Tiens, l'ami Woody est de retour. Après une longue
absence en ce qui me concerne, puisque son cru précédent ne m'avait pas
motivé, et que je l'avais donc joyeusement boudé. J'en avais peut-être
marre de voir Woody en Angleterre, mais l'idée d'un séjour au soleil
espagnol semblait plus intéressante. Suffisamment d'ailleurs pour que je
me fasse accompagner pour l'occasion par Deume, qui expérimentait Woody
avec ce film. Si vous êtes curieux, sachez qu'elle a aimé. Mais bon, ici
c'est moi qui critique, c'est-ce pas :-) ?
Vicky et Cristina, ce sont deux petites étudiantes américaines qui
viennent passer leur été en Espagne, et qui ont une vision de la vie
(c'est-à-dire, puisqu'on est chez Woody, de l'amour) assez radicalement
opposées : alors que Vicky s'apprête à se marier avec un jeune homme bien
sous tout rapport (comprendre un insupportable blanc-bec), Cristina est
toujours à la recherche de l'amour fou. Ca tombe bien, voilà qu'elles se
font toutes deux aborder de façon assez inattendue par un bel hidalgo, qui
aime peindre et faire l'amour. C'est le début d'un drôle de ballet
amoureux, dans lequel viendra également se joindre l'ex-femme du peintre,
au tempérament pour le moins volcanique.
Pour être franc, pendant un quart d'heure j'ai eu très peur. La voix off
très appliquée décrivant l'action, les deux filles incarnant de façon un
peu trop évidente leurs tendances, et un côté carnet de voyage insipide
m'ont fait craindre que Woody ne soit réellement devenu gâteux et n'ait
perdu son inspiration. En gros, j'attendais, assez inquiet, que le film
commence réellement. Assez curieusement, ça ne commence jamais vraiment,
au sens où on a toujours la présence de cette voix off qui commente les
petits épisodes, mais on finit par rentrer dans le film, et se rendre
compte que, ouf !, il est loin d'être aussi simple qu'il n'en a l'air.
En fait, ce film possède son propre ton, en apparence simpliste mais en
fait subtilement ironique, peut-être moins facilement charmeur que celui
de bien des Woody plus ouvertement comiques (il y a bien des passages où
on rigole ici, mais on ne peut pas dire que le film exploite vraiment le
filon comique), mais tout aussi adapté à son propos. Le propos, comme
d'habitude, ce sont les rapports homme/femme, mais disséqués de façon
vraiment réaliste, presque naturaliste. Les personnages, dans l'ensemble
joliment incarnés par un beau quatuor d'acteurs (Penelope Cruz notamment
est excellente), même s'ils sont effectivement un peu trop conformes à ce
qu'on attend d'eux, brossent un portrait varié et au fond réaliste des
comportements et réactions humains face à l'irruption attendue ou non de
l'amour dans leur vie.
Bref, encore une fois, Woody réussit son pari de nous charmer et de nous
faire nous remettre un brin en question (est-on en train de vivre une vie
de merde en refusant de l'admettre comme le faisait Vicky au début du film
? Pas que sa situation à la fin soit préférable ceci dit) avec un film
qui, s'il ne révolutionnera sûrement pas le cinéma, peut revendiquer le
statut de nouvelle petite perle à ajouter au long collier de l'indémodable
Woody Allen.
Roupoil, 29 octobre 2008.