On ne peut pas dire que mon emploi du temps ciné ait été
surchargé ces derniers temps puisque ça devait faire près d'un mois que
j'avais pas été trainer mes guêtres dans une salmle obscure. Heureusement,
comme souvent, les vacances scolaires vont être l'occasion de se rattraper
un peu. Rattraper, c'est bien le mot concernant le nouveau film de
Philippe Lioret qui est sorti depuis un bon moment maintenant. J'avais,
comme beaucoup, bien apprécié son précédent Je vais bien, ne t'en fais
pas, mais il semblerait que le réalisateur ait basculé vers un genre
beaucoup plus politiquement polémique avec cette nouvelle oeuvre, ce qui
ne me plait pas plus que ça. Peut-être est-ce pour ça que j'ai tant tarder
à vérifier par moi-même ce que ça valait...
Bilal, jeune réfugié kurde, débarque à Calais avec pour espoir de
rejoindre clandestinement l'Angleterre. Seulement, ce n'est pas si simple
que ça en a l'air. Après une première tentative avortée dans un camion,
Bilal se rabat sur un plan beaucoup plus dangereux : la nage. Il prend des
cours à la piscine locale avec Simon, qui est en instance de divorce avec
sa femme, elle-même militant activement pour les sans-papiers. Il prend
Bilal sous son aile, au risque d'avoir quelques soucis avec les autorités.
Comme souvent dans ce genre de cas, je vais très vite prendre mes
distances avec le côté politique de l'histoire. C'est une évidence, le
film est très orienté, et pousse sûrement trop loin la caricature à bien
des niveaux (la police est constituée de connards intégraux, le voisin
raciste est ridicule, etc). Peu importe, il a eu le grand mérite de lancer
un débat salutaire, et si les gens ne savent pas faire la part des choses
dans une oeuvre de fiction (même si elle se veut à portée documentaire),
tant pis pour eux. Contentons-nous ici de parler cinéma.
Point de vue cinéma justement, outre donc les personnages caricaturaux
(mais c'est moins ridicule que la vision que Lioret nous avait infligés de
la psychiatrie dans son précédent film), il y a quelques scènes en trop
(les réfugiés dans le magasin, avec la femme de Simon qui s'énerve,
était-ce vraiment nécessaire ?), et des ficelles scénaristiques un peu
trop faciles (tous les personnages "anglais" sont peu crédibles, et même
le personnage principal qui se lance dans l'aide aux réfugiés pour
impressionner sa femme, c'est moyen). Finalement, Lioret est cohérent avec
lui-même, ce sont à peu de choses près les défauts que j'avais déjà
trouvés à Je vais bien, ne t'en fais pas.
Mais si les défauts sont toujours présents, les qualités aussi, ô combien,
et sûrement même encore amplifiées. La narration est d'une fluidité
remarquable, la réalisation discrète mais juste en permanence, et surtout
Lioret a toujours cette formidable capacité à nous émouvoir da façon
terriblement naturelle et efficace. Le destin de ce jeune kurde, forcément
tragique (ça pousse un peu sur le lacrymal, c'est sûr, je comprends que
certains aient eu l'impression d'être manipulés, mais quand c'est aussi
réussi j'adhère complètement), est tout bonnement bouleversant, appuyé par
une musique triste mais belle qui vous fera verser quelques belles larmes
si vous êtes un peu trop sensibles.
Alors face à ça, on peut bien trouver à redire sur les détails, on se
laisse emporter pour deux heures magnifiques, et après la vision de ce
très beau moment, je peux réaffirmer que Philippe Lioret est un de nos
grands réalisateurs actuels, et si son précédent film n'était pas encore
un chef-d'oeuvre (cf la fin de ma critique de l'époque), avec celui-ci, on
s'en approche fortement.
Roupoil, 22 avril 2009.