Mon avis personnel sur les disques d'Ayreon
- Ayreon - The Final experiment (1995) ★ ★ ★ ★
Au beau milieu des années 90, Arjen Anthony Lucassen, jusque-là
guitariste (mais il joue de plein d'autres instruments) dans un obscur
groupe néerlandais, décide de se lancer dans la composition d'opéras
metal (enfin, ils sont qualifiés ainsi, mais c'est plutôt quelque part
entre le rock et le metal) sur des sujets mêlant science-fiction et
fantasy. Projet ambitieux qui aurait fort bien pu rapidement tourner en
eau de boudin, mais le premier disque issu de cette expérience est assez
fascinant : quoique bourré de défauts évidents, il donne
irrésistiblement envie de le réécouter en boucle. Pourtant, le concept
opératique y est géré de façon franchement maladroite : le scenario
n'est pas inintéressant (un barde aveugle vivant à l'époque du roi
Arthur reçoit des messages télépathiques du futur l'informant de la
destruction imminente de la Terre) mais on a juste droit à une
succession de chansons rock aux textes assez nébuleux, chantées par
différents artistes souvent censés interpréter le même personnage
central (le barde Ayreon qui donnera son nom au groupe), et dont les
typologies vocales ne collent à mon sens pas du tout aux ambiances
souhaitées (il y en a même un dans le lot, celui qui officie sur
Merlin's will qui est absolument désastreux et force en
permanence, on est encore loin des castings vocaux réunissant la fine
fleur du metal que Lucassen arrivera à convoquer pour ses oeuvres
ultérieures). C'est peut-être plus clair avec le livret du disque sous
les yeux, mais sans c'est assez confus. Et tout ça est agrémenté de
choeurs féminins virant parfois au niais, et surtout de tonnes de
claviers datés et de bruitages électro qui font franchement douter que
le disque n'ait pas été enregistré il y a cinquante ans. Mais en fait
non, ce n'est pas possible, le refrain de Eyes of time sonne
vraiment trop "générique de dessin animé des années 90" pour avoir été
pondu avant ! Bref, c'est ultra kitsch, assez indéfendable, et pourtant
je marche à fond, tout simplement car la musique, elle, arrive à percer
sous les bzoui bzoui et qu'elle est très souvent excellente, des
fanfares épiques du prologue ou du très énergique Sail away to
Avalon (fanfares synthétiques, hein, ça va de soi) au clavecin de
Ye courtyard minstrel boy (ben oui, on est au Moyen-Âge quand
même !), en passant par les ambiances plus planantes de The
Awareness, c'est varié, jamais ennuyeux, et tout simplement très
prenant. Je craignais avant de me lancer sérieusement dans l'aventure
Ayreon d'aimer le concept mais de bloquer sur la musique, et en fait
c'est exactement le contraire qui s'est produit : vraiment pas convaincu
par le concept, mais c'est totalement sauvé par le contenu musical.
- Ayreon - Actual fantasy revisited (1996) ★ ½
Commençons par une explication de texte concernant le 'revisited' du
titre : après le succès inattendu de The Final experiment, sa
maison de disque tanne Lucassen pour qu'il sorte le plus vite possible
un second album, et ce dernier s'exécute en faisant avec les moyens du
bord, et notamment sans batteur compétent (il est certes
multi-instrumentiste mais il ne peut pas tout faire non plus). Peu
satisfait du résultat, il réenregistrera le disque quelques années plus
tard pour lui donner un meilleur son, et c'est donc cette version que
j'ai écoutée. Soyons honnêtes, ça ne change probablement pas grand
chose, car le mal est plus profond que ça : pas d'histoire fouillée ici
mais une succession de titres indépendants évoquant quelques films ayant
marqué Lucassen, mais surtout une musique assez quelconque complètement
bouffée par des claviers et des bruitages électroniques omniprésents (là
on est quand même assez loin du metal). Tout n'est pas à jeter malgré
tout, avec de beaux passages instrumentaux sur The Stranger from
within ou Computer eyes, mais on est trop souvent dans une
sorte d'ambiance électro pop qui frise le gnangnan (Farside of the
world...). Un net recul évident par rapport à la première tentative
du groupe, mais ce disque doit-il vraiment être intégré au projet Ayreon
?
