Zack Snyder fait partie, avec Darren Aronofsky, des rares
cinéastes actuels dont j'ai vu tous les films, et c'est peut-être le seul
dont j'ai vu tous les films sur grand écran (si on excepte bien sûr les
cinéastes qui n'ont fait qu'un film à ce jour). La différence entre les
deux réalisateurs précités, c'est qu'Aronofsky fait partie de mes auteurs
préférs, quand Snyder m'avait jusque là fortement déçu (seulement deux
fois certes). Pas revanchard pour un sou, j'étais quand même curieux
d'aller voir ce qu'il tirerait de cette histoire de super-héros
apparemment différente de la soupe habituellement servie par les studios
hollywoodiens. J'avoue que la seule présence de la musique de Philip Glass
dans le bande-annonce m'avait fortement intrigué.
New York, 1985. Richard Nixon en est à son troisième mandat de président
des Etats-Unis, la guerre froide est toujours active, et la tension est
même à son maximum. Un meurtre est commis. Rien que de très banal dans une
cité où le vice est commun, si ce n'est que la victime est un des membres
du groupe des Gardiens, drôle de bande de justiciers masqués envoyés à la
retraite quelques années plus tôt. Seul le Dr.Manhattan, drôle de créature
bleuâtre issue d'une expérience ratée et dotée de pouvoirs
invraisemblables, continue à servir au gouvernement d'arme de dissuation.
Mais les autres héros ne vont pas tarder à devoir se remémorer leur passé,
glorieux ou non.
Dès le début du film, on sent que Snyder ne s'est pas contenté d'un énième
film de super-héros qui sauvent le monde grâce à leurs pouvoirs démesurés.
De fait, ses héros (ou plutôt ceux de la BD dont est tiré le film) n'ont
rien d'impressionnant, puisqu'ils constituent une bande de has been qui
vit dans la nostalgie du passé et ont, du moins une partie d'entre eux,
une vision de leur rôle assez douteuse. De fait, le thème du film est
plutôt l'analyse d'une société en fin de cycle, que rien ne semble pouvoir
empêcher de sombrer dans le chaos. Pendant une heure et demie, le film
ressemble à une très longue introduction, présentant les protagonistes un
à un lors de longues séquences souvent contemplatives, et accompagnées de
choix musicaux très éclectiques et originaux. On est plus proches de
l'esprit d'un 2001 que de celui de Spiderman ou même du
dernier Batman, pourtant lui aussi assez sombre. Pour être tout à fait
honnête, ça ne marche pas à tous les coups (la scène de cul avec Leonard
Cohen en fond est certes inattendue, mais m'a plutôt laissé perplexe),
mais la plupart du temps, les choix artistiques donnent une sacrée
épaisseur au récit. Les effets spéciaux sont utilisés à bon escient
(contrairement à ce qui se passait dans 300), c'est beau, c'est
prenant, même les quelques références sont bien choisies, on se dit que
Snyder a réussi son pari.
Vient ensuite, pendant en gros la dernière heure, la partie plus animée du
récit. Ca commence en fanfare avec une scène jubilatoire où le Hibou et le
Spectre soyeux (j'y peux rien s'ils ont des noms grotesques) ressortent
leurs costumes pour aller sauver quelques péquenots d'un incendie, puis
délivrer Rohrschach de sa prison (avec au passage un soupçon d'éléments
gores qui font penser à Sin City), séquence qui donne envie de
bondir hors de son siège, comme on en voit plus assez au ciné de nos
jours. Et puis, hélas, ça se gâte pas mal par la suite. Les scènes de
dialogues pseudo-philosophique se font trop longues et franchement trop
pipo, et surtout l'enquête et le dénouement de l'intrigue sont très
décevants, ramenant douloureusement un film jusque là hors normes au beau
milieu du lot commun des sauvetages de monde tirés par les cheveux. Sans
compter un syndrôme de l'hydravion (ça n'en finit pas de finir) pas
totalement maitrisé. Même les quelques notes de Mozart ne suffisent plus à
sauver les dernières scènes.
Ce n'est toutefois pas une raison pour bouder cette proposition de cinéma
extrêmement intéressante, qui laisse augurer de futurs grands films dans
un créneau qui semblait pourtant commencer à saturer et peiner
sérieusement à se renouveller. Quand à Zack Snyder, je suis réconcilié
avec lui, il est définitivement capable de faire du grand et beau cinéma,
quand on lui fournit un scénario qui lui permet de ne pas se contenter
d'épater la galerie à coups de prouesses techniques. À suivre, tout ça.
Roupoil, 15 mars 2009.