Mon avis personnel sur les disques d'Epica
- Epica - The Phantom agony (2003) ★ ★ ★ ★ ½
Pour ceux qui ne sont pas spécialistes des potins du petit mondu du
metal symphonique, Epica c'est le groupe formé par Mark Jansen après
qu'il ait claqué la porte d'un After forever dont la ligne
artistique ne lui convenait plus. Là, pas de problème, il va pouvoir
s'en donner à coeur-joie dans le metal symphonico-gothique avec
chanteuse lyrique à la Nightwish. Pour cela (puisque la chanteuse
d'After forever, elle, est restée dans son groupe), il recrute une
petite jeunette au chant qui figure aussi en bonne place sur l'affreuse
pochette du CD. La jeunesse de la dame s'entend d'ailleurs beaucoup dans
ce premier essai, son chant imite celui de ses aînées de façon assez
scolaire et peu assurée, c'est un peu gênant mais elle a quand même une
belle voix et ça contribue curieusement au côté artisanal et pas
totalement maîtrisé de tout l'album, qui lui donne un cachet à part
assez irrésistible. En fait, on sent bien la volonté de faire un truc
hyper grandiose, naviguant entre les passages franchement épiques et les
moments plus romantiques, mais la construction des morceaux manque
souvent d'assurance et de cohérence (l'utilisation des growls notamment
n'a souvent pas beaucoup de sens, on a aussi des samples de discours
incompréhensibles sur Facade of reality). Mais malgré ces défauts
bien voyants (à la première écoute j'avais même été franchement déçu par
le disque), on finit par écouter l'album en boucle tant les atmosphères
sont prenantes et les mélodies imparables. Certes, Cry for the
moon est un tube qui tombe dans la facilité, Feint navigue
sur la frontière dangereuse entre l'envoûtant et le franchement chiant,
mais Sensorium ou la chanson-titre et son thème épique
inoubliable, je ne m'en lasse pas. Finalement, le disque n'a pas usurpé
sa réputation d'incontournable du genre, même s'il fera probablement
fuir très très loin ceux qui ont du mal avec Nightwish et consorts.
- Epica - Consign to oblivion (2005) ★ ★ ★ ★
Après un premier album encore imparfait mais tout de même diablement
séduisant, on pouvait espérer un véritable chef-d'oeuvre de la part
d'Epica pour sa deuxième tentative. Ce ne sera pas le cas, le disque est
certes très bon, mais il déçoit quand même en raison de la direction
artistique prise. Au lieu d'insister sur le côté gothique naïf de son
premier opus, le groupe a en effet décidé d'imiter ses compères de
Nightwish (et plus précisément leur album Once) de façon
même pas déguisée, en s'orientant vers un metal épique très symphonique
qui fait plus que faire penser à de la BO de films (l'introduction
Hunab K'u donne le ton, c'est du Hans Zimmer dans le texte). On
est parfois aux frontières du plagiat (Blank infinity notamment),
et on peut bien sûr regretter ce choix assez clairement commercial
(chant moins lyrique et plus passe-partout, j'en viendrais presque à
regretter que les growls soient limités à deux ou trois pistes), et se
plaindre de l'omniprésence de l'orchestre et des choeurs (qui reprennent
par ailleurs quasiment à l'identique certains motifs de The Phantom
agony) qui laissent souvent les guitares dans un lointain
arrière-plan. On jettera aussi à la poubelle la pitoyable bluette
Trois vierges chantée en duo avec Roy Khan. Mais malgré cette
longue liste de protestations, eh bien, l'ensemble passe tout seul
tellement c'est entraînant et bien calibré, les mélodies sont
imparables, les effets orchestraux efficaces à défaut d'être originaux,
et la voix de Simone Simons fait désormais preuve d'une belle assurance.
Une copie un peu facile certes, mais d'une qualité presque
irréprochable. Attention quand même à ne pas se laisser aller sur les
albums suivants.
