Mon avis personnel sur les disques d'After Forever
- After Forever - Prison of desire (2000) ★
Assez curieusement, bien que fan de longue date de Nightwish, je
n'ai jusqu'ici que peu exploré le sous-genre du "metal à chanteuse" que
ce dernier a contribué à créer. Il faut dire aussi qu'on y trouve pas
mal de machins à tendance "gothique atmosphérique" vraiment mauvais
(Within temptation en est un bel étendard, si on peut dire).
C'est d'ailleurs le reproche principal que je ferai à ce premier disque
d'un groupe néerlandais qui a eu son heure de gloire avant de
disparaître après avoir publié seulement cinq albums : beaucoup de
pistes à dominante lente (ça ne l'est jamais totalement, ils adorent les
ruptures de rythmes aléatoires au sein des morceaux), avec des nappes de
claviers sans intérêt et un mélange de chant féminin lyrique et de
growls incongrus qui ne fonctionne pas vraiment. On comprend ceci dit
facilement pourquoi le groupe n'insiste pas trop sur la composante
heavy/rapide quand on entend le début absolument pas en place de
Semblance of confusion (eux n'ont pas fait semblant d'être
confusés, manifestement), ça fait vraiment amateur. Plus généralement,
c'est bien trop scolaire et poussif dès que le tempo accélère. C'est
dommage, parce qu'on sent quand même que la musique serait plus
intéressante si elle versait clairement vers le heavy symphonique (plus
proche de Nightwish que de ses mauvais clones, quoi), portée par la très
belle voix de Floor Jansen (qui manque encore de justesse et d'assurance
sur ce disque, mais c'est quand même déjà pas mal du tout). Bon, c'est
très insuffisant pour en faire un disque recommandable, mais peut-être
que le groupe peut évoluer de façon intéressante sur les albums
ultérieurs.
- After forever - Decipher (2001) ★ ★ ½
Dans la carrière météorique d'After Forever (qui a durée à peine une
décennie), ce deuxième disque est considéré par beaucoup comme un
sommet, notamment parce qu'il sera (déjà !) suivi du départ de Mark
Jansen (pas de lien de parenté avec la chanteuse du groupe),
co-fondateur du groupe qui ira ensuite fonder le groupe Epica
dont je ne tarderai pas à causer ici-même. En tout cas, après un premier
essai bien peu convaincant, le groupe a clairement franchi un cap ici en
termes de maîtrise technique (on a même du mal à admettre qu'il s'agit
vraiment des mêmes musiciens !), et surtout choisi une voie beaucoup
plus intéressante en musclant nettement son jeu : après une belle piste
introductive (je ne peux pas rester insensible au solo de "vrai"
violoncelle initial, on aura hélas trop souvent droit ensuite à des
instruments synthétiques), Monolith of doubt est une entrée en
matière convaincante dans un style heavy certes un peu cliché mais
plaisant. En parlant de clichés, ils déboulent à la pelle avec
l'orientalisme de bazar de My pledge of allegiance #1 (oui,
niveau titres, c'est clairement pas encore ça), plutôt rigolo ceci dit
si on est pas allergique au kitsch. Tout le disque semble de toute façon
faire office de laboratoire pour des expérimentations plutôt
sympathiques (on ne s'ennuie pas, le côté orchestral me plaît), mais qui
manquent vraiment de cohérence, les changements de rythme et/ou
d'atmosphère se succédant souvent au sein d'un même titre sans qu'on
n'arrive à vraiment comprendre où tout cela veut nous mener. Côté vocal,
Floor Jansen chante toujours bien mais son registre lyrique est beaucoup
moins exploité (dommage, et ça ne fait qu'anticiper le tournant pris sur
les albums suivants), les growls se font parcimonieux (bien), mais le
chanteur officiant sur le duo Imperfect tenses est vraiment très
mauvais (bon, la chanson aussi...). Tout ça ne suffit pas vraiment à
donner le grand disque attendu (même si ça s'écoute), plutôt une
promesse d'un groupe encore en construction, promesse qui ne sera jamais
vraiment tenue d'ailleurs puisque ledit groupe va bifurquer vers autre
chose pour les derniers albums qu'il sortira.
- After Forever - Invisible circles (2004) ★ ★
Après le départ de son principal compositeur Mark Jansen, on ne peut pas
dire qu'After forever ait baissé les bras puisque son projet suivant est
le plus ambitieux de son début de carrière (et aura un gros succès
commercial) : les orchestrations sont omniprésentes, les choeurs aussi,
la musique est d'une richesse inhabituelle pour le groupe, tout ça pour
illustrer une sorte de concept album autour d'un déchirement familial
(une gamine prise entre les disputes de ses parents), avec même de vrais
bouts de dialogues inclus certaines chansons (ce qui, comme les tonnes
de samples utilisés, ne sert d'ailleurs pas à grand chose). Le style
symphonique à tendance gothique du premier album du groupe a maintenant
complètement disparu, c'est beaucoup plus heavy, nettement moins lyrique
(la chanteuse Floor Jansen n'utilise d'ailleurs son registre
"opératique" que pour faire contraster les voix des différents
protagonistes quand elle en interprète deux sur une même piste, le rôle
masculin recourant quand à lui à beaucoup de chant typé death) et,
disons-le franchement, pas extrêmement intéressant. Tout ça est
particulièrement bien enrobé, mais le trop-plein sonore semble être là
pour cacher un fond musical assez quelconque, pour ne pas dire pauvre.
