Mon avis personnel sur les disques de Coroner
- Coroner - R.I.P. (1987) ★ ★
Dans le petit milieu du thrash, Coroner est un groupe culte, de ceux que
les connaisseurs pointus vont porter aux nues quand une majorité des
autres n'en ont tout bonnement jamais entendu parler. Un trio suisse qui
a pondu cinq albums au tournant des années 90, sans jamais vraiment
trouver son public (avec une maison de disque qui n'a apparemment
vraiment pas aidé) et qui a fini par jeter l'éponge. De fait, à
l'écoute, il s'agit d'une musique étonnante et pas franchement très
accessible. Déjà, il faut se farcir un son franchement daté (on entend à
peine la batterie, et même niveau guitares c'est souvent bien confus),
mais surtout les helvètes ont une vision très personnelle du thrash :
pas vraiment porté sur la violence, mais plutôt sur une surenchère
technique (ça va presque tout le temps super vite, et les solos sont
carrément démentiels) qui les fait régulièrement oublier les bases
habituelles d'un morceau de musique (riffs pas mélodiques pour deux sous
notamment, à part sur Reborn through hate). Mais à côté de ça,
ils font preuve d'une ouverture d'esprit assez étonnante au niveau des
influences (repompant allègrement The Four Horsemen sur la
chanson-titre, mais proposant à côté de ça une intro carrément
néobaroque à leur Totentanz). À titre tout à fait personnel, je
ne peux pas dire que je prenne énormément de plaisir à écouter le disque
(je n'ai jamais été un grand fan de metal technique), mais c'est une
tentative qui ne manque pas d'intérêt pour qui veut sortir des sentiers
battus.
- Coroner - Punishment for decadence (1988) ★
Je ne vais pas me faire des amis chez mes copains fans de Coroner, mais
ce deuxième album est dans la lignée du premier, en moins bien. On garde
le côté rapide et technique, on enlève le peu de motifs mélodiques ou de
variété stylistique qu'il pouvait y avoir dans R.I.P. (à part
The New breed qui explore des choses un peu différentes), et on
se complaît joyeusement dans le tricotage stérile (Shadow of a lost
dream) ou le bizarre pour le plaisir de faire bizarre (les
développements de Voyage to eternity). Le son n'est pas pire que
dans leur premier disque (mais ça reste encore trop étouffé pour être
vraiment lisible) mais, si ce dernier était intriguant, le nouveau venu
est simplement fatiguant.
- Coroner - No More color (1989) ★ ★ ★
M'y voilà donc rendu, à ce troisième album de Coroner qui représente
pour les fans du groupe une pierre marquante de l'histoire du thrash.
Indiscutablement, il y a de l'évolution par rapport aux deux premiers
opus : le son est meilleur (même si ça reste assez étouffé) mais surtout
il y a une nette accalmie aux niveau des tempi, en conservant toutefois
le côté technique alambiqué qui fait manifestement partie de l'adn du
groupe, et en retrouvant le côté inattendu et expérimental qui avait un
peu disparu dans leur second disque. C'est toujours étonnant, traversé
de moments improbables mais vraiment réussis (le break de No need to
be human, les quelques motifs orientaux de Mistress of
deception, et bien sûr l'ambiance étonnante de la dernière piste
Last entertainment, avec ses claviers et sa voix d'outre-tombe,
qui nous emmène vraiment sur une autre planète), et en même temps je
continue à ne trouver ça excellent que par à-coups, restant une part non
négligeable du temps sur le côté de la route. J'aime beaucoup Die by
my hand et son côté groovy, je reste perplexe devant D.O.A.
qui me semble partir dans tous les sens. Bref, sentiment mitigé (mais
globalement positif) devant un album qui m'attire indéniablement (avec à
peine plus d'une demi-heure de musique, j'ai eu le temps de l'écouter
quelques fois déjà) sans que je puisse le qualifier de réussite
évidente.
- Coroner - Mental vortex (1991) ★ ★ ½
Avec ce quatrième album, indiscutablement, Coroner a fixé son style une
fois pour toutes (il faut dire qu'ils ne sortiront plus qu'un seul
disque après celui-ci). Titres plus longs (mais toujours aussi peu
nombreux, sept si on ne compte pas la reprise finale), ambiances lourdes
(les tempi sont à nouveau beaucoup moins rapides que dans leurs deux
premiers albums) et riffing technique zébré de breaks presque
atmosphériques et de solis aériens, c'est du thrash de haute volée, très
bien fichu... mais qui ne me fait guère d'effet. Il me manque vraiment
quelque chose de plus chantant dans les motifs, ou même d'accrocheur, je
suis tout ça avec un intérêt certain mais sans jamais être vraiment
emballé. D'ailleurs, le seul titre qui me donne immédiatement envie de
le réécouter en boucle, c'est I want you, reprise géniale des
Beatles (dont je suis pourtant très peu fan en général) qui conclut de
façon improbable l'album. Je ne peux pas pour autant dire que c'est un
mauvais album, loin de là, et je l'ai même écouté plusieurs fois sans
déplaisir, mais je ne suis manifestement pas plus réceptif que ça à la
musique de Coroner. Finalement, je préférais l'album précédent, moins
parfait mais aussi moins prévisible et monotone.
- Coroner - Grin (1993) ★
Voilà, ça y est, seulement six ans après son premier album, Coroner en
sort un cinquième qui sera son testament musical avant séparation. Et
pour l'occasion, le groupe fait les choses en grand, proposant ici une
sorte de version extrême et particulièrement austère du style développé
sur son album précédent. On est bien loin désormais du thrash rapide et
très technique des débuts : titres longs au tempo quasiment
systématiquement très retenu, riffs lancinants extrêmement répétés,
batterie minimaliste hyper linéaire (personnellement je la trouve assez
insupportable), beaucoup de samples et autres bidouillages électroniques
pour renforcer une ambiance assez malsaine (Caveat notamment est
un sommet de bizarrerie), et même deux pistes de didgeridoo qui ont de
quoi laisser perplexe. Je n'ai été emballé par aucun des albums de
Coroner, mais là ils m'ont clairement largué. En deux mots comme en
cent, je n'ennuie sévèrement à l'écoute de ce disque franchement
étrange, et les longs solos aériens ne suffisent pas à m'extirper de ma
torpeur. Un gros coup d'épée dans l'eau en ce qui me concerne, même si
les ambiances proto-indus proposées ne sont pas pour me déplaire. Encore
aurait-il fallu les habiller d'une musique un peu plus avenante.