Mon avis personnel sur les disques d'Angra
- Angra - Angels cry (1993) ★
Ah, un groupe que j'ai découvert étant ado ! Rappelons pour ceux qui ne
le sauraient pas qu'outre Sepultura, le Brésil est aussi le pays
de naissance d'Angra, qui n'oeuvre pas vraiment dans le même style
puisqu'ils font partie de ceux qui ont mis au goût du jour le power
symphonique, dont le principe est en gros d'exploser le kitschomètre à
coups de chant (et de guitares) très clair et aigu, de tempi souvent
enlevés (ou alors on tombe dans la balade ultra mièvre) et de touches
orchestrales réalisées aux claviers. En gros, sans Angra et consorts, il
n'y aurait pas eu ensuite de Rhapsody et ça, quand même, ce
serait bien dommage ! Bref, amis de la subtilité, fuyez très vite.
D'autant plus que ce premier album du groupe est vraiment terriblement
caricatural : ça démarre très fort avec un Unfinished allegro qui
est une reprise note à note au clavier pas cher du début de l'Inachevée
(mais Schubert n'est pas mentionné dans le livret du disque pour autant
!), c'est évidemment ridicule et sans le moindre intérêt. Quelques
autres citations classiques (Paganini, Vivaldi) déboucheront sans crier
gare au beau milieu de deux autres titres de l'album, pour un effet
complètement raté. En fait, pour être honnête, il est de toute façon
très difficile d'écouter le disque au premier degré tellement c'est
ridicule : la grandiloquence du très néoclassique Lasting child
qui termine l'album, la conclusion complètement foireuse de Stand
away, les violons tourbillonnants et les fanfares de cuivres
incongrues de Carry on (pourtant l'un des tubes du groupe !), ça
ne peut pas engendrer mieux qu'un bon gros fou rire. Le pompom ? La
reprise du Wuthering heights de Kate Bush avec chanteur en voix
de tête permanente, dont on ne sait pas trop ce qu'elle vient faire là.
Je trouve ça rigolo à écouter car je suis très bon public pour ce genre
de truc (et que, malgré tout, les musiciens assurent techniquement et
font preuve d'un enthousiasme plutôt communicatif) mais c'est très
difficilement défendable.
- Angra - Holy Land (1996) ★ ★ ★ ½
Le deuxième album des brésiliens est généralement considéré comme leur
classique, et de fait c'est bien lui que j'ai écouté quelques dizaines
de fois quand j'étais plus jeune. Alors qu'Angels cry a
terriblement mal vieilli, qu'en est-il de celui-ci ? Eh bien, c'est
nettement mieux, il y a vraiment eu une évolution gigantesque entre les
deux albums. Déjà, les citations littérales de musique classique ont
fort heureusement été oubliées sur Holy Land, et, encore mieux, les
orchestrations sont beaucoup plus réussies (le fait qu'on ait droit à de
vrais instruments pour le violon et la flûte, déjà, ça change tout).
Mais surtout, le disque est beaucoup plus ambitieux et a la très bonne
idée de proposer une sorte de concept album autour de la colonisation du
Brésil, qui explique l'apparition des polyphonies sur fond d'ambiance
tropicale qui ouvrent l'album, mais surtout l'emploi de percussions
tribales (bien dans l'air du temps au moment de la sortie de cet album,
qui est de la même année que le Roots de Sepultura) qui
rajoute notamment énormément au cachet de la dantesque Carolina
IV, qui réussit à tenir ses 10 minutes 30 malgré la grande variété
des inspirations convoquées. Rien que pour ce titre, le disque mérite au
moins d'être tenté. Pour le reste, pas de miracle non plus, dès qu'il y
a des interventions de cuivres synthétiques c'est affreux (Silence
and distance par exemple ne s'en remet pas) et il y a des mélodies
qui peuvent faire fuir les moins tolérants d'entre nous au kitsch (le
début de The Shaman, c'est assez terrible, pourtant j'aime bien
ce titre malgré tout). Mais on a quand même assez peu de passages speed,
pas mal de piano, bref un album nettement plus travaillé et inspiré que
le précédent, qui résiste nettement mieux à l'usure du temps, même si le
chef-d'oeuvre que beaucoup y ont vu à l'époque n'est probablement pas
vraiment là.
