Les westerns ne courrent plus les rues de nos jours. Du
moins, c'est ce que la critique serine à chaque fois qu'un nouveau film du
genre sort sur nos écrans, ce qui n'arive pas si rarement que ce qu'on
voudrait bien nous faire croire. Est-ce un prétexte pour exacerber les
vertus du premier film de Tommy Lee Jones, qu'on n'avait jusque-là croisé
comme acteurs dans divers navets ? Face à son gros succès à Cannes, la
moindre des choses était d'aller vérifier par soi-même...
Quelque part au fin fond du Texas, tout près de la frontière mexivaine, la
vie suit son cours, assez lentement il faut bien l'avouer. Jusqu'au jour
où la police locale retrouve le corps d'un clandestin mexicain, enterré à
la va-vite quelques jours plus tôt. C'est le Melquiades Estrada du titre,
qui aura donc droit à un deuxième enterrement plus officiel, puis à un
troisième après un long périple. Pourquoi ? Car son ami Pete Perkins lui
avait juré de ramener son corps au pays en cas de malheur, et celui-ci met
donc tout en oeuvre pour coincer le meurtrier de Melquiades.
Western ? Oui, pour les paysages désolés de l'Amérique profonde. Mais ne
vous attendez pas à des des fusillades à répétition. Polar ? Dans la
mesure où le coupable est très vite connu, ce n'est pas vraiment l'intérêt
du film non plus. Jones et son scénariste visent plus haut, cherchant à
faire de cette curieuse odyssée une aventure humaine et moralisatrice
avant tout. Ambitieux ? Oui, mais plutôt alléchant. Encore faut-il que le
film tienne ses promesses...
Et il faut bien l'avouer, pendant la première moitié, on est déçus. Ce
n'est pas franchement mauvais, mais il n'ya tout de même là rien de bien
palpitant ni original. Jones sait tenir une caméra mais n'est pas
franchement un réalisateur inspiré (les petites scènes de transition
coupées au bout de dix secondes font plus toc qu'autre chose), c'est un
acteur solide mais pas un génie de la nuance (étonnant que la tête
d'enterrement, c'est le cas de le dire, qu'il tire tout au long du film
lui ait valu un prix d'interprétation à Cannes, alors que Pepper dans le
rôle du "méchant" est beaucoup plus présent), et la galerie de personnages
est d'un classicisme à faire bailler même le petit jeune que je suis. Pour
qu'on ne s'ennuie pas trop, le scénariste a eu l'idée de nous raconter
l'histoire dans un ordre assez aléatoire, tout en la laissant parfaitement
compréhensible. Pourquoi pas, même si on se demande quel est l'effet
recherché. Le meilleur de cette première, ce sont finalement peut-être les
petites doses d'humour insufflées par moment, assez anecdotiques, mais
efficaces (et pour les plus Roupoils d'entre nous, les yeux de January
Jones, qu'il fallait bien que je cite pour faire plaisir à mon public).
A peu près à la moitié du film, Perkins et le meurtrier (enfin alpagué)
entament un bout de voyage vers le Mexique en compagnie du cadavre, et le
film change de ton. En fait, il trouve enfin un ton un peu moins neutre,
et ce n'est pas plus mal. Mine de rien, il arrive à faire passer son
message un peu balourd (en gros, les mexicains sont des gens bien, et le
vilain ricain débile finira par être éclairé) de façon assez discrète
(oui, bon, certes, les mexicains sont peut-être un peu trop présentés
comme des gentils), en s'attardant le plus souvent sur les petites
péripéties du voyage. Tommy Lee Jones finit par convaincre dans son rôle,
et on ressort en ayant pas eu l'impression de perdre son temps.
Pour un premier, c'est finalement un bilan tout à fait honnête. Mais on se
demande toujours pourquoi tant de foin a été fait autour de cette oeuvre
sympathique, mais qui n'a certainement pas les moyens de se battre dans la
cour des grands.
Roupoil, 26 novembre 2005.