie acoustique),
soit elles semblent complètement hors-sujet (l'intro tribale de la
chanson-titre). Bref, pour des raisons bien différentes de son
prédécesseur, et sans être un album à jeter à la poubelle, on ne peut
toujours pas parler d'un disque qui mérite de rester à la postérité.
- Exodus - Fabulous disaster (1989) ★ ★ ★ ★
Au moment d'aborder le troisième opus de la discographie d'Exodus, c'est
peu dire que je m'attendais à rien de bon : les deux précédents ne
m'avaient pas semblé à la hauteur de leur réputation, et le moins qu'on
puisse dire est que la pochette de celui-ci n'aide pas vraiment à se
projeter mentalement dans un potentiel chef-d'oeuvre thrash. Et
pourtant, même si le terme de chef-d'oeuvre serait de fait excessif, le
classique du groupe, celui qui apporte une vraie pierre à l'édifice
pourtant conséquent du thrash américain des années 80, il est bel et
bien là. Le groupe retrouve de la hargne sans que ça ne sonne comme de
la bouillie, les titres sont bien construits (les 8 minutes de Like
father, like son) et efficaces (chanson-titre en tête), et on a même
une pointe d'originalité bienvenue par moments (l'intro "bayou" de
Cajun hell). Un groupe qui n'invente rien (c'est un peu trop tard
pour ça en 1989 de toute façon) mais qui maîtrise ce qu'il fait, avec
une remarquable régularité (seule Open season est vraiment
en-dessous du reste). On regrettera tout de même qu'il y ait deux
reprises sur les dix titres de l'album (même si celle d'Overdose
d'AC/DC forme une conclusion sympathique), mais avec des galettes
de ce calibre, le groupe mérite cette fois-ci indiscutablement sa place
dans l'histoire du genre.
- Exodus - Impact is imminent (1990) ★
Avec Fabulous disaster, Exodus avait enfin réussi à produire un
album de thrash classique, mais surtout hyper efficace et vraiment
convaincant. Son successeur reprend exactement la même recette (pochette
foireuse y compris), mais pour déboucher sur un produit fini totalement
insipide. Le son est trop dense et vraiment peu agréable, le riffing pas
très inspiré, et surtout le chanteur Steve Souza est complètement
insupportable sur ce disque, avec des vocaux scandés qui se ressemblent
sur toutes les pistes, et qui fatiguent avant même d'avoir terminé la
première. Pourtant, on a toujours une base thrash très classique sur cet
album, et un ou deux morceaux réussissent à proposer une atmosphère
intéressante (Within the walls of chaos, Only death
decides), mais les trois quarts du temps, c'est simplement poussif
(même les nombreux solos n'apportent rien) et l'entrée des voix suffit à
achever le peu de motivation qu'on avait pour rester concentrés jusqu'au
bout. Exodus serait-il le groupe d'un seul album ?
- Exodus - Force of habit (1992) ★ ★ ★ ½
Début des années 90, c'est un refrain connu, le thrash bat de l'aile, la
mode est au ralentissement de tempo et aux tentatives plus commerciales,
à la suite du gigantesque succès de Metallica avec son Black
album. Exodus va suivre la tendance, en proposant avec ce cinquième
disque un contenu nettement moins agressif que dans le précédent. Mais
non seulement ils n'auront évidemment pas le succès de Metallica, mais
pire, leur album sera descendu en flammes et le groupe ne tardera pas à
se dissoudre (avant de réapparaître quelques années plus tard). Eh ben
franchement, à l'écoute, on se dit que l'intransigeance des fans de la
première heure était particulièrement absurde, tant cet album est
meilleur que le précédent : chant nettement plus varié et avenant de la
part de Souza, titres certes plus typés rock que vraiment thrash mais
qui assurent efficacement, et on a même droit à une vraie perle dans le
lot, Architext of pain (11 minutes !) et son ambiance lugubre
parfaitement maîtrisée, qui n'a aucun équivalent dans les quatre
premiers disques du groupe. Avec un son un peu plus confortable (ça
reste trop dense et métallique) et un peu moins de remplissage (plus
d'une heure de musique, deux reprises complètement à côté de la plaque,
c'est trop, mais au moins Exodus n'a pas tenté d'insérer une ballade
pour faire comme tout le monde), ce serait même probablement le meilleur
album de leur première moitié de carrière...
