Mon avis personnel sur les disques de Cradle of Filth
- Cradle of Filth - Dusk... and her embrace (1996) ☆
Pour pouvoir écouter du Cradle of Filth, il faut déjà supporter
quelques-unes des particularités du groupe, à commencer par le style et
les thèmes abordés : un salmigondis érotico-gore (la pochette de leur
premier album Principle of evil made flesh donne le ton !!)
convoquant moult créatures malfaisantes réelles ou imaginaires, dont
l'aspect gothique est renforcé par l'utilisation peu subtile de claviers
opposés à un metal qui se veut extrême. Etant naturellement bon public,
tout ça m'amuse plutôt et serait en tout cas loin de me faire fuir. Mais
il y a un autre élément sur lequel je bloque totalement : le "chant" de
Dani Filth. Des criaillements suraigus qui cassent littéralement les
oreilles, c'est vraiment insupportable et ça gâcherait tout même si le
reste était inoubliable (ce qui n'est pas ailleurs pas vraiment le cas).
À la limite, je préfère encore leur premier album déjà cité ci-dessus où
ça piaille moins, même s'il souffre de défauts assez terribles lui aussi
(l'intro qui se veut grandiose jouée par un Clavinova bon marché, ça a
un côté "nanar" qui la rendrait presque sympathique). Là, désolé, mais
pour moi ce soi-disant classique est inaudible.
- Cradle of filth - Damnation and a day (2002) ★ ★ ★ ½
Ayant sauté quelques albums de la discographie du groupe, je me décide à
faire un nouveau compte-rendu pour cet album qui suit immédiatement un
Midian considéré par certains comme le meilleur album du groupe, et qui représente une sorte
d'apogée de la volonté de grandiloquence de Cradle of filth : en plus
des claviers, on a droit ici à un orchestre au grand complet, des
choeurs, divers types de chant (ouf, ça piaille beaucoup moins qu'avant
!), le tout pour servir une sorte d'opéra en quatre actes (séparés par
des pistes confiées uniquement à l'orchestre et au choeur) d'une durée
de 75 minutes. Sur le papier, ça en jette ! En pratique, on peut quand
même regretter que l'orchestre ne soit pas toujours exploité au mieux
(disons que si c'est pour mettre des tapis de cordes façon synthé géant,
l'intérêt est limité, et sur les pistes "classiques" l'orchestre se
contente souvent de ponctuations arrière-plan, il faut dire que c'est
souvent très dense niveau son, un peu plus d'équilibre et d'aérations
n'aurait pas nui), et qu'une partie des chansons s'étire sans que
l'inspiration le justifie (trop souvent, la batterie joue les
mitraillettes pour occuper le terrain...). Mais soyons honnête,
l'atmosphère créée est souvent réussie, et il y a quelques excellentes
pistes dans le lot : Better to reign bien pêchu, Doberman
pharaoh où l'orchestre contribue pour le coup à l'atmosphère
pseudo-orientalisante, ou encore Mannequin et ses drôles de
traits d'accordéon (?), le genre d'innovations qu'on aurait aimé
entendre beaucoup plus. En tout cas, pour quelqu'un comme moi qui suis a
priori fait pour écouter ce genre de truc, ça passe très bien.
- Cradle of filth - Nymphetamine (2004) ★ ★ ★
Pas d'orchestre cette fois-ci (mais des choeurs par-ci par-là quand
même), le groupe revient à une forme de sobriété toute relative (le
style reste le même !), mais on a tout de même droit à nos 70 minutes de
musique, à des ambiances fantastiques, et à des claviers dans tous les
sens (en fait, on ne sent pas tant que ça la différence avec l'album
précédent, ce qui prouve bien d'ailleurs que l'orchestre y était assez
superflu !). On retrouve aussi du chant plus souvent criard, ça pour le
coup on s'en serait bien passé. Mais ne crachons pas dans la soupe, la
première moitié de l'album fonctionne à nouveau très bien, c'est souvent
assez mélodique, les arrangements sont travaillés, c'est de la bonne
musique. Un peu moins de bons moments sur la deuxième moitié, même si la
tentation presque épique de Mother of abominations laisse
entrevoir d'autres possibilités intéressantes pour le groupe. En tout
cas, tout ça me convainc nettement plus que leurs premiers albums.