- Ayreon - Into the electric castle (1998) ★ ★ ★ ★ ½
Les fans considérent que les choses sérieuses ont vraiment commencé pour
Ayreon avec ce troisième opus, et il n'ont pas tort, dans la mesure où
une partie des caractéristiques principales du groupe font en effet leur
apparition ici. Pour la première fois donc, on a droit non pas à un mais
à deux CD représentant une centaine de minutes de musique, et surtout à
un superbe casting vocal (Anneke van Giersbergen, Damian Wilson, Fish,
entre autres), même si on atteint pas encore les sommets des albums
ultérieurs. En fait, l'appellation "opéra" n'a jamais été autant
justifiée qu'ici (et probablement qu'après, vu ce que j'ai pu apercevoir
de la construction des albums suivants) puisque l'album nous conte le
périple de huit personnages issus de diverses périodes de l'histoire de
l'humanité et confrontés, dans le mystérieux château électrique du
titre, situé dans un espace-temps peu identifiable, à une expérience
étrange centrée sur les émotions et proposée par un drôle de personnage
futuriste. Chacun des protagonistes est une sorte de prototype (un
barbare légèrement borné, un hippie qui plane sévèrement...) facilement
identifié par la signature vocale de son interprète (il y a beaucoup de
dialogues et d'interactions entre eux). C'est à la fois malin et un peu
piégeux dans la mesure où ça en enferme certains dans un carcan un poil
pénible (la voix noyée de réverbération artificielle du hippie
notamment, il n'aime pas s'entendre chanter le père Lucassen ?). Mais si
on accepte le salmigondis philosophico-futuriste qui sert de scénario et
qu'on n'est pas allergique aux sonorités électroniques (encore beaucoup
de claviers évidemment mais aussi des bruitages bien kitsch par moments,
même s'il y a un clair progrès de ce point de vue), ça se suit de façon
assez fluide et même agréable. Je suis d'ailleurs persuadé que,
représenté en live avec un peu de mise en scène, ce serait vraiment une
expérience extraordinaire.
Mais venons-en quand même au principal, c'est-à-dire à la musique. Je
dois avouer avoir mis un peu de temps à vraiment rentrer dans le style
proposé, qui est quand même souvent centré sur de longues plages
narratives ou instrumentales, avec beaucoup de dialogues entre
personnages ou des introductions du maître du jeu qui peuvent lasser à
la longue. J'aurais franchement préféré que Lucassen laisse un peu plus
de place à de véritables échappées laissant les chanteurs s'exprimer au
maximum, comme peut l'être la superbe Valley of the queens. Sans
surprise aussi, j'aurais préféré plus de passages musclés comme le
génial The Two gates ou la deuxième moitié de Across the
rainbow bridge. Ils sont assez peu présents ici tout simplement car
le style musical de base de Lucassen reste un rock "spatial" un peu
sophistiqué qui laisse souvent la place principale aux claviers. Mais
même quand ce n'est pas a priori ce qu'on préfère, comme moi, difficile
de résister aux mélodies et aux ambiances proposées, qui sont tellement
bien travaillées qu'on finit par y succomber, même sur les titres qui
traînent un poil en longueur (Isis and Osiris ou The Garden of
emotions, c'est quand même très très bon). D'ailleurs, ça ne trompe
pas, plus on écoute l'album et plus on a envie de se le remettre encore
et encore dans les oreilles. Je ne pensais pas arriver à cette
conclusion après ma première écoute, mais il s'agit vraiment d'une
oeuvre à la hauteur de son ambition. Je me réserve tout de même le droit
d'enlever un petit demi-point pour les quelques critiques émises en
cours de route.
- Ayreon - Universal Migrator (2000) ★ ★ ★ ★ ★
Devenu un compositeur respecté dans le monde du (metal) prog après
Into the electric castle, Arjen Lucassen a toute la liberté de
produire un nouveau double album ambitieux, avec un casting vocal
impressionnant qui réunit à la fois des grands noms du prog (Neal Morse,
Russell Allen) et du power/speed mélodique (Fabio Lione, Andi Deris), en
passant par la légende Bruce Dickinson (et bien d'autres, je ne vais pas
citer tout le monde !). Pourtant, peut-être par peur de se planter,
Lucassen revient à une structure plus classique et moins opératique pour
nous conter cette nouvelle histoire (celle du dernier colon martien qui,
sur le point de mourir, se lance dans un voyage virtuel à différentes
périodes de l'histoire de l'humanité, avant de carrément remonter au big
bang et démarrer une exploration cosmique à travers trous noirs et
autres quasars), réservant en gros une chanson à chacune de ses stars.
