Mon avis personnel sur les disques de Darkthrone
- Darkthrone - A Blaze in the northern sky (1992) ☆
Nouvelle tentative d'écoute de "true black metal" joué par des
norvégiens satanistes qui crament des églises et tuent des gens pendant
leur temps libre (même si, apparemment, les gugusses de Darkthrone sont
un peu moins atteints que leurs copains de Emperor ou de
Mayhem de ce point de vue, d'ailleurs ils ont réussi à rester
vivants et le groupe continue à faire de la musique). Ici, le concept
artistique se résume en gros à une seule chose : enregistrer avec un son
tellement dégueulasse qu'on entend davantage les impuretés et autres
effets de saturation que la musique proprement dite. Une réussite totale
puisque le disque est en fait à peu près inaudible (même les
enregistrements de classique des années 1920, ça fait moins saigner les
oreilles), et que c'est tout à fait volontaire de la part du groupe (ça
n'a pas été enregistré dans un garage avec du matériel préhistorique).
J'avoue que ça me dépasse totalement : qu'on joue sur la qualité du son
pour essayer de créer une atmosphère je veux bien, mais à ce point ça
n'a plus aucun sens (non ça ne rend pas le tout plus
lugubre/morbide/whatever, ça fait juste mal au crâne). Du coup on ne
peut même pas vraiment juger de la musique, qui semble toutefois assez
primaire et répétitive...
Le plus étonnant peut-être là-dedans c'est qu'il s'agit du deuxième
album du groupe, et que leur premier disque Soulside journey ne
laissait absolument pas imaginer un tournant aussi radical (c'est du
metal un peu bas du front, mais plutôt sympathique malgré le côté
scolaire et maladroit compréhensible pour un premier disque, et en tout
cas enregistré tout à fait normalement). Et cette période extrême ne
durera en gros que quelques albums, alors qu'ils en ont maintenant
enregistré une vingtaine. Une discographie que je ne pense pas critiquer
de façon exhaustive ici même.
- Darkthrone - Panzerfaust (1995) ★ ★ ★ ½
Je n'ai pas complètement laissé tomber la discographie de Darkthrone
après mon expérience douloureuse de leur période "true black" car cette
dernière est finalement très limitée dans le temps (bon, je ne vais pas
non plus m'attarder sur tous les albums de leur longue carrière).
Justement, ce Panzerfaust constitue un premier tournant avec un retour à
un son "acceptable" après trois albums passablement inaudibles. Bon, ça
reste quand même assez sale (la batterie est lointaine, les guitares
très saturées et le chant se réduit à des borborygmes étranges) mais on
est de mon point de vue repassé du bon côté de la frontière entre le
n'importe quoi et la volonté de créer une atmosphère efficace. Et bien
sûr, ça change tout ! Certes, la musique elle-même reste très primitive
(riffs bien lourds mais plutôt inspirés répétés ad nauseam, la plupart
des plages adoptent un tempo qui laisse de côté toute possibilité de
démonstration technique), mais c'est justement ce qui fait la force de
ce type de metal. Ecoutez Hans siste vinter pour vous faire une
idée, soit vous passerez toute la chanson à vous demander quand ça va
vraiment commencer, soit vous serez fascinés par le côté hypnotique de
la chose (encore une fois, on n'est pas si loin de la musique
minimaliste d'un Glass dans le mode de fonctionnement). On a même droit
à une piste conclusive Sno og granskog (il manque sûrement
quelques accents bizarres) qui est une incantation mystique (absolument
pas de chant) sur fond de pseudos-cuivres, c'est assez grandiose. Pas un
chef-d'oeuvre, mais franchement, dans son genre, ça marche bien.
- DarkThrone : Circle the wagons (2010) ★ ★ ★ ★
Après ma critique de Panzerfaust, j'ai volontairement décidé de
me centrer sur cet unique album du reste de la discographie de
Darkthrone, qui a pourtant produit une quinzaine de disques depuis. Il
faut dire qu'il y a au minimum une énorme similitude au niveau de la
forme entre toutes ces tentatives : systématiquement 40 minutes de
musique (à quelques epsilon près) répartis sur un nombre limité de
titres (6 à 9 selon les disques), et toujours les deux mêmes compères
aux manettes. Sur le fond, toutefois, il y a une assez lente mais nette
évolution vers une disparition totale des racines black du groupe : son
de plus en plus net, chant guttural de moins en moins systématique (ici,
on a par exemple droit sur la chanson titre à un duo de voix claires qui
surprendra ceux qui n'ont pas écouté DarkThrone depuis quelques
décennies), mais surtout une musique qui lorgne de plus en plus
ouvertement vers un rock metallisé qui sent bon les influences des
années 70-80 mais qui reste au fond intemporel. Disons pour fixer les
idées qu'on n'est pas très loin de l'esprit d'un Motörhead, ça
n'a vraiment strictement rien à voir avec ce que faisait le groupe dans
sa fameuse trilogie inaudible. C'est d'ailleurs assez amusant de
constater qu'un groupe essentiellement connu pour avoir "lancé la mode"
du black pur et dur produit désormais à la chaîne des albums qui se
contrefichent complètement des modes actuelles. Mais ce qui est
intéressant, c'est que ces albums contiennent de la très bonne musique !
Quasiment aucun dans le lot (oui, je les ai maintenant tous écoutés) à
mettre de côté, beaucoup sont mêmes très bons, voire, comme celui-ci,
excellents. Certes, on retrouve une certaine monotonie à la fois dans
l'enchaînement des albums, et même au sein de ces mêmes albums, mais y a
pas à dire, les deux gusses savent créer du riff qui fonctionne et, à
partir de recettes très simples, composer de la musique réjouissante.
Que demander de plus ?