- Angra - Fireworks (1998) ★ ½
Après un Holy Land très intéressant, et même parfois
enthousiasmant, on pouvait espérer de la part d'Angra un album de la
même trempe, d'autant plus que les brésiliens disposent désormais des
moyens de mettre vraiment en musique leur ambition. Autant dire que ce
troisième album est une cruelle déception, dans la mesure où il marque
un gros retour en arrière. Les percussion brésiliennes ? Disparues, sauf
sur quelques titres comme Gentle change où elles viennent
contribuer à créer une ambiance détendue style "mojito en bord de
plage", rien à voir avec ce que proposait un Carolina IV sur le
disque précédent. L'orchestre ? Quasiment inexistant, à peine quelques
touches en fond, honnêtement il ne serait pas du tout là que l'album
serait le même. Le groupe ne garde même pas le style power déjanté de
son premier album (seule la piste initiale Wings of reality
laisse penser qu'on aura droit à ce genre d'orientation, et fait
d'ailleurs l'effort de convoquer un piano et des violons qui
disparaîtront ensuite), mais revient carrément à un heavy metal lambda,
pas mal fichu mais déjà entendu mille fois, avec des solos de guitares
bien appliqués (le double solo sur Extreme dream, c'est bien sur
une démo de groupe débutant, mais là on est à la limite du remplissage)
et tout de même le chant bien aigu d'Andre Matos qui sonne moyennement
bien dans ce contexte, d'autant plus que les lignes vocales n'ont
vraiment rien de transcendant. Ce n'est pas un si mauvais album, mais
tellement quelconque, qu'il rejoindra de nombreux autres dans la
catégorie "ah oui c'est sympa" à la première écoute, mais qu'on ne remet
jamais ensuite sur la platine.
- Angra - Rebirth (2001) ★ ★
Renaissance pour Angra ? Eh oui, après seulement trois albums, le groupe
a explosé (il est vrai que Fireworks avait de quoi surprendre
quant à la direction prise par le groupe, manifestement pas du goût de
tout le monde), ne conservant que ses deux guitaristes. Mais il leur
aura fallu peu de temps pour reconstruire un lineup crédible, engageant
comme nouveau chanteur un Edu Falschi qui, s'il ne cherche pas à
rivaliser avec leur précédent dans la pyrotechnie vocale (y aura moins
de suraigu, quoi), fait le boulot de façon convaincante. Un bon point,
mais niveau musical, du coup, de quel côté part-on ? Eh bien, un peu
partout à la fois, ce qui est la principale limite du disque. Après un
portique majestueux un peu plombé par les synthés bien cheap (de ce
point de vue, on a droit hélas à une grosse régression), Nova era
mise tout sur le speed mélodique façon Rhapsody, mais en moins
bien, influence qu'on retrouvera un peu plus loin sur un Acid
rain majoritairement épique, mais Heroes of sand lorgne
beaucoup plus nettement du côté de Scorpions (le côté balade
crémeuse, ça ne peut rebuter personne, hein ?) et Unholy wars
fait carrément des allusions manifestes à Holy Land, alors même
que le groupe ne joue plus du tout le même type de musique. Bon. Et tout
ça s'achève avec une reprise casse-gueule d'un prélude de Chopin (mais
oui), qui évite le ridicule mais dont on ne comprend pas bien pourquoi
elle a été ainsi insérée à la fin de l'album. Bref, tout ça n'est pas
très cohérent, mais ça a le mérite d'être bien exécuté par de bons
techniciens, sans toutefois qu'un titre puisse vraiment être qualifié de
très inspiré (c'est mélodiquement passe-partout, les intros sont souvent
intéressantes mais complètement laissées de côté ensuite, et les solos
de guitare déjà entendus mille fois). Au fond, un album impersonnel tout
à fait correct mais qui sera très vite oublié.
