Mon avis personnel sur les disques d'Avantasia
- Avantasia - The metal opera (2001) ★ ★ ★ ★
Manifestement pas rassasié par le succès de son groupe Edguy,
l'encore très jeune Tobias Sammet décide en 2001 de lancer un projet
nettement plus ambitieux : celui d'un opéra metal regroupant la fine
fleur du speed allemand. L'album a divisé, et on comprend facilement
pourquoi à l'écoute. Si on en attend vraiment les qualités qu'on imagine
à l'aune de l'appellation "opéra", on sera forcément déçu : l'unique
synthé même pas coloré qui sert d'orchestre est inutile (et les
interludes correspondants aussi, du coup), l'histoire n'a pas l'ombre
d'un intérêt, et surtout on entend Sammet chanter 80% du temps, certains
artistes invités ne chantant qu'un bout de couplet par-ci par-là (en
fait, on a l'impression que Sammet a surtout voulu se faire plaisir avec
ses idoles helloweeniennes Michael Kiske et Kai Hansen, l'influence
d'Helloween étant d'ailleurs plus que voyante sur le refrain
hyper typé happy metal d'un Serpents in paradise). En fait, il ne
s'agit ni plus ni moins que d'un album d'Edguy un peu déguisé. Et après
tout, peu importe, car c'en est un bon ! Les mélodies et refrains sont
vraiment efficaces, Sign of the cross est un morceau de bravoure
assez mémorable, et la ballade pseudo-médiévale Farewell a le
mérite d'un certain renouvellement (hélas, Inside retombe par
contre dans les pires clichés un peu plus tard dans le disque). Pour le
reste, on nage dans le speed mélodique le plus classique qui soit, mais
si on n'est pas venu chercher autre chose dans ce disque, on y trouvera
son bonheur.
- Avantasia - The Metal opera, part 2 (2002) ★ ★ ½
À peine un an après le premier disque, voici la suite de l'aventure
Avantasia. Suite non pas au sens de nouveau projet et nouvelle histoire,
mais et bien la deuxième moitié (et la fin) de ce qui avait été commencé
en 2001. Ce choix de découper l'opéra en deux CD distincts n'a
absolument aucun sens, et ce deuxième volet en pâtit au niveau de la
construction de l'album, qui débute par une piste dantesque de 14
minutes (The Seven angels, titre très ambitieux qui convoque des
ambiances très variées, allant même jusqu'à sonner comme du Queen
par moments, mais qui tourne un poil au pudding légèrement indigeste sur
la fin) avant de s'enliser un peu dans une succession de titres plus
courts et surtout moins marquants (on alterne en gros les titres speed
bien troussés mais un peu interchangeables et les ballades accompagnées
quasiment uniquement au piano qui sont comme d'habitude d'un inintérêt
total). En comparaison avec le premier opus, on ne peut que constater
que celui-ci est moins équilibré, et tout simplement moins bon, sans que
la qualité en soit déshonorante non plus. Et puis quand même, Sammet
ayant produit entre temps Mandrake, on a un peu l'impression d'un
retour en arrière (bien sûr, cet album a été enregistré avant, en même
temps que la première partie de l'opéra), il aurait fallu plus de titres
de la trempe du très heavy The Final sacrifice pour atteindre un
résultat mieux que moyen.
- Avantasia - The Scarecrow (2008) ★ ½
La première tentative d'opéra metal de Sammet ayant fonctionné, il était
probablement inévitable qu'il remette le couvert quelques années plus
tard, finissant même par faire de son Avantasia un projet récurrent qui
lui prendra plus de temps que son propre groupe. Ce n'est pas encore le
cas en 2008, mais ce qui est certains, c'est que l'évolution musicale
d'Edguy sur les albums précédant celui-ci se ressentent ici aussi
: le concept n'a pas changé (plein d'invités plus ou moins prestigieux
qui gravitent autour de Sammet, une histoire pas franchement
intéressante), la musique si. Très peu de titres rapides, pas mal de
sonorités électroniques (dès le début de l'album), et surtout une
tendance de plus en plus marquée à virer à la soupe FM qui débouche
hélas sur quelques titres vraiment mauvais (What kind of love est
une sorte d'ersatz en pire du My heart will go on de Titanic,
Cry just a little est nullissime). Si on avait droit à quelques
tueries pour compenser, on se contenterait de regretter l'inhomogénéité
de la chose, mais même les chansons plus heavy, sans démériter,
souffrent d'une écriture à l'économie où Sammet se contente d'un
accompagnement bateau et minimaliste, laissant libre cours aux
performances vocales. Si on n'est pas fan des artistes convoqués, on
s'ennuie vite, et de fait beaucoup de titres semblent bien trop longs
(faut dire que ça se répète beaucoup ici, le refrain de Carry me
over par exemple). Quelques chansons sympathiques malgré tout
(Another angel down), mais c'est trop peu, Sammet semble
malheureusement confirmer qu'il n'a plus assez d'inspiration pour porter
un tel projet.