Au moment de la sortie de l'album, il va même jusqu'à séparer son oeuvre
en deux disques distincts, le premier (le voyage temporel) clairement
orienté prog et le deuxième (l'odyssée cosmique) nettement plus heavy.
Précautions franchement inutiles tant on est éclaboussés par la classe
de l'album du début à la fin. D'ailleurs, moi qui fais a priori
totalement partie des auditeurs qui auraient naturellement privilégié le
deuxième disque, je lui préfère en fait le premier, qui aligne notamment
dans sa première moitié les tubes d'une qualité impressionnante. Il faut
pourtant encore une fois apprécier les sonorités de clavier un peu
kitschouilles et les références datées (on commence en gros par du Pink
Floyd pour terminer avec les Beatles), mais comment résister à l'émotion
énorme qui se dégage du chant grave de My house on Mars pour ne
plus nous lâcher pendant un bon moment (l'atmosphère reste très
dépressive sur 2084 et One small step). Je pourrais citer
quasiment toutes les pistes du premier CD parmi les grandes réussites,
seule peut-être Temple of the cat et son ambiance étrangement
optimiste semble un peu hors de propos. Le deuxième disque est moins
impressionnant, se reposant probablement plus sur ses chanteurs (Allen
et Dickinson notamment ont droit à des morceaux de choix), mais ça reste
très bien construit et inspiré mélodiquement. C'est bien simple, on ne
s'ennuie pas une seconde sur les 2H15 que dure tout de même cet
extraordinaire voyage, et cette fois-ci j'ai été absolument bluffé dès
ma première écoute. J'avais déjà été très largement convaincu par
l'album précédent d'Ayreon, cette fois-ci le doute n'est plus permis, je
suis devenu fan !
- Ayreon - The Human equation (2004) ★ ★ ★ ½
Après une montée en puissance impressionnante dans les deux albums
précédents, Arjen Lucassen allait-il pouvoir faire encore mieux avec ce
projet (un double album comme d'habitude) qui laisse pour une fois un
peu de côté les délires de SF mystique pour illustrer les états d'âme
d'un homme plongé dans le coma suite à un accident de voiture, et qui
échange avec ses émotions (personnifiées chacune par un(e) chanteur(se))
sous le regard inquiet de sa femme et de son meilleur pote ? Au niveau
du casting vocal, en tout cas, pas de baisse de régime, c'est toujours
aussi impressionnant. Pas sûr par contre que le changement d'univers du
scénario soit bienvenu dans la mesure où Lucassen aligne benoîtement les
clichés les plus attendus (et puis bon, c'est con mais les émotions
personnifiées ça me met immédiatement en tête des images du Vice-Versa
de Pixar...), jusqu'à une pirouette finale franchement minable pour
recoller la chose aux autres disques d'Ayreon. Mais ça permet au moins
de proposer naturellement beaucoup d'interactions entre les chanteurs,
on est de ce point de vue vraiment dans la lignée de Into the
electric castle, avec lequel cette équation humaine partage
d'ailleurs quelques défauts : des longueurs par moments (le deuxième CD
est à mon sens vraiment moins bon que le premier, où Lucassen arrive une
nouvelle fois à créer de belles ambiances douces amères, sur
Childhood par exemple), et surtout un manque assez net de moments
vraiment emballants. C'est globalement bon, toujours très maîtrisé, mais
même au sein des titres plus réussis (Trauma est peut-être mon
préféré), il y a un refrain qui s'intègre mal (pourquoi diable avoir
laissé Devin Townsend composer ses propres lignes vocales, sur
School notamment ça déboule comme un cheveu sur la soupe, c'est
assez pénible), un solo de clavier pas franchement inspiré, ou un
passage aux influences folk incongru (beaucoup d'utilisation de la flûte
ou du violoncelle, en soi ça ne peut pas me déplaire, mais on se demande
parfois franchement où ça veut en venir, comme dans l'improbable gigue
irlandaise introduite au didgeridoo qu'est Loser, manifestement
voulue comme le temps fort du dernier quart de l'album mais qui ne me
convainc absolument pas). Pas suffisant pour gâcher complètement le
plaisir de ce qui reste un (très) bon disque, mais il vaut quand même
mieux éviter de trop le comparer aux deux précédents sous peine d'être
déçu.