- Exodus - Tempo of the damned (2004) ★ ★ ½
Voici donc le retour d'Exodus, une dizaine d'années après son dernier
disque, et alors que le thrash commence à avoir de nouveau la côte. Il
ne faut donc pas s'attendre à une suite à Force of habit, mais
plutôt à une renaissance du groupe dans son style originel, avec
évidemment une production moderne bien clinquante, à l'image de ce qu'un
Kreator a déjà commencé à faire à cette époque, une piste que
suivront également Testament ou Overkill ensuite avec un
beau succès. Mais justement, le problème d'Exodus, c'est que dans un
style très similaire, ils font beaucoup moins bien que ces trois
groupes-là (certes, je suis probablement influencé par le fait que j'ai
écouté ces albums plus récents largement avant celui d'Exodus) : sans
être déshonorant, ce Tempo est quand même assez tranquille et se plante
un peu dans sa gestion du riffing, soit inutilement alambiqué (sur
l'opener Scar spangled banner, on sent la maîtrise, mais c'est
bien peu mélodique tout ça), soit au contraire trop simpliste pour ne
pas lasser au gré des multiples répétitions (le motif de trois notes de
Blacklist est excellent, mais la construction de la chanson trop
linéaire pour justifier sa durée de plus de 7 minutes). Quelques titres
à l'ambiance sympathique tout de même (Blacklist déjà citée,
Throwing down) suffiront à donner la moyenne au groupe pour ce
retour, mais pas plus.
- Exodus - Shovel headed kill machine (2005) ★ ★ ★
Le retour aux affaires d'Exodus n'a manifestement pas été de tout repos
puisqu'après leur livraison de 2005, ils sont à nouveau passés pas loin
de la dissolution, et que c'est un line-up presque entièrement renouvelé
qui est à l'oeuvre sur ce nouveau disque. Si on en croit la pochette, le
mot d'ordre semble désormais être "bourrin". Eh bien, il n'y a pas
tromperie sur la marchandise, on a de fait droit à un alignement de
titres bien directs et rentre-dedans, portés par une production moderne
efficace sans trop en faire (basse bien présente tout de même, c'est à
souligner). Le nouveau batteur massacre ses fûts avec précision (on est
quand même pas loin du mitraillage lourdingue par moments), le nouveau
chanteur beugle avec conviction (là aussi le curseur a été poussé du
côté de l'agressivité), et ce côté vraiment frontal va finalement plutôt
bien à la musique d'Exodus, qui a toujours un peu pêché côté mélodies et
feeling. Rien de transcendant dans tout ça, mais un album efficace qui
comblera les fans de thrash bien primaire, mais ne devrait pas non plus
décevoir les autres.
- Exodus - The Atrocity Exhibition - Exhibit A (2007) ★ ★ ★
Ils aiment bien les titres à rallonge, chez Exodus, depuis leur
reformation. Mais si leur disque précédent présentait un contenu assez
bourrin, celui-ci se veut nettement plus recherché (on hésite même à
employer l'adjectif progressif), avec des titres à rallonge approchant
souvent les dix minutes (et les dépassant même pour la très variée
chanson-titre). Une volonté un peu contradictoire avec la personnalité
vocale de leur nouveau chanteur (qui hurle de façon très moche, on est
pas loin d'un chant death), ce qui explique peut-être qu'on entende
finalement relativement peu ce dernier (beaucoup de longs passages
purement instrumentaux). La musique, elle, est plus sinistre que
violente, avec des riffs volontiers dissonants (ce qui est assez
intéressant) et souvent assez peu mélodiques (ce qui va un peu de pair
avec les dissonances, mais ça me plaît quand même moins, on a souvent du
riff technique pas vraiment palpitant développé pendant de longues
minutes) et des ambiances assez froides mais très travaillées.
L'ensemble a un côté très maîtrisé et imposant qui force le respect,
mais manque quand même un peu de séduction selon moi pour en faire un
véritable incontournable. Les meilleurs moments : un Funeral hymn
aux breaks inspirés, et la reprise au banjo de Bonded by blood
qui conclut le disque (mais là c'est uniquement parce que ça prouve que
le groupe est encore capable de ne pas trop se prendre au sérieux !).