- Epica - The divine conspiracy (2007) ★ ★ ½
Après un deuxième album encore excellent mais qui proposait un virage
très orchestral inattendu, quoi de neuf dans la troisième proposition
d'Epica (à part le fait de mettre sa chanteuse à poil sur la pochette
pour attirer le chaland) ? Eh bien, manifestement, le groupe a voulu
remettre un peu de muscle dans sa musique (batterie très en avant,
growls à nouveau présents sur beaucoup de titre, et de la double pédale
envahissante sur plusieurs titres), mais tout en laissant l'orchestre
sur le devant de la scène, avec une influence "musique de films" de plus
en plus claire (la chanson-titre finale propose autant de passages
purement orchestraux que de passages chantés). On est donc un peu le cul
entre deux chaises, et à part sur la très bonne The obsessive
devotion en début d'album, les ingrédients ne se mélangent pas
toujours de façon très heureuse. C'est varié, les mélodies sont toujours
efficaces malgré un léger abus de motifs orientalisants un peu clichés,
ça s'écoute très agréablement, et en même temps il y a peu de passages
vraiment marquants, et l'impression de fourre-tout finit par prendre le
dessus par moments (typiquement, la fin de Chasing the dragon,
qui démarre comme une jolie ballade, ne ressemble vraiment à rien). La
durée trop importante, des pistes (régulièrement 7 à 8 minutes) comme du
disque (75 minutes au compteur), joue sûrement aussi un rôle dans le
sentiment de lassitude qui finit par pointer le bout de son nez. En
fait, alors que leur premier album essayait justement de partir dans une
autre direction, ici la musique d'Epica ressemble de plus en plus à
celle d'After forever. Si ça reste qualitativement au-dessus de
la fin de carrière de ces derniers, retrouver une réelle inspiration
sera nécessaire pour relancer vraiment la (belle) machine.
- Epica - Design your universe (2009) ★ ★
Plus j'avance dans la discographie d'Epica (j'en suis à la moitié après
ce quatrième album), et plus je me dis que ce groupe est un gros gâchis.
Alors qu'ils avaient trouvé leur voie dès leur premier disque, ils se
sont ensuite perdus dans une volonté manifeste de suivre certaines modes
qui ne collent pas avec les éléments de leur musique qu'ils auraient
mieux fait de développer. Ici, encore plus que dans l'album précédent,
la volonté de se rapprocher du death mélodique est plus que visible,
avec un son nettement moins avenant que d'habitude et surtout une
batterie pachydermique qui prend toute la place au premier plan, ce qui
est tout de même ballot quand une bonne partie des subtilités de la
musique proposée est censée être produite par un orchestre qu'on entend
parfois à peine derrière. On en viendrait presque à accueillir avec
soulagement la ballade Tides of time, mignonnette et inoffensive,
mais qui a le mérite de laisser le batteur sur le banc et de nous
permettre de profiter un peu du chant de Simone Simons (qui a bien
progressé depuis les débuts du groupe, mais qui dispose hélas de moins
en moins de passages intéressants à chanter, c'est ballot). Pour le
reste, on reconnaît tout de même Epica : des titres orchestraux qui
s'éternisent un peu trop, un album lui-même nettement trop long, et tout
de même une majorité de chansons efficaces à défaut d'être
transcendantes (j'aime bien Martyr of the free world notamment).
Rien de totalement déshonorant donc, mais la direction artistique
discutable fait qu'on aura plus envie d'oublier le disque que de le
réécouter régulièrement.
- Epica - Requiem for the indifferent (2012) ★ ★ ★
Une fois le virage d'Epica vers un metal à la fois plus commercial et
plus agressif digéré, je n'attendais plus grand chose de passionnant de
la part du groupe, surtout que ce disque est considéré par beaucoup
comme le plus faible de sa discographie. Autant dire que j'ai été très
agréablement surpris de constater qu'il retrouve un certain équilibre
qui le rend plus séduisant que ses deux prédécesseurs immédiats. On
reste dans une sorte de death mélodique un peu facile et par moments
plombé par des tics d'écriture agaçants (les passages orientaux dans
Serenade of self-destruction, une grosse tendance à la surcharge
orchestre+choeurs+guitares quand on n'a plus grand chose à dire), mais
le côté extrême passe plus par le chant (beaucoup de growls sur ce
disque, mais bien intégrés) que par la batterie, moins mise en avant
(ouf). Simone Simons y retrouve un terrain d'expression un peu plus
conséquent, et confirme par la même occasion qu'elle chante désormais
vraiment bien ! L'enrobage orchestral, les mélodies efficaces et
quelques modulations inattendues (le refrain surprenant de Storm of
sorrow est assez addictif) ajoutent à l'intérêt de l'ensemble, qui
tient franchement bien la route sur une bonne moitié de disque. Le
principal défaut de la chose, en fait, c'est que c'est une nouvelle fois
trop long (80 minutes bonus compris) et que ça s'essouffle sévèrement
sur la fin (qui contient d'ailleurs, ce n'est sûrement pas un hasard,
les pistes les plus chargées). Mais ça reste tout de même encourageant,
Epica prouve qu'on peut encore compter sur eux pour nous proposer de
bons albums à l'avenir.
