Le retour de la vengeance de la biographie hollywoodienne
avec one-man-show de l'acteur principal, épisode n (n très grand). C'est
devenu le genre à mode, et vu le succès des derniers en date, il est
vraisemblable qu'on aura droit à quelques autres fournées pour les
prochains hivers. Après tout, pourquoi pas ? Bien fait, ça peut donner un
film tout à fait correct, comme par exemple le récent Walk the
line. Ici, les ingrédients étaient réunis pour que ça tourne bien :
un personnage intéressant, un bon acteur, et pourtant...
Le personnage, c'est Truman Capote (eh ouais, le gars du titre), grand
écrivain américain qui ne doit sa relative célebrité chez nous (pas sûr
que beaucoup de gens en aient entendu parler, en fait) qu'à un livre,
De sang-froid, récit de sa rencontre avec deux tueurs ayant
massacré une famille de fermiers dans le Kansas (je vous rassure tout de
suite, je n'ai pas lu le bouquin). C'est la genèse de ce livre que nous
conte le film, qui se concentre uniquement sur le point de vue de Capote
lui-même.
Le personnage principal est effectivement de tous les plans ou presque,
campé de façon assez saisissante par Philip Seymour Hoffman. C'est
d'ailleurs curieux car, même sans avoir l'ombre d'une idée de ce à quoi
ressemblait le vrai Capote, on y croit, grâce aux postures et auparler
très étudiés de l'acteur. Qu'on lui ait donné l'oscar pour ce rôle, ma
foi, pourquoi pas, mais un bon acteur ne faisant pas un bon film,
attardons-nous un peu plus sur le reste.
La réalisation fait pour le moins preuve de sobriété. Ou même plutôt de
sécheresse. C'est manifestement assumé, et on peut pas vraiment en vouloir
au réalisateur, dont c'est le premier film, d'avoir voulu s'effacer pour
laisser tout la place à son sujet, mais la question du bien-fondé de ce
choix se pose cruellement. Si les quelques scènes fortes du film
(reconstitution du massacre, pendaison finale) sont effectivement
convaincantes, elle ne constituent que dix minutes sur tout le film, le
reste n'étant pas vraiment du style plaidoyer, mais plutôt étude de
caractère.
Et là, ça ne va plus du tout. On voit Truman en train de discuter avec mes
meurtiers, Truman écrivant son bouquin, Truman au téléphone, Truman
faisant rire les gens lors de soirées mondaines, et on cherche vainement
l'intérêt de cet alignement de scènes assez plates, d'autant plus qu'elles
ne nous aident pas franchement à mieux décrypter la personnalité de
l'écrivain. Capote passe plus ou moins pour égocentrique manipulateur,
mais pas une fois on ne saisit les raisons profondes de son comportement.
Du coup, on finit par ne lus regarder que la peformance de l'acteur, et
par renoncer à comprendre le personnage qui se cache derrière. S'endormir
est également une option tout à fait viable.
Bref, je ne conseille pas, et surtout je ne comprends pas bien (une fois
de plus...) l'enthousiasme plus ou moins général qui accompagne la sortie
de ce film. C'est certes pas mal fait, mais j'ose espérer qu'il en faut
plus pour attirer les foules et les récompenses, et ce film n'a guère
d'atouts à sa disposition.
Roupoil, 19 mars 2006.