- Ayreon - 01011001 (2010) ★ ★ ★ ★ ½
Le sixième album de la discographie d'Ayreon, qui se recentre sur une
histoire de SF en lien direct avec celles contées dans les premiers
disques du groupe (on a droit ici à l'histoire d'une race
d'extra-terrestres bouffée par la technologie, qui est à l'origine de
l'extinction des dinosaures et de l'apparition des humains sur Terre,
c'est bien n'importe quoi mais les thèmes abordés sont intéressants),
est une sorte de quintessence du style Ayreon. Cent minutes de musique
(avec une majorité de titres longs), un casting vocal stellaire, et
toujours cette musique très travaillée, aux influences diverses mais
bien digérées (les teintes folk sont nettement mieux intégrées que dans
l'album précédent), aux atmosphères souvent dépressives qui vous
prennent immédiatement (le superbe Comatose). Le voyage est long,
certes, peut-être même un peu trop (encore une fois je trouve le
deuxième CD moins inspiré que le premier, The Fifth extinction
notamment est un peu trop décousu), et quelques titres semblent
légèrement hors de propos (en premier lieu le Web of lies qui
conclut la première partie, espèce de niaiserie mielleuse qui est plutôt
réussie si on supporte le genre mais qui ne semble même pas cohérente
d'un point de vue narratif), mais on embarque quand même avec bonheur
tant les chansons réussies, voire excellentes, sont nombreuses (Age
of shadows, Liquid eternity, Ride the comet, The
Truth is in there). Y a pas à dire, même s'il ne se renouvelle pas
énormément, Lucassen maîtrise vraiment complètement son sujet sur cet
album, presque aussi impressionnant que le sommet que reste pour moi
The Universal migrator.
- Ayreon - The theory of everything (2013) ★ ★ ★ ★
Après avoir laissé de côté Ayreon pendant quelques années, Arjen
Lucassen revient à son projet phare pour nous raconter l'histoire d'un
génie scientifique sans lien direct avec celles des albums précédents
(on est plus proche de The Human equation de ce point de vue).
Mais surtout, il recentre un peu son projet par rapport aux délires SF
pharaoniques dont 01011001 était en quelque sorte l'apogée.
Seulement sept chanteurs cette fois-ci, mais c'est un peu compensé par
une galerie d'invités prestigieux... du côté instrumental. Plusieurs
claviéristes, mais aussi violon, violoncelle et flûtes sont de la
partie, et ça sent à l'écoute du (double) album, qui propose
régulièrement d'assez longues coupures purement instrumentales, les
lignes de chant étant par ailleurs assez peu mélodiques dans l'ensemble
(on est revenu à un côté très "récitatif dialogué"). C'est également
cohérent avec la structure de l'ensemble : pas de chansons vraiment
identifiables, mais un long flot de musique séparé en quatre longues
parties (une vingtaine de minutes chacune). Bref, le côté prog a
vraiment été renforcé, mais ça ne me dérange pas, dans la mesure où ça
reste musicalement très convaincant, avec des moments forts vraiment
mémorables (la piste-titre, reprise trois fois avec une instrumentation
différente, les cordes de Side effects, le très beau
Progressive waves), des ambiances bien dépressives comme
d'habitude, Lucassen n'a pas perdu la main, même si je trouve tout de
même que ça s'essouffle assez nettement sur la dernière partie. Pas
totalement convaincu non plus par les quelques influences orientales
audibles par moments (sur The teacher's discovery notamment),
sans lien aucun avec l'histoire racontée. À propos de l'histoire
d'ailleurs, ce n'est pas encore cette fois-ci que je serai impressionné
par les talents de scénariste de Lucassen, on nage une nouvelle fois
dans un océan de clichés (m'enfin c'est pas pire que sur The Human
equation, certes), avec certains personnages vraiment caricaturaux au
possible (le rival et la fille, ouille ouille). Heureusement qu'ils sont
comme d'habitude fort bien interprétés, avec tout de même un bémol pour
le choix du vocaliste jouant le père (c'est pas qu'il soit mauvais, mais
je trouve que son timbre fait presque plus juvénile que celui de son
fils, c'est perturbant). Malgré ces quelques réserves, c'est encore une
bien belle oeuvre que nous propose Ayreon, probablement plus austère et
donc un peu plus difficile d'accès, mais qui se révèle quand on fait
l'effort de l'appréhender dans sa continuité. À ce sujet d'ailleurs,
évitez absolument d'écouter cet album en version "42 pistes" si vous
avez un matériel qui vous crée des coupures entre les pistes, c'est
insupportable !