Il y a bien un ou deux tubes dans le lot (Digital deceit et son
refrain pas du tout typé metal), des tentatives de varier un peu les
plaisirs (le piano de la ballade Eccentric, plutôt jolie
d'ailleurs, ou l'apparition pour le coup incompréhensible de motifs
orientaux dans Through square eyes), mais on ne retient
finalement que très peu de choses une fois le disque achevé, à part les
performances vocales impressionnantes. Ce sera désormais le credo du
groupe : beaucoup de bruit pour un résultat qui claque, mais qui ne
survivra pas vraiment à l'épreuve du temps.
- After Forever - Remagine (2005) ★ ★ ½
Un an après un Invisible circles qui semblait ambitieux sur le
fond mais proposait plus de bruit que de musique, After forever est déjà
de retour, avec un disque à la pochette bien moche. Et niveau musique ?
Si l'album précédent était bruyant, celui-ci l'est moins, mais il est
assez confus. Pourtant, les titres sont bien calibrés, les structures ne
vont pas chercher midi à quatorze heures, le virage "easy listening"
choisi par le groupe est clairement confirmé ici. Mais en même temps,
ils arrivent à nous fourrer tellement de détails incohérents dans un
même morceau (et un coup de violons synthétique, allez hop un ou deux
growls ou au contraire quelques mesures en chant lyrique juste pour le
plaisir, quand ce n'est pas une intervention inattendue des choeurs ou
un motif oriental sans rapport avec le reste de la chanson) qu'on a
malgré tout du mal à en comprendre la logique. En fait, il n'y en a
probablement pas, le but manifeste est de faire plaisir à l'auditeur en
collant ensemble un peu tout et n'importe quoi, mais avec des éléments
qui, pris séparément, ont toujours un côté attachant (les mélodies sont
basiques mais sympa, Floor Jansen assure toujours niveau chant, et même
les touches orchestrales, plus légères que sur le disque précédent, sont
souvent bien vues). Il y a là dedans de vraies réussites (Face your
demons, Attendance), des pistes qu'il aurait absolument fallu
ne pas faire figurer sur le produit fini (Strong et ses nappes de
clavier sur lesquelles il ne se passe strictement rien), et quelques
grosses fautes de goût (le gars qui officie en chant clair sur les deux
dernières pistes, il sort d'où ? Sa voix est complètement atroce !) qui
empêchent d'en faire un vrai bon disque, mais je dois dire que, de mon
point de vue, ça ne se défend pas mal en tant que petit plaisir
coupable.
- After Forever - After Forever (2007) ★
Après l'album précédent, After Forever s'est fâché avec sa maison de
disque, donc direction Nuclear Blast (pour ceux qui ne connaissent pas,
l'une des plus grosses boîtes de production de l'univers metal), plus de
moyens, et un nouveau départ avec ce cinquième album. Sauf qu'en fait de
départ, ce sera en fait le terminus pour le groupe, qui va se dissoudre
définitivement peu de temps après la sortie du disque. Auront-ils au
moins fini en apothéose, en profitant notamment du véritable orchestre
mis à leur disposition (utilisé de façon assez curieuse d'ailleurs,
complètement absent sur plusieurs pistes, et essentiellement audible
dans quelques intros "filmiques" sympathiques mais pas du tout
développées) ? Non, plutôt un énorme gâchis, et c'est la faute d'un seul
homme : le claviériste du groupe, auquel on a manifestement eu la très
mauvaise idée de donner carte blanche pour alimenter la musique déjà
riche et pas toujours super cohérente du groupe (comme d'habitude on a
droit à des insertions de growls ou de motifs orientaux de façon assez
aléatoire) de sons "rigolos". Enfin, j'imagine que c'était le but, parce
que sinon je ne vois pas comment justifier les bzoui bzoui complètement
déconnectés du reste de la musique et aux confins du grotesque qui
déboulent sans crier gare sur une bonne moitié des pistes. Non,
vraiment, à la première écoute, je me suis demandé si je n'avais pas
écouté une version customisée de l'album où un gugusse se serait amusé à
rajouter des parties de clavier débiles pour s'amuser. Ecoutez (ou
plutôt ne le faites pas...) par exemple le début de De-energized
(après les quelques secondes de l'intro symphonique), c'est absolument
ahurissant que de telles aberrations aient pu être conservées sur le
produit fini (mais bon, j'ai lu suffisamment de critiques positives de
cet album pour admettre que certains arrivent à trouver que ça ne suffit
pas à massacrer intégralement les chansons concernées). Si on arrive à
faire abstraction de cet énorme point noir, le disque est à l'image des
deux précédents, fourre-tout et pas très recherché, mais plutôt
sympathique (Discord notamment est une bonne ouverture). Pas
assez pour sauver le disque, mais ça lui évitera une note plus
infamante.