- Cradle of Filth - Thornography (2006) ★ ★ ★ ★
J'ai bien fait de continuer à explorer la discographie de Cradle of
Filth, puisque j'y trouve de plus en plus mon compte. Pourtant, le côté
gothique grandiloquent est à peu près complètement laissé de côté ici :
à part la piste inaugurale complètement cliché (on croirait de la
musique de mauvais film d'horreur, j'avoue que ça me plaît plutôt !) et
quelques touches orchestrales très discrètes, on se recentre ici sur un
metal qui n'a par ailleurs vraiment plus rien d'extrême. Très très peu
de piaillements dans le chant (il n'y a que Foetus of a new day
kicking qui retombe dans ces travers, Filth chante même en voix
claire par moments !), des structures simples, un côté mélodique
vraiment accentué, si on ne fait pas attention aux thèmes abordés, on
aura même du mal à croire qu'il s'agit d'un album de ce groupe. Mais le
plus surprenant dans tout ça, c'est qu'ils font ça fort bien ! Des
titres comme Dirge inferno ou Tonight in flames, ou
l'instrumental Rise of the pentagram sont très réussis, même le
plus bizarre The byronic man fonctionne parfaitement. Il y a bien
quelques détails à revoir (les voix trafiquées de I am the thorn
ou l'intro limite pop de Cemetery and sundown, là ça va un peu
trop loin dans l'easy listening), mais globalement ça s'écoute vraiment
tout seul. C'est sûrement pour ça d'ailleurs que les puristes
s'enfuieront en courant, mais moi j'aime beaucoup !
- Cradle of Filth - Godspeed and the devil's thunder (2008) ★ ★ ★ ½
J'avais beaucoup aimé Thornography car il s'éloignait franchement
des habitudes du groupe, mais ça n'a pas du être le cas de beaucoup de
fans, car Cradle fait ici un rétropédalage extrêmement manifeste ! Album
centré autour d'un personnage maléfique (ici Gilles de Rais, bien
évidemment versant Barbe-Bleue), claviers orchestraux omniprésents (et
même pas mal d'intervention de choeurs), introductions atmosphériques
avec récitant quasi systématiques, le groupe tombe même dans la
caricature complète (l'intro avec "cuivres" de Sweetest
maleficia, ou les voix d'enfants de Darkness incarnate, on ne
sait pas trop si on doit en rire ou pas !). Mais, et c'est pour moi ce
qui change tout, l'aspect très mélodique de l'album précédent se
retrouve ici, et ça c'est bien. On commence d'ailleurs très très fort
avec un excellent Shat out of hell (enfin non, bien sûr, il y a
d'abord une intro orchestrale aussi grandiloquente que son titre qui
devrait suffire à faire fuir ceux qui ne sont pas attirés par ce style,
et qui auront d'ailleurs bien raison), mais le Death of love qui
suit est encore pire, avec ses voix féminines aériennes qui auraient
plus leur place chez Nightwish. Non, franchement, l'album
gothico-romantique jusqu'à la nausée du groupe, ce n'est pas Dusk...
and her embrace, c'est celui-ci ! Aux frontières du kitsch et du
mauvais goût, on est en droit de détester, mais moi je suis très client.
Quelques mauvais points objectifs quand même : on a aussi un retour en
arrière niveau chant avec Filth qui piaille mochement sur quelques
titres (Tragic kingdom par exemple), et après les deux titres
énormes cités ci-dessus, on a tendance à retomber dans une espèce de
metal générique bien speed pas toujours très inspiré (la batterie
mitraillette en particulier). Mais franchement, j'ai passé un (enfin,
plusieurs maintenant) bon moment en écoutant cet album.
- Cradle of Filth - Darkly, darkly, Venus Aversa (2010) ★ ★
Pas grand chose de passionnant à dire sur cet opus, qui reprend à
nouveau les recettes classiques du groupe (album centré sur un
personnage, orchestre synthétique et choeurs présents sur à peu près
toutes les chansons, de la narration sur fond d'intro orchestrale à
intervalles réguliers, et un metal bien bien bourrin le reste du temps),
mais avec une conviction nettement moins claire que pour l'album
précédent. On sent une certaine routine ici, les chansons se ressemblent
(ou ressemblent trop à des choses déjà maintes fois entendues de la part
de Cradle), la batterie mitraille en permanence, tout ça est plutôt bien
fait mais au fond assez impersonnel. Tout de même, The persecution
song, avec son intro au piano, offre une belle respiration (c'est à
peu près le seul titre lent de l'album), et The nun with the astral
habit renouvelle un peu le catalogue de riffs. Heureusement quand
même qu'il y a les claviers pour créer les ambiances, sinon on
s'ennuierait vraiment.