- Ayreon - The Source (2017) ★ ★ ★
Alors que l'album précédent semblait lancer le groupe dans une direction
nouvelle, Arjen Lucassen n'a pas pu s'empêcher de revenir une fois de
plus en terrain connu avec celui-ci, qui est une sorte de préquelle à la
saga racontée de science-fiction qu'il a maintenant démarrée depuis une
bonne vingtaine d'années. Et pourquoi pas après tout, si la musique est
à la hauteur de celle de 01011001, dont l'histoire prolonge
naturellement celle de The Source. Sauf que, soyons honnêtes, ce n'est
pas vraiment le cas. En fait, peut-être pour la première fois depuis la
création du groupe, on a l'impression qu'Ayreon tourne un peu en rond
avec un abus assez clair d'influences folk de mon point de vue, et que
ce qui nous est proposé ici est trop proche de choses déjà entendues, et
en moins bien, dans la mesure où les moments forts sont assez rares (le
très entraînant Run ! Apocalypse ! Run ! est sympa même si on
n'est pas loin du grotesque, Star of Sirrah est efficace, mais où
sont les superbes ambiances dépressives chères à Lucassen ? Ici, c'est
trop souvent joyeusement sautillant, alors même que l'histoire racontée
ne le justifie pas vraiment), et les fautes de goût pas totalement
absentes : les ridicules sonorités aquatiques de The Source will
flow, les passages arabisants ou le chant lyrique sur Deathcry of
a race (là on a vraiment l'impression d'une piste en totale roue
libre qui part droit dans le décor). Et puis, même si c'est de l'ordre
du détail, je déteste le "personnage" de TH1 et ses interventions
vocales. Tout ça commence à faire un lot de points négatifs pas
négligeable, même si, sur la durée du double album (seulement 1H28
toutefois, l'inspiration se tarit peu à peu), on a encore une bonne dose
de chant maîtrisé, de mélodies efficaces et de synthés colorés. Mais
bon, on est quand même assez clairement sur la pente descendante, et la
comparaison inévitable avec 01011001 ne peut qu'être défavorable au
petit dernier de la saga.
- Ayreon - Transitus (2020) ★ ★ ½
Après un retour à la science-fiction un peu moins réussi que d'habitude,
le dernier double album en date d'Ayreon tente une nouvelle échappée
vers un univers très différent en nous contant une histoire
gothico-fantastique censée se dérouler à la fin du 19ème siècle.
Surtout, retour à un format nettement moins sophistiqué et ambitieux que
sur les albums précédents : nombre de personnages assez limités, mais
surtout peu d'interactions entre eux (en gros les personnages
secondaires ont droit à un petit air en passant et puis voilà), et une
musique basée sur quelques thèmes exposés dans une sorte d'introduction
d'une dizaines de minutes (le très boursouflé Fatum Horrificum
avec ses choeurs gothiques sur fond de rythmique pompée sur Holst) qui
seront repris comme des leitmotivs tout au long de l'oeuvre. Même les
habituels développements progs sont essentiellement absents ici, on est
plus proche d'une sorte d'opéra rock à l'ancienne, avec quelques touches
de diversité qui rassurent quand même sur la capacité de Lucassen à
proposer de la musique intéressante (les cuivres jazzy ne sont pas très
subtils mais ça fonctionne plutôt bien, et le duo flûte-clavecin de
Talk of the town est rafraîchissant). Mais l'habitué d'Ayreon
aura probablement malgré tout un goût un peu amer de facilité et de
répétition, le groupe nous a habitués à mieux que ça. Et puis il y a
quand même un gros point noir sur ce disque (double de 80 minutes,
d'ailleurs, qui aurait très bien pu tenir sur une seule galette), c'est
le scénario complètement absent (aucune mise en place des personnages,
c'est à peine si on comprend vraiment ce qui s'est passé) que les
chanteurs tentent trop souvent de compenser en surjouant leur rôles. Et
je ne parle pas du narrateur (rôle parlé !) mille fois trop envahissant
(il pourrait au moins nous expliquer ce qui se passe !). Sans tomber
dans le mauvais (la musique reste globalement sympa), Ayreon nous
propose tout de même pour la première fois depuis longtemps un truc où
les défauts prennent au moins autant de place que les qualités.