Mon avis personnel sur les disques de Bathory
- Bathory - Bathory (1984) ★ ★ ★
Continuons donc notre petit tour d'horizon des sources du metal extrême
en commençant aujourd'hui une nouvelle série consacrée à un "groupe"
culte souvent cité comme précurseur du black metal (oui, encore un).
Pourquoi groupe entre guillemets ? Parce qu'il s'agit avant tout du
délire d'un seul homme, qui se faisait appeler Quorthon et qui avait à
peine 20 ans quand il décida de se mettre à enregistrer des disques.
Mais voilà, il y avait quelques problèmes à régler. Quorthon n'avait pas
d'amis pour faire un groupe, alors il a enregistré la plupart de ses
productions tout seul, en gérant tous les instruments lui-même (bon, pas
sur ce premier disque certes, mais ce sera le cas des suivants). Et
puis, Quorthon ne sait pas chanter. Aucune importance, il chantera quand
même, c'est du metal, personne s'en rendra compte. Enfin, il n'a pas les
moyens de faire un disque correct, alors il enregistre dans son garage
avec un son dégueulasse. Cet amateurisme total couplé à une voix pour le
moins particulière fera dire à certains que Quorthon a inventé le metal
extrême, alors qu'à l'écoute on a juste l'impression que c'est
franchement involontaire... Bon, certes, la suite de la discographie du
groupe montrera qu'il y avait vraiment chez lui une capacité à innover,
mais ici, on a droit à une espèce de thrash speed à la sauce
Motörhead plutôt dans l'air du temps. Le plus étonnant dans tout
ça restant quand même que l'album est loin d'être une bouse totale. Le
son est infect, les chansons très répétitives et courtes (en tout, si on
vire l'intro sans intérêt, on a même pas 25 minutes de musique), c'est
donc très mal chanté, mais il y a une sorte de science innée du riff qui
rend le tout très entraînant, ça passe vraiment tout seul (bon, la durée
aide aussi, certes). Basique, mais assez redoutablement efficace...
- Bathory - The return... (1985) ☆
Avec ce deuxième album, on comprend nettement mieux pourquoi Bathory est
considéré comme un des principaux groupes ayant influencé l'émergence du
black metal : son complètement ignoble (mais c'était déjà le cas du
premier disque éponyme), mais surtout un chant outré qui vire au simili
guttural par moments (le refrain de Born for burning est assez
hilarant), qui est trafiqué de façon grotesque à d'autres (sur Reap
of evil notamment), et une ambiance qui se veut nettement plus
"diabolique" également. C'est parfois presque réussi (l'intro
Revelation of doom plutôt convaincante, The Return of darkness
of evil a une atmosphère intéressante), mais la plupart du temps, on
a juste un vague fond musical à peine audible tant il est noyé sous les
grésillements, c'est absolument nul. En fait, Quorthon était
effectivement très en avance sur son temps, déjà capable en 1985 de
produire de la merde digne des albums d'Emperor (oui, je les aime
bien eux, c'est pour ça que je les cite souvent).
- Bathory - Under the sign of the black mark (1987) ☆
Je ne m'étendrai pas très longtemps sur ce troisième opus de Bathory,
qui est la suite directe du précédent. Pour être tout à fait honnête,
c'est un peu plus varié et donc intéressant (présence audible de
claviers par moments, citation de la marche funèbre de Chopin dans
Call from the grave, et des tempi et ambiances vraiment
différents d'un titre à l'autre), mais comme on entend à peu près rien
(particulièrement sur les titres rapides du genre Massacre, qui
porte fort bien son nom tant c'est de la bouillie sonore), ça a le même
intérêt proche du néant absolu pour l'auditeur. Je n'arrêterai toutefois
pas mon exploration de la discographie de Bathory car le style va
nettement évoluer sur les albums suivants (heureusement).