- Cradle of Filth - The manticore and other horrors (2012) ★ ★
Encore un album mineur de la part de Cradle. On sent ici une ambition en
berne (à peine plus de 50 minutes de musique, pas de concept album
centré sur un personnage mais une sorte de fourre-tout un peu facile),
ce qui se traduit d'ailleurs au niveau de l'effectif du groupe qui a
bien diminué depuis la grande époque. Du coup, les arrangements
orchestraux prennent beaucoup de place, on entend presque plus les
synthés que le reste (faut bien qu'un instrument gère les lignes
mélodiques...). Pourquoi pas, mais niveau musique proprement dite, c'est
à nouveau assez impersonnel, pas mal fichu mais aucun titre qui
transcende le tout, c'est simplement bien fait et ça s'écoute bien, en
étant vite oublié ensuite. Notons quand même l'étonnante Sinfonia
conclusive, avec un piano très présent, pas forcément totalement
réussie, mais c'est une nouveauté intéressante de finir sur un titre
purement instrumental.
- Cradle of Filth - Hammer of the witches (2015) ★ ½
Je suis bien embêté avec ce nouvel album. Moi qui me plaignais que les
deux précédents étaient des opus mineurs et assez cheap dans la
discographie du groupe, je devrais me réjouir de voir un regain
d'ambition matérialisé par un gros changement de line-up (c'est fréquent
chez eux, mais là ça s'entend vraiment) avec deux nouveaux guitaristes
et un son beaucoup plus dense. On retrouve aussi plusieurs pistes
instrumentales qui sont d'ailleurs peut-être les meilleurs moments du
disque (The monstruous sabbat et sa harpe et son orchestration
que j'oserais presque qualifier de soignée). Mais le gros problème,
c'est qu'on retrouve aussi ici de gros défauts du groupe qui avaient un
peu disparu : Dani Filth se remet à piailler trop régulièrement, mais
surtout le son est trop dense (les claviers se sont un peu perdus pour
le coup) et la mélodie à peu près absente de la majorité des pistes. En
gros, on fait du bruit et on aligne les riffs sans âme, et on est
contents. Ben moi je le suis moins. Alors que, quand le groupe se décide
à se défaire un peu de ces stéréotypes, ça peut être très bien
(Blackest magic in practice). Mais c'est trop rare.
- Cradle of Filth - Cryptoriana, The seductiveness of decay (2017) ★ ½
Dernier album de Cradle à ce jour, et le constat sera le même que pour
le précédent. Certes, le groupe a réussi à recréer un line-up solide et
compétent, avec deux guitaristes qui font du bruit et assument la
majeure partie des lignes mélodiques, des interventions régulières des
choeurs et des claviers, un récitant et même une voix claire féminine
dont les interventions sont bienvenues (mais sa contribution est
malheureusement très sous-exploitée). Mais le problème, c'est que les
compositions se complaisent dans une routine peu inspirée et
terriblement redondante. La structure (ou plutôt l'absence de structure
d'ailleurs) est la même à chaque fois : intro censée poser l'ambiance
mais qui est systématiquement interrompue après quelques secondes par le
même cri suraigu de Dani Filth (dont le "chant" est à nouveau
insupportable), on enchaîne sur des riffs lambda de guitares sur fond de
blastbeat, et ça dure six ou sept minutes avec simplement quelques
breaks "gothiques" mal amenés pour rappeler qu'on a un orchestre et des
choeurs derrière. Comme le son est par ailleurs trop dense la plupart du
temps, ça ne peut qu'engendrer rapidement un ennui certain. Dommage car
certains éléments étaient intéressants (la voix féminine, le côté épique
d'un Death and the maiden, ou même la piste inaugurale
Exquisite torment awaits un peu plus originale que d'habitude),
mais l'ensemble tourne à vide.