- Exodus - Exhibit B - The Human condition (2010) ★ ★ ★ ★
Après une parenthèse consacrée à un ré-enregistrement de son premier
album qui créera la controverse (je ne l'ai pas écouté), Exodus propose
la suite de son disque précédent, et insiste logiquement dans le même
style : thash moderne à la séduction pas toujours immédiate, mais qui
envoie quand même du sacrément lourd, et surtout qui fait preuve d'une
maîtrise assez impressionnante. Si je continue à regretter ici un
chanteur qui hurle trop à mon goût (ce sera son dernier album avec le
groupe), le reste est vraiment excellent, un bon cran au-dessus de
l'Exhibit A. Des intros plus calmes pour aérer le propos (on a
même un instrumental sympathique, qu'il aurait d'ailleurs été préférable
de placer plus tôt), des riffs vraiment efficaces, et des titres touffus
mais qui ne tombent plus dans le verbiage inutile (bon, si un peu sur la
fin du disque quand même, une heure de bourrinage ça reste beaucoup, et
les 9'32 de The Sun is my destroyer notamment tirent sur la
corde), c'est vraiment une belle démonstration que nous propose là un
groupe qui se bonifie avec le temps. The Ballad of Leonard and
Charles introduit de fort belle manière une première moitié de
disque irréprochable, Hammer and life (au format plus court) ou
Nanking et son tempo plus retenus font partie des points
culminants de ce disque qui est encore un peu trop inégal pour crier au
chef-d'oeuvre, mais constitue quand même une nouvelle référence de très
bon niveau pour Exodus.
- Exodus - Blood in, blood out (2014) ★ ★
Depuis son retour aux affaires, on ne peut pas dire qu'il ait eu une
grosse évolution dans ce qu'a proposé Exodus. Gros changement en vue
toutefois pour ce disque, puisque le chanteur Rob Dukes, qui officiait
sur les trois albums précédents, a été viré du groupe comme un malpropre
pour être remplacé par... Steve Souza, leur chanteur précédent ! Une
nouvelle qui me laisse plus perplexe qu'autre chose : j'étais loin
d'être fan de Dukes, et en même temps Souza vieillissant glapit de façon
assez laide sur cet album, et ça colle vraiment moyennement au thrash
moderne bien rentre-dedans désormais produit par Exodus. Mais bon, ce
qui rend cette nouvelle proposition clairement en retrait par rapport à
la précédente, c'est simplement la qualité des compositions : rien
d'infamant, mais rien de transcendant non plus, les solos sont
techniques mais pas vraiment séduisants, les rythmiques massives sont
efficaces mais pas très imaginatives, bref ça s'écoute mais sans
vraiment marquer, et le chant de Souza est l'élément qui fait basculer
dans la zone de la déception.
- Exodus - Persona non grata (2021) ★ ★ ★ ½
Même si les sorties d'albums studio s'espacent quelque peu ces derniers
temps pour Exodus, on ne peut pas vraiment dire que le groupe ramollisse
du point de vue de l'intensité de son thrash, certes aujourd'hui porté
par une (excellente) production bien typée "21ème siècle", mais qui pour
le reste ne se laisse sûrement pas abuser par les effets de mode. Ce
Persona non grata n'est pas loin d'être le disque le plus hargneux du
groupe, et aucune concession n'est faite à un thrash porté sur la
mélodie comme peuvent désormais le produire certains de leurs
concurrents. Non, là, on a du technique parfois presque intimidant (sur
la chanson titre ou sur Lunatic-Liar-Lord, des titres qui
approchent les 8 minutes, le riffing est objectivement assez laid), mais
développé avec maestria, et proposant toujours son lot de passages
marquants, surtout dans les parties instrumentales (on ne va pas se
mentir, malgré ses efforts pour varier son chant et même proposer des
sortes de growls assez bizarres par moments, Souza ne sera une fois de
plus pas le principal argument de vente du disque). Quelques titres
proposent des ambiances malsaines vraiment réussies (les pleurs de bébé
à la fin de Prescribing horror font froid dans le dos),
contribuant à faire de cet album exigeant une réussite peu évidente au
premier abord (honnêtement, à la première écoute, j'ai eu du mal), mais
assez indiscutable finalement.