- Avantasia - The Wicked Symphony / Angel of Babylon (2010) ★ ★ ½
Il était évident au vu des derniers albums produits que Tobias Sammet
commençait à fatiguer sérieusement, ce qui était ma foi assez
compréhensible avec le rythme effréné des sorties de ses deux projets.
Que pensez-vous qu'il fît en 2010 pour son retour côté Avantasia de la
force ? Un double CD (ah non pardon, deux disques totalement
indépendants, mais composés en même temps, sortis le même jour et qui
racontent la même histoire), deux bonnes heures de musique, 22 titres,
un casting toujours plus étoffé, bref un projet légèrement démesuré.
Mais le pire c'est qu'on a du mal à lui en vouloir, au père Sammet, car
il met vraiment du coeur à l'ouvrage et semble sincèrement prendre
beaucoup de plaisir à servir sur un plateau à ses copains des titres
taillés sur mesure pour eux (à commencer par le Wastelands chanté
par Kiske, tout droit sorti d'un vieil album d'Helloween). Il
cherche d'ailleurs trop à coller à la personnalité de chacun, ce qui
nuit sérieusement à la cohérence de l'ensemble (sur la deuxième moitié
du second CD, ça vire même au n'importe quoi, Symphony of life ou
Alone I remember, je ne sais pas depuis quel album ils se sont
égarés là, mais manifestement un truc pas très metal !). Malgré
énormément de facilités dans la composition des chansons, il y a de
vraies réussites (la très symphonique chanson titre du premier album, le
gothique Death is just a feeling, un Scales of justice
nettement plus heavy hélas gâché par le chant criard de Tim Owens), qui
côtoient quand même des bouses assez immondes, comme la ballade chorale
Blowing out the flame qui fait douloureusement ressortir le côté
"les Enfoirés se sont mis au metal" de l'ensemble. On est clairement
très loin de l'ambition formelle des albums d'un Arjen Lucassen, mais si
on aime le metal dans son versant le plus accessible, on passe un moment
globalement agréable en compagnie de tout ce beau monde. Avec une
sélection un peu plus raisonnable dans les morceaux proposés (un seul
album regroupant les 11 meilleurs titres, typiquement), ça aurait même
pu être très bon.
- Avantasia - The Mystery of time (2013) ★ ★ ½
L'alternance entre un album d'Edguy et un (ou deux) d'Avantasia étant
désormais bien rodée, nouvel opéra metal en vue pour Tobias Sammet. Ou
plutôt non, l'étiquette opéra est désormais un lointain souvenir, cette
nouvelle proposition est labellisée "rock epic" et ça colle de fait
mieux au propos, une sorte de grosse comédie musicale teintée hard rock
et soutenue, pour la première fois, par un véritable orchestre
symphonique. On s'en doute, ça n'aide pas vraiment Sammet à éviter
l'écueil de l'overdose de guimauve (tous les titres ou passages lents
sont affligeants, en tête le duo Sleepwalking qui ferait tâche
même au sein d'une playlist pop bas de gamme), ni de l'abus de
grandiloquence sur les titres les plus heavy (le Great mystery
final est extrêmement boursouflé), d'autant plus que le fait d'ajouter
des parties symphoniques à ses compositions ne l'empêche absolument pas
de continuer à caser des parties de claviers partout. Bref, c'est d'une
absence de subtilité navrante, c'est écoeurant, c'est too much, c'est
tout ce que vous voulez, et pourtant ça s'écoute finalement avec
plaisir. On sent que l'introduction de l'orchestre a redonné un peu
d'envie à Sammet, et sans réussir à créer une musique vraiment mémorable
(aucun titre réellement marquant), il arrive par moments à créer des
ambiances sympa. Bon, faut quand même aimer la choucroute...
- Avantasia - Ghostlights (2016) ★ ★ ½
Si Edguy a plus ou moins disparu de la circulation, Avantasia se
porte toujours fort bien, avec l'apparition régulière de nouveaux
projets et de nouveaux chanteurs pour épauler Sammet (la liste reste
centrée sur les ténors du speed allemand, mais impressionne quand même).