- Bathory - Blood fire death (1988) ★ ★
Déjà lassé de faire du proto black inaudible après deux tentatives et
demie dans le style, notre ami suédois va donc se lancer à partir de ce
quatrième album dans une direction qui donnera naissance à ce qu'on
appelle aujourd'hui "viking metal" et qui ne regroupe rien de très clair
si ce n'est qu'il y est question de vikings (sans blague). En tout cas,
l'introduction Open ride over Norland donne le ton épique de ce
nouveau disque, avec même de vrais hennissements de chevaux en prime.
C'est plutôt pas mal, surtout que c'est enchaîné avec un A fine day
to die ambitieux et lui aussi épique à souhait (intro avec arpèges
de guitare acoustique, choeurs en fond, même le son est moins mauvais
qu'auparavant même s'il reste médiocre, reste quand même le chant
minable de Quorthon pour rassurer le fan de la première heure). Et
puis... eh ben, sans raison apparente, avant de revenir pour la
chanson-titre finale (la meilleure de l'album) à ce style épique et
franchement intéressant, on a droit à du remplissage en mode
pseudo-thrash bourrin aux influences trop évidentes (Dies irae
sent fort son Fight fire with fire) et à l'intérêt extrêmement
limité qui laisse franchement perplexe. Un bon demi-album, c'est
toujours mieux que rien, mais le projet n'est clairement pas encore
abouti.
- Bathory - Hammerheart (1990) ★ ★ ★ ★
Si l'album précédent de Bathory était encore un hybride assez étrange
entre thrash poussif et épopée viking, celui-ci assume pleinement :
c'est épique de bout en bout, avec des choeurs viking en veux-tu en
voilà, et une dose assez élevée de bruitages "on va vous mettre dans
l'ambiance" (les bruits de vagues qui ouvrent le disque, les ajouts
"ambiance village viking" au début de Father to son, les mouettes
sur la piste finale). Et, il faut bien l'avouer, l'ambiance est de fait
vraiment prenante tout au long du disque. Les chansons sont pour la
plupart longues et travaillées (seulement sept pistes si on oublie les
Winds of mayhem qui servent de clôture à tous les albums du
groupe), et réussissent à nous entraîner dans le sillage de ces
guerriers sanguinaires qui n'étaient pas encore à l'époque devenus un
cliché dans le monde du metal. Les deux premières pistes, Shore in
flames et Valhalla, et la dernière, One rode to Asa
bay (malgré la guimbarde introductive qui casse un peu les
oreilles), sont particulièrement réussies. Le coup de moins bien en
milieu d'album est d'ailleurs surtout du au chant toujours aussi mauvais
de Quorthon (sur Song to hall up, c'est rédhibitoire, et sur
Home of once brave, la structure est trop basique pour que ce ne
soit pas gênant). Au niveau des défauts, on a bien sûr encore une
production, euh, médiocre (quand il y a des tentatives de solos de
guitare on n'entend pas les notes), mais ça reste nettement plus
acceptable que sur les albums proto black du groupe, et quelque part, ça
contribue aussi au cachet assez inimitable de cet album qui reste une
réelle réussite.
- Bathory - Twilight of the gods (1991) ★ ★ ★ ½
Avec un tel titre et la pochette qui l'accompagne, aucun doute, Bathory
va encore nous convier à un voyage dans le temps à la recherche de ses
ancêtres vikings. De fait, cet album est dans la droite lignée du
précédent, même si Quorthon en fait peut-être encore plus (les passages
déclamés, notamment sur Through blood by thunder, sont à la
limite du pompeux, l'ambiance quasiment fantasy de To enter your
mountain assez kitsch). On est souvent à la frontière du mauvais
goût, mais la qualité des ambiances recrées suffit à se laisser prendre
une nouvelle fois (la chanson titre qui ouvre le disque, avec ses
choeurs en fond, ou Blood and iron et son côté folk, c'est
vraiment réussi). Du moins jusqu'à la dernière piste, un dérapage
incontrôlé qui est vraiment de trop (quelle idée d'avoir vouloir chanter
sur le Jupiter de Holst, qui a du bien se retourner dans sa tombe). Mais
l'ensemble garde un charme certain.