- Angra - Temple of shadows (2004) ★ ½
Nouvel album ambitieux de la part d'Angra, puisqu'il s'agit apparemment
d'un concept-album autour de l'histoire d'un croisé. On comprend mieux
du coup les ambiances médiévisantes de quelques pistes, notamment le
Gate xiii final, purement symphonique (enfin, tout est joué aux
claviers, faut pas rêver non plus) et plutôt sympathique même si un peu
décousu. J'aurais peut-être d'ailleurs mieux fait de creuser un peu le
contenu des paroles, qui auraient sûrement pu expliquer les curieuses
influences hispanisantes, notamment sur The Shadow hunter (qui
débute carrément avec un fond de castagnettes accompagnant les guitares
acoustiques) ou le très étrange Sprouts of time (qui convoque
aussi flûtiaux et piano dans un espèce de bazar franchement bizarre).
Mais le principal problème de l'album n'est pas tant cet aspect
hétéroclite que le vrai manque d'inspiration global. Ca commence assez
bien avec un Spread your fire qui aligne les clichés du speed
héroïque avec une certaine conviction, mais plus on avance dans l'album,
moins on trouve d'occasions de se réjouir. Encore une fois, comme dans
leur album précédent finalement, les brésiliens font plutôt bien le
boulot, mais l'ensemble est très hétéroclite, et surtout les pistes se
suivent sans qu'on accroche à grand chose, pour un sentiment de
déception à l'arrivée. Parmi les pistes à sauver, je mettrais quand même
aussi Winds of destination pour son côté plus martial, malgré un
solo bien académique en cours de route.
- Angra - Aurora consurgens (2006) ★ ★ ★
J'avoue avoir été tenté de laisser tomber la fin de la discographie de
cet Angra deuxième mouture qui ne semblait décidément pas réussir à
trouver un nouveau souffle. Eh bien j'aurais eu tort car, sans être un
chef-d'oeuvre impérissable, ce sixième disque du groupe réussit à faire
souffler un vent de fraîcheur bienvenu et se laisse fort bien écouter.
Il opère de fait une sorte de retour aux fondamentaux en proposant un
metal plus heavy que franchement speed (à part The Voice commanding
you, assez bonne d'ailleurs, ça galope assez peu), en laissant la
part belle aux claviers qui créent un fond souvent intéressant, et
surtout en recentrant la plupart des pistes sur une approche mélodique
qui fonctionne bien. Bien sûr, on n'évite pas du coup de tomber dans le
piège de la balade mièvre (le début de Passing by, Breaking
ties qui est limite pop, comme deux ou trois autres titres
d'ailleurs qui tombent un peu trop dans la facilité), mais c'est parfois
réussi (Abandoned fate conclut joliment l'album), et on a aussi
quelques nouveautés avec une sonorité limite électro sur Ego painted
grey ou l'intro orchestrale orientalisante de So Near so far
(deux des pistes les plus réussies de l'album). C'est bien suffisant
pour passer un moment très agréable à défaut de tenir l'album de la
décennie. Ah quand même un dernier reproche, les solos de guitare pour
le plaisir d'étaler sa technique (impeccable d'ailleurs), c'est pas
franchement indispensable.