- Epica - The Quantum enigma (2014) ★ ★ ★ ★
Après plusieurs albums où Epica affichait clairement sa volonté de
durcir le ton et s'éloignait sensiblement de la ligne initiale de son
chef-d'oeuvre The Phantom Agony, miracle, alors que plus personne
n'y croyait (enfin, moi pas trop en tout cas), le groupe revient pour ce
sixième album à un style nettement plus proche de celui de ses débuts.
Plus de mélodies (celles de Unchain utopia semblent même faire un
clin d'oeil à Cry for the moon, on n'est pas très loin de
l'auto-plagiat), plein de choeurs, un orchestre bien exploité, une
ballade vraiment superbe (Canvas of life) et Simons qui nous sort
quelques notes de chant lyrique (bon, pas des masses quand même),
qu'est-ce que ça fait du bien (en comparaison, on comprend mieux
pourquoi les albums précédents, aussi bien ficelés soient-ils,
laissaient un goût d'inachevé). En plus de cela, on a quand même
quelques titres qui lorgnent vers l'extrême, mais qui sont eux aussi
très réussis (sur Chemical Insomnia on n'est vraiment pas loin
d'un black sympho à la Dimmu Borgir, la voix claire féminine en
plus, et ça fonctionne impeccablement). En fait, ce disque est tout
simplement équilibré et inspiré, et ça fait toute la différence ! Pas au
niveau de The Phantom Agony car il y manque le petit truc en plus qui le
démarquerait vraiment de la concurrence (ça reste assez calibré dans
l'ensemble, et le disque est une fois de plus un peu longuet avec ses 75
minutes), mais vraiment pas loin.
- Epica - The Holographic Principle (2015) ★ ★ ½
Alors que The Quantum Enigma avait fait preuve d'un très net
regain de forme chez Epica, j'attendais nécessairement beaucoup de
l'album suivant du groupe. Un peu trop peut-être, car je ne peux
m'empêcher d'être déçu par ce disque qui tient très bien la route, mais
qui voit aussi revenir au galop quelques défauts récurrents de la bande
à Mark Jansen : dès que l'inspiration est un peu moins au rendez-vous,
on surcharge les titres à grands coups de choeurs envahissants et de
rythmique bourrine, et ça finit par devenir assez indigeste, surtout
quand ça s'étale sur 70 minutes. Il y a pourtant, comme d'habitude, des
accroches sympa et de belles mélodies sur pas mal de titres (Beyond
the matrix par exemple démarre très bien), mais on retombe très vite
sur des structures répétitives qui tournent sérieusement au procédé.
Trop peu de titres avec une vraie originalité ou une ambiance qui se
démarque (Once upon a nightmare en fait partie, c'est sûrement le
sommet du disque), aucune ballade pour respirer un peu, le disque bonus
constitué de versions alternatives surprenantes de certains titres finit
par être la bonne surprise de l'album. Je suis un peu sévère au niveau
de la note car ça reste solide dans l'ensemble (Edge of the
blade, c'est du metal technicolor, mais ça fonctionne sacrément
bien), mais pour un groupe capable de faire beaucoup mieux que ça, on
reste ici au niveau du minimum syndical.
- Epica - Omega (2021) ★ ★ ★ ★
Voilà maintenant une bonne vingtaine d'années qu'Epica a fait ses
timides débuts sur la scène du metal symphonique, et le moins qu'on
puisse dire, c'est que le groupe a su se faire sa place pendant cette
période. Pour leur dernière offrande en date, les moyens sont à nouveau
démesurés : orchestre à temps plein, choeurs omniprésents (la petite
nouveauté, ce sont les choeurs de gamins, je trouve que ça donne une
fraîcheur sympathique à certains titres), production démente, c'est très
très spectaculaire, ça lorgne souvent vers la musique de film un peu
superficielle, et objectivement, on pourrait supprimer le groupe de
metal en fond sans que l'esprit de la musique proposée n'en soit
bouleversé (il faudrait quand même garder les growls qui alternent avec
le chant féminin, à nouveau assez présents sur cet opus). Et comme vous
le savez, le spectaculaire, j'aime ça, et j'ai donc une fois de plus
passé un fort bon moment à l'écoute de ce disque qui est une sorte de
best of de ce qu'Epica fait de mieux dans le versant vraiment
symphonique de sa musique. Rien de nouveau (on retrouve par exemple les
clichés orientaux dans Code of life), mais des mélodiques
efficaces à foison, et une palanquée de titres irrésistibles même on
navigue parfois à la frontière de la pop (Abyss of time,
Synergize), le groupe connaît parfaitement son boulot, et
l'effectue de façon totalement professionnelle, sans que ça n'en
devienne impersonnel pour autant.