Je dois être en train de battre de tristes records
depuis la création de cette page web, puisque près d'un mois s'est
écoulé depuis ma dernière séance ciné, durée fort rarement atteinte en
ce qui me concerne hors grandes vacances. Mais le boulot m'a laissé
assez peu de temps récemment. Dans l'intervalle, forcément, j'ai raté
quelques-uns des films que je m'étais promis de voir pour cause de
sélection cannoise au printemps dernier. Certes, Kinatay et
Visage ne faisaient pas partie de ceux qui m'emballaient le
plus a priori, mais une promesse étant ce qu'elle est, je vais essayer
de dénicher une petite salle parisienne qui les passe encore (il en rete
aujourd'hui, mais peut-être pas pour longtemps). Mais revenons donc à
nos moutons et à notre film du jour ! Celui-ci, pour le coup, faisait
plutôt partie de ceux, dans la sélection, que je serais de toute façon
allés voir avec plaisir...
Il s'agit donc de nous conter une tranche peu connue de la vie de
Mussolini : sa liaison fugace avec Ida Dalser, le fils illégitime mais
reconnu qui en a découlé, et l'abandon total ensuite de cette femme, qui
passera le reste de sa vie à se battre pour que la vérité ne disparaisse
pas, passant une partie de ses jours dans divers hôpitaux
psychiatriques.
On peut d'emblée rassurer ceux qui craignaient sur un tel sujet une
fresque historique compassée et un brin poussiéreuse, on en est très
loin. Si Bellocchio a ressorti les costumes d'époque, forcément, sa
narration et sa mise en scène n'ont rien de classique. Plus qu'une
illustration gentille d'un fait divers historique, c'est à un imagier
glamboyant que nous convie l'auteur, succession quasi ininterrompue de
scènes qui se veulent magistrales, avec assez peu de
dialogues, mais déferlement de couleurs, musique tonitruante,
incrustations d'archives et autres gadgets visuels et gros plans
fréquents sur le visage omniprésent de l'actrice principale.
Car LE personnage, ce n'est pas Mussolini, dont on ne verra au fond pas
grand chose (il disparait complètement après un tiers de film à tout
casser), si ce n'est une première scène de lit tellement grandiloquente
qu'elle en frise le ridicule (le futur Duce est à peu près résumé à un
regard, euh, certes effrayant mais un brin forcé). C'est d'ailleurs l'un
des gros problèmes du film : Bellocchio veut tellement en mettre plein
la gueule du spectateur qu'il risque en permanence de l'abrutir avec ses
effets pour le moins peu subtils. Parfois ça marche formidablement (la
scène sous la neige est superbe), mais trop souvent, c'est risible
(l'imitation du discours de Mussolini par son fils), ou simplement
indigeste. On a quand même droit à une belle variété de musiques
bourrines, avec quelques emprunts un poil incongrus (Philip Glass ??).
Autre point assez noir du film : le scénario est beaucoup trop sacrifié
à la forme. C'est bien de mettre des scènes fortes dans un film, mais
quand on ne met plus que ça, forcément, la fluidité en prend un coup.
Ici, on a droit à quelques ellipses assez curieuses, un contexte
historique qui reste très flou (malgré les fameuses images d'archives),
et aussi un déséquilibre assez flagrant entre la furie de la première
moitié et une deuxième partie qui en comparaison traine un peu en
longueur. C'est bien dommage, car il y avait pourtant beaucoup à faire
et à dire avec une telle intrigue.
Au final, et à ma grande surprise, je dois dire que le principal intérêt
du film est venu de ce qu'on en prend plein les yeux. Je ne me suis
pourtant pas trompé de salle, ce n'était pas Avatar qui passait
dans celle-là. Le réalisateur a au moins le mérite de tenter plein de
choses. Mais on ne croirait pas à voir son film qu'il s'agit d'un papy
avec près de 50 ans de tournage au compteur !
Roupoil, 21 décembre 2009.