- Angra - Aqua (2010) ★ ★ ½
Curieux album que celui-ci, qui semble bien trop souvent se lancer dans
des développements hasardeux et mal maîtrisés qui viennent un peu gâcher
de belles introductions et une veine mélodique souvent inspirée. Après
un Arising thunder qui joue la carte d'un speed épique classique
et efficace à défaut de mieux, Awake from darkness est vraiment
une belle chanson. Ce début prometteur ne sera pas vraiment confirmé
ensuite : Lease of life, ballade avec piano assez inattendue de
la part d'Angra, s'enlise complètement sur la fin, et Spirit of the
air tombe carrément dans le patchwork sans cohérence et vraiment peu
convaincant. La deuxième moitié de l'album va alter entre passages
sympathiques (le début de A monster in her eyes>) et transitions
étranges rendant trop de pistes décousues (un peu comme si le groupe
essayait de "faire prog" sans vraiment y arriver). Heureusement, le
disque se conclut sur la mélancolique Ashes qui est pour le coup
très réussie. Mais l'ensemble reste pour moins bancal.
- Angra - Secret Garden (2014) ★ ★ ½
Chez Angra il y a (à nouveau) du changement de personnel, le deuxième
chanteur n'ayant finalement pas tenu beaucoup plus longtemps que le
premier (quatre albums au lieu de trois). C'est Fabio Lione, ancien de
Rhapsody, qui reprend le flambeau, le signe d'une orientation
speed épique vraiment assumée ? En fait non, pas vraiment. Pourtant, la
deuxième piste, Black hearted soul, qui démarre sur fond de
choeurs et de violons synthétiques, est un plagiat assez évident du
style Rhapsody (plutôt bien fichu d'ailleurs), mais elle est encadrée
par deux chansons qui misent beaucoup plus sur des sonorités assez
électro, très sympathiques même si on tombe par moments dans la facilité
(notons tout de même le retour d'une influence hispanisante dans le
break de Newborn me, piste qui aurait pu être exploitée dans la
suite de l'album). Après ce début somme toute très encourageant, le
disque tombe malheureusement un peu dans le pot-pourri de chansons sans
lien, ne sachant manifestement pas trop dans quelle direction partir, et
tombant parfois dans la médiocrité (la chanson-titre, chant féminin sur
fond de piano et de synthés mielleux, n'a strictement rien à faire là,
Upper levels mélange tout et n'importe quoi sans cohérence, et
Silent call avec son choeur sur fond de guitares acoustiques est
aux frontières du ridicule). L'ensemble reste sauvé par la qualité
technique (les solos sont toutefois rarement inoubliables) et un sens
mélodique assez sûr, mais au niveau de l'ambition d'ensemble, on est
quand même à quelques années-lumières de l'époque Holy Land.
- Angra - Ømni (2018) ★ ★
Encore du changement au niveau du lineup pour Angra, c'est cette fois-ci
l'un des deux guitaristes fondateurs qui est parti rejoindre
Megadeth. Bon, honnêtement, ça n'a pas une grande importance tant
Angra produit depuis quelques albums une musique peu personnelle, tantôt
du gentil plagiat de Rhapsody (les premiers titres de cette cuvée
sont tout à fait dans cet esprit-là), tantôt des chansons plus
développées mêlant un peu tout et n'importe quoi sans grand souci de
cohérence (ici on a droit à des choeurs tribaux sur Caveman, des
sons électro incongrus sur Magic mirror, ou à la balade FM
Always qui n'a simplement pas sa place sur le disque). Une
nouveauté tout de même cette fois-ci, la chanson Black widow's
web joue la carte des invités en faisant dialoguer, outre le
chanteur du groupe, une dénommée Sandy au chant très clair, et le growl
vomitif d'Alissa White-Gluz d'Arch Enemy, ce qui m'aura permis de
confirmer que cette dernière est assez insupportable à écouter. Dans
l'ensemble, le disque reste agréable à écouter, mais il souffre quand
même d'un Fabio Lione pas très inspiré au chant (il semble forcer en
permanence pour se faire une place) et d'une dernière piste ridicule, où
les musiciens ont eu la brillante idée de proposer une conclusion
orchestrale triomphaliste, mais jouée au synthé MIDI. Ils sont vraiment
fauchés à ce point les brésiliens ?