Curieuse trajectoire que celle de Pedro Almodovar, quand
on y pense. Il est devenu un classique en tournant des films complètement
déjantés, et on a l'impression que c'est l'obtention de cette nouvelle
étiquette qui l'a poussé à un peu de sobriété (ou alors c'est juste l'âge
:-) ). Quoi qu'il en soit, je reste en ce qui le concerne sous le choc de
ma première expérience avec lui, à la sortie de Tout sur ma mère.
Depuis, j'ai été moins convaincu par ses films plus récents, mais plus
réceptif aux délires de ses débuts (dont je n'ai encore vu qu'une petite
partie).
Pour ce nouvel opus, Pedro reste fidèle à sa 'deuxième manière'. Pas de
personnages exotiques ou de couleurs flamboyantes, l'histoire est ancrée
dans une Espagne tout à fait ordinaire. Pour être précis, dans un petit
village, celui où ont grandi Raimunda et Sole. La première se voit assez
rapidement confrontée à un cadavre encombrant, et la seconde à de
mystérieuses apparitions, celle de leur mère censément décédée quelques
années plus tôt.
Dit comme ça, évidemment, ça ressemble pas forcément à la petite chronique
de la vie de madame tout-le-monde. Mais c'est un leurre, car l'aspect
fantastique est au fond accessoire, et l'accumulation d'efets dramatiques
(voire mélodramatiques, on est chez Almodovar, y a quand même des
traditions à respecter) dessert le film plus qu'il ne lui donne substance.
Enfin, c'est mon avis : les scènes de révélations sur le passé chargé de
nos héroïnes sont loin d'être les plus passionnantes. A croire que Pedro
n'a pas osé ajouter de sa folie coutumière au scénario, qui en pourtant eu
un peu besoin.
Au contraire, le film convainc dans ce qu'il montre de plus simple : une
femme qui fait son marché à la va-vite car elle se retouve de façon
impromptue tenancière de restaurant ; une coiffeuse à domicile qui fait
passer sa mère pour une émigrée russe auprès de ses clientes, etc... A
quoi tient le charme de ce film ? Difficile à dire, sûrement au jeu des
actrices, très convaincantes, à l'acuité de l'analyse psychologique, au
raffinement de la réalisation (je connais peu de réalisateurs qui arrivent
à âtre aussi précis qu'Almodovar jusque dans les plans les plus anodins,
qui du coup ne le sont plus), au rythme tranquille mais sûr auquel se
déroule l'intrigue.
Enfin, c'est un film où il fait bon vivre (pour les spectateurs, car au
niveau des personnages, c'est moins joyeux...). Pas assez mémorable pour
crier au chef-d'oeuvre, mais les fulgurances de style suffisent à le
placer nettement au-dessus du tout-venant.
Roupoil, 22 mai 2006.