- Bathory - Requiem (1994) ★
Dans la discographie de Bathory, les albums vont par groupes de trois,
ensuite manifestement Quorthon se lasse et passe à autre chose. Après
donc une deuxième trilogie axée vikings, il aura fallu attendre trois
ans avant que le groupe ne ressorte un disque, et il n'a strictement
rien à voir avec les précédents. À la limite, on serait plus proche de
l'album éponyme de 1984 puisqu'on nous propose ici un thrash extrêmement
primaire (riffs basiques simplement répétés tout le long des morceaux,
et accessoirement des pistes qui se ressemblent toutes), avec une
production qui, si elle n'est pas aussi atroce que celle des albums de
la période proto black, est quand même pour le moins spéciale (batterie
hyper mate, basse absurdement surmixée). Bon, l'espace de quelques
minutes, ça donne un cachet étonnant à l'ensemble (le début de la piste
titre est intriguant), mais on s'en lasse quand même largement avant
d'avoir fini la première écoute. Et comme par ailleurs Quorthon n'a
toujours pas pris de leçons de chant, il devient vite difficile de ne
pas décrocher, d'autant plus qu'ici le côté novateur habituel du groupe
n'est pas du tout présent (sur le fond, on a droit à du
sous-Metallica matiné de Slayer, quantité de groupes ont
fait bien mieux dans le genre avant Bathory). En fait, on se demande
pourquoi Bathory s'est lancé dans cette nouvelle aventure qui ne semble
pas pouvoir intéresser grand monde.
- Bathory - Octagon (1995) ☆
Le précédent disque de Bathory était insignifiant et mauvais, celui-ci
est nettement pire. On reste dans le thrash bas de plafond déjà à
l'oeuvre sur Requiem (hyper répétitif et peu inspiré), mais en
plus de ça, le groupe semble prendre un malin plaisir à proposer un son
désagréable (non, ce n'est pas le son dégueulasse des premiers albums,
mais une production qui semble accentuer volontairement un côté brut
grésillant qui donne vraiment envie d'arrêter le disque après les
premières secondes). Du coup, il faut un certain masochisme pour aller
jusqu'au bout de la dizaine de chansons proposées, dont pas une seule ne
dépasse le stade du potable (Century est à peu près sauvable).
Quorthon chante pourtant un peu moins mal que d'habitude, mais ça ne
suffit vraiment pas. Ah, si on veut se donner un dernier espoir, on peut
aller jeter un oeil aux paroles... et on sera encore plus atterré !
- Bathory - Blood on ice (1996) ★ ★ ★
Quorthon a triché ! Cet album est certes sorti en 1996, juste après les
deux bouses thrash récemment chroniquées par votre serviteur, mais il
est en fait constitué de matériel datant de plusieurs années auparavant,
et constituant donc un quatrième acte de la "trilogie viking" du groupe.
Ou plutôt un deuxième acte d'ailleurs puisque les morceaux ont été
écrits avant Hammerheart. Du coup, sans surprise, on retrouve des
atmosphères épiques (The Sword, entre autres), des bruitages
rigolos mais anecdotiques (l'intro est franchement grotesque avec ses
bêlements de chèvre), quelques passages acoustiques voire franchement
teintés folk (Man of iron, pas terrible), et des choeurs en fond
pour ajouter à l'ambiance (très présents sur The Woodwoman
notamment). L'ensemble est censé être un concept album dont je n'ai pas
cherché à saisir l'histoire, mais ça s'écoute sans aucune difficulté,
malgré le chant toujours approximatif, et on passe un agréable moment
même si l'ensemble reste un cran en-dessous des deux disques qui l'ont
moralement suivi. Infiniment mieux que les deux bouses sorties juste
avant, en tout cas.
- Bathory - Destroyer of worlds (2001) ★ ½
Ce dixième album de Bathory vient moralement juste après les deux bouses
thrash pondues au milieu des années 90. Et pourtant, un certain esprit
viking fait son retour, avec notamment des choeurs bien présents... sur
les trois premières pistes (dont une Ode qui restera le sommet du
disque, avec un riff bien fichu et une ambiance épique qui fonctionne).
