Sacré Francis tout de même. Pour fêter les 40 ans du
Parrain, l'un des films les plus acclamés de l'histoire du septième
art, le voila qui revient avec un petit film d'horreur bricolo, fauché et
expérimental, qui sort presque dans l'indifférence générale (ceux qui ne
suivent pas de près les projets de Coppola ont de fortes chances de ne pas
avoir entendu parler de ce film avant sa sortie). Une trajectoire que
beaucoup de jeunes réalisateurs rêvent de faire ... en sens inverse.
Dans ce nouvel opus du maitre, donc, Val Kilmer en écrivain minable (il fait
dans les histoires de sorcières) qui a sombré dans l'alcool depuis la mort
accidentelle de sa fille, débarque dans un bled américain pour une séance
de dédicaces. Il y tombe sur un meurtre à coup de pieu, un shérif fana de
vampires qui veut écrire un bouquin avec lui, et un vieil hôtel où a séjourné
Edgar Poe lui-même. Sans compter une sombre histoire d'assassinat de gamins
s'étant déroulé au même endroit. Tout cela chamboule quelque peu l'équilibre
mental de notre ami.
Soyons clairs tout de suite : ceux qui tenteraient de voir le film dans le but
de frissonner un bon coup à coups de vampires qui sautent sur tout ce qui
bouge sortiront sûrement en criant à l'infame nanar. Le film est franchement
étrange, extrêmement (mais volontairement) kitsch au niveau de ses effets, et
plutôt centré sur la perte d'un être cher que sur l'horreur pure (Coppola a
lui-même fait le lien, assez évident de toute façon, avec la disparition
accidentelle de son propre fils). On a même quelque peu l'impression que
Coppola se fiche franchement du spectateur et a avant tout tourné son film
pour lui.
Autant dire que les moins fans d'entre nous risquent d'être quelque peu
déroutés. Les autres aussi (surtout quand on voit la fin de film en état
d'hypoglycémie avancée, les joies du cinéphile diabétique...) tant les
frontières entre réalité et fiction sont brouillés, et les apparitions et
élécubrations de Poe difficiles à suivre. Le mieux est sûrement de ne pas
trop chercher à comprendre, et tenter de se laisser happer par l'atmosphère
du tout. Car Coppola a gardé cette capacité à produire régulièrement des
images frappantes, et dispose ici d'un cadre idéal pour s'en donner à coeur
joie. C'est parfois à la limite du bon gout (les couleurs flashy), mais
finalement pas si éloigné que ça de l'esthétique d'un Dracula, les
moyens en moins. Suffisant pour réactiver un peu la nostalgie de l'époque
où Coppola faisait vraiment des grands films, mais évidemment très très mineur
dans la filmographie d'un tel cinéaste.
Roupoil, 25 avril 2012.