Et niveau musique, du nouveau pour cet opus ? Pas vraiment, ça fait déjà
un petit moment que le style a dévié vers une sorte de "musical" à
l'américaine, teinté rock mais surtout farci jusqu'à la boursouflure
d'arrangements orchestraux et autres interventions chorales. J'avais
déjà critiqué une fois ce côté "Les Enfoirés font du metal", c'est ici
poussé jusqu'à la caricature. La conclusion A Restless heart and
obsidian skies (tout un programme) est même du niveau d'une
péroraison de parade Disney. Bref, il vaut mieux savoir à quoi
s'attendre avant de se lancer dans l'écoute du disque, par ailleurs bien
chargé (70 minutes de musique). Mais on ne peut pas nier un sacré métier
et un certain savoir-faire à Sammet, qui réussit plusieurs fois à nous
accrocher (la mélodie efficace de Mystery of a blood red rose,
l'énergie de Master of the pendulum, ou même le break inattendu
de Lucifer après une partie "ballade avec piano" qui laissait
craindre le pire). Il y a aussi, comme toujours, de vrais ratés (le côté
gothique pour midinettes de Draconian love), mais l'ensemble
reste dans la moyenne de ce que propose Avantasia depuis un moment : pas
folichon mais finalement loin d'être désespérant.
- Avantasia - Moonglow (2019) ★ ★ ★
Avec le temps, les albums d'Avantasia sont devenus l'équivalent musical
(je ne parle même plus de metal tant les guitares saturées sont ici
anecdotiques, bouffées par les arrangements orchestraux permanents et
les interventions régulières de choeurs fournis) d'un bon gos
blockbuster hollywoodien : on met le plus de stars possibles au casting
pour attirer le public (on récupère ici, entre autres, Hansi Kürsch et
Geoff Tate au chant), on utilise les gros moyens dont on dispose pour
mettre le paquet sur la forme, sans avoir peur d'en rajouter quelques
couches niveau mauvais goût, et le fond, ma foi, il faudra se contenter
de ce qu'on a sous la main, tant pis si c'est un peu facile ou
réchauffé. Et pourtant, tout blockbuster qu'il soit, cet album est loin
d'être mauvais, car le réalisateur qu'on a collé derrière les caméras
connaît bien son boulot et fait encore une fois preuve de suffisamment
d'enthousiasme pour rendre le tout entraînant. Certes, il faut survivre
à la choucroute disneyienne Ghost in the moon qui ouvre l'album
avec une redoutable absence de subtilité, et il faut admettre que Sammet
ne saura plus jamais (l'a-t-il vraiment su un jour ?) composer un titre
au tempo lent qui ne soit pas complètement niais, mais le reste du
temps, c'est spectaculaire, ça fait du bruit, c'est farci de mélodies
sympa, bref ça divertit sans prendre la tête, exactement ce qu'on attend
d'un bon blockbuster justement.
- Avantasia - A paranormal evening with the moonflower society (2022) ★ ★
Pendant la crise du Covid, l'hyperactif Tobias Sammet n'avait pas grand
chose d'autre à faire que composer. On peut donc imaginer qu'il a
peaufiné jusqu'au moindre détail cette dernière livraison d'Avantasia.
Sauf que, pas de pot, ça ne s'entend vraiment pas (il a peut-être tout
donné sur le titre...). Au contraire même, on a plutôt l'impression d'un
compositeur un peu fatigué, en mode pilotage automatique, qui a aligné
sa série de tubes très calibrés (à l'exception de la dernière piste qui
part dans tous les sens, que des chansons de quatre à cinq minutes aux
structures basiques et qui font intervenir les choeurs sur les refrains
de façon tellement systématique que ça en devient lassant) en piochant
une fois de plus dans des recettes vues et revues (le titre speed The
Inmost light chanté par Kiske, par exemple), et en espérant que les
orchestrations toujours aussi présentes fassent passer le tout. C'est
plus ou moins le cas (l'écoute n'est pas désagréable), mais tout de même
un bon ton en-dessous des sorties précédentes d'Avantasia. D'ailleurs,
on a moins de contenu (moins d'une heure de musique), et Sammet occupe
une place prépondérante sur quasiment tous les titres au point
d'occulter les invités, chose qui rappelle les tous premiers disques du
groupe. Bon, un opus mineur dans une discographie qui ne contient de
toute façon rien de totalement incontournable, mais qui nous avait
habitués à un peu mieux.