Ensuite, Quorthon semble regretter de ne plus faire de la musique de
merde, et retourne se vautrer dans un thrash bien trop limité et mal
chanté pour intéresser. Seule nouveauté dont on se serait bien passés,
l'ajout de bruitages ridicules sur certains titres (Sudden death
avec son ambiance de stade en délire, on tombe très bas), qui ne suffit
pas à faire respirer un album qui semble durer une éternité (alors qu'il
ne totalise pas beaucoup plus qu'une heure de musique). Alors qu'on
perdait tout espoir, la fin de White bones part toutefois
complètement dans le décor, avec un break planant et un retour des
choeurs fort inattendu. Et c'est enchaîné avec un Day of wrath
reprenant le Dies Irae à la sauce viking, ça laisse perplexe. À l'image
finalement d'un album qui, malgré un début réussi, n'a ensuite pas su
choisir la bonne voie.
- Bathory - Nordland I (2002) ★ ★
Cette fois-ci, Quorthon a vraiment compris. Fini les tentations thrash,
pour ses dernières livraisons (le pluriel est peut-être de trop
puisqu'il s'agit plutôt d'un dernier album en deux parties), il revient
à du viking pur et dur, avec hymnes épiques à gogo, choeurs très
présents, et pas mal de passages acoustiques folklorisants avec
bruitages plus ou moins inspirés en fond (le début de Foreverdark
woods, avec guimbarde et chevaux galopants, vaut son pesant de
cacahuètes, même s'il s'agit en fait d'un titre plutôt sympathique et
efficace). J'étais tout prêt à me laisser embarquer une fois de plus,
mais le problème, c'est qu'après une intro qui se veut majestueuse mais
qui en pratique est lagèrement plombée par les claviers cheap qui ont
servi à l'enregistrer, on constate très vite que Quorthon tout seul pour
tout jouer, ça va vite se transformer en concours de médiocrité en
termes de qualité sonore (les guitares de la chanson titre sont
franchement crispantes, et Broken sword est une bouillie
quasiment inaudible). Comme bien entendu le chant navigue comme
d'habitude entre le mauvais et le ridicule (Great hall awaits fallen
brothers, avec un titre pareil, on peut légitimement donner un
carton rouge aux lignes vocales dignes d'un mauvais anime japonais),
l'album est finalement assez décevant. Il y a pourtant de bonnes choses,
les choeurs de Winterblot, l'introduction mélancolique de Ring
of gold, un Mother earth father thunder qui convainc dans un
style grandiloquent assumé, mais l'ensemble reste loin de valoir les
premiers albums du genre proposés par Quorthon près de quinze ans
auparavant.
- Bathory - Nordland II (2003) ★ ★ ½
Avant de disparaître à un âge bien peu avancé, Quorthon aura eu le temps
de sortir un deuxième volet de son projet Nordland. Ceux qui espéraient
un album innovant et inspiré en seront pour leurs frais, on a à nouveau
droit à une épopée viking avec longs hymnes épiques (on dépasse parfois
les 10 minutes, ce qui me semble assez inutilement étiré), des bruitages
qui tournent en rond (oh, du galop de cheval, ouh des beaux bruits de
vagues !), des choeurs quasiment en permanence, on nage dans le cliché
le plus évident, et ce qui était révolutionnaire quand Bathory a sorti
son premier album du genre ne peut plus l'être en 2003. Pire, les rares
tentatives de changement d'ambiance tombent complètement à plat (le
début de Death and resurrection of a northern star, bourrin et
peu audible). Et pourtant, malgré tout le mal que je viens d'en dire,
pris isolément de tout contexte et comparaison à ses prédécesseurs, ce
disque est dans l'ensemble agréable à écouter (un peu plus que le
premier volet de Nordland), les mélodies sont efficaces, Quorthon a
toujours un certain talent de créateur d'atmosphères, on se laisse
volontiers embarquer une dernière fois dans un voyage qui conclut
finalement de manière honorable une carrière de toute façon extrêmement
inhomogène.