Avant même de le revoir, je savais que je n'allais pas
pouvoir dire du mal de ce film, car j'ai une petite faiblesse pour lui :
c'est celui qui m'a fait découvrir le monde fantasque d'Almodovar, et qui
plus est c'est une des rares découvertes cinéphiliques de mes années de
prépa, on l'avait vu à sa sortie avec une bande de copains à sa sortie et
j'avais énormément aimé. Jouons une fois de plus le jeu du "quelques
années et beaucoup de film plus tard".
La mère du titre, c'est Manuela, une infirmière qui vit seule avec son
fils de 17 ans, à qui elle fait croire depuis sa naissance que son père
est mort. Il décèdera lui-même accidentellement avoir d'avoir pu savoir la
vérité. C'est l'occasion pour Manuela d'un pèlerinage sur les terres de
son passé, peuplées de prostituées, de transsexuels et de drogués. Dans
cette étrange population se cache une humanité débordante.
Ne le cachons pas, l'effet n'a pas tout à fait été le même qu'à la
première vision. En grande raison parce que, depuis, j'ai eu l'occasion de
voir plusieurs films du grand Pedro, quelques-uns antérieurs à celui-ci,
dans la période Movida du réalisateur, d'autres plus récents. Cette oeuvre
occupe une place assez particulière dans la filmographie d'Almodovar, dans
le sens où il s'agit peut-être de celle qui l'a fait passer dans le rang
des réalisateurs unaniment respectés, lui qui avait débuté comme trublion
controversé. Et en la revoyant, on se rend compte que c'est un peu une
énorme arnaque : sur le fond, Pedro s'est tellement assagi que son sujet
n'est finalement qu'un mélodrame extrêmement conventionnel. Mais il a
peuplé son histoire de personnages résolument hauts en couleur, pour
épicer son propos et opérer une sorte de mélange entre son univers
décadent et un déroulement gentiment axé grand public.
Mais Pedro est malin comme un singe, et il mène tellement bien son affaire
qu'on ne voit même plus les grosses ficelles mal cachées dans le fond. Les
personnages sont inoubliables, les actrices excellentes, les dialogues
bien fichus, et la réalisation redoutablement efficace. Alors on suit les
mésaventures de Manuela en riant et en pleurant comme on nous y incite, et
on dit merci à Pedro pour arriver à nous faire passer pour naturel les
plus invraisemblables péripéties (la bonne soeur enceinte du
transsexuel...).
Avec le recul, on préférera peut-être la gentille folie d'un Femmes au
bord de la crise de nerfs (même si le scénario n'y est pas non plus
d'une solidité à toute épreuve), mais cette nouvelle veine d'Almodovar
(reproduite avec succès depuis) est hautement conseillée également.
Roupoil, 10 avril 2007.