Le Viêtnam encore à l'honneur ce soir, mais
contrairement aux autres oeuvres que j'ai pu critiquer sur le sujet
récemment, c'était la première fois que je voyais le film de Cimino. Je ne
peux m'empêcher de me poser une question pour commencer : mais pourquoi un
titre français aussi éloigné de l'original (The deer hunter,
c'est-à-dire le chasseur de cerf) ? Certes, celui-ci est plutôt adapté
pour un film de guerre, mais il irait mieux à Apocalypse now, par
exemple, qu'au film de Cimino qui n'est finalement pas vraiment centré sur
la guerre. Peut-être les distributeurs français ont-ils craint qu'une
traduction littérale fasse trop épisode de Très chasse.
Comme je le disais, le récit n'est pas vraiment centré sur la guerre. Ou
plutôt si, mais il se passe pas mal de choses avant et après (faut dire
qu'en trois heures, y a le temps de raconter des choses). Avant, c'est
essentiellement le mariage d'un des futurs soldats dans la communauté
russe orthodoxe d'un bled paumé dans les montagnes, avec un peu de chasse
pour justifier le titre. Pendant, on a quasiment droit qu'à quelques
séquences de roulette russe imposées par les méchants à leurs prisonniers
ricains. Et après, ben on constate les traumatismes sur les trois potes
revenus (ou pas) du Viêtnam.
Il faut bien le dire, le scénario est un peu curieusement construit. S'il
n'y a pas grand chose à dire sur la première, où les liens entre les
différents protagonistes sont vraiment bien analysés, la coupure avec la
guerre est pour le moins brutale. À la première vision, ça peut presque
passer pour un coup de génie. En y réfléchissant mieux, et au vu de la
suite du film, on pense plutôt à une ruse ingénieuse. Cimino, en ne
mmontrant quasiment rien de la guerre (et de façon plus que caricaturale)
évite d'avoir à mener une réflexion qui manifestement ne l'intéresse pas.
Tout ce qui le préocuppe, ce sont les conséquences sur les vétérans de ces
moments d'horreur. Pourquoi pas, sauf que cette dernière partie est aussi
traitée de façon peu subtile. De Niro n'arrive plus à tirer sur un cerf,
et Walken est carrément devenu un monstre lobotomisé. C'est peut-être un
peu exagéré. Heureusement, les acteurs formidables réussissent à rendre le
tout crédible de bout en bout.
La réalisation, elle, a un peu vieilli (par rapport à Apoocalypse
now, ça ne tient pas la route) mais reste assez efficace. Certes, la
première partie est longue, mais je trouve personnellement qu'elle passe
assez bien. Quand aux scènes de roulette russe, même à répétition, elle
créent une tension à la limite du soutenable.
Tout cela, allié à un scénario fort à défaut d'être bien foutu, suffit
largement à accrocher l'attention du spectateur pendant trois heures et à
lui donner l'impression d'avoir vu un grand film. On peut quand même
regretter que le film se contente finalement d'impressionner sur le coup,
sans chercher à pousser très loin sa réflexion sur la guerre. De ce point
de vue, le film est certainement surévalué, et un cran en-dessous d'autres
classiques. Mais il reste un spectacle étonnant.
Roupoil, 30 mai 2005.