A peine de retour de vacances, hâtons-nous de taper les
critiques des films vus avant de partir avant de les avoir complètement
oubliés. Pour finir une petite après-midi enfermé dans les salles obscures
avant quelques jours d'abstinence, j'avais donc choisi un film soi disant
léger, intelligent, voire brillant, bref susceptible de me mettre de bonne
humeur.
Mais méfions-nous de Winterbottom, spécialiste ès supercheries en tout
genres. La dernière fois que j'ai vu un film de lui au cinéma, il
prétendait transcendait le film de cul en l'assaisonnant à la sauce rock.
En fait, c'était juste un film de cul (9 songs, critique
disponible sur votre page web préférée). Ici, il prétend (de loin) faire
l'adaptation d'un classique de la littérature anglaise dont je n'avais
comme il se doit jamais entendu parler, narrant la vie d'un certain
Tristram Shandy. Le bouquin est réputé inadaptable, ne comptez pas sur le
film pour vous faire une opinion sur le sujet. Après avoir fait semblant
pendant cinq minutes de tourner un film sur le tournage de l'adaptation,
avec Steve Coogan en vedette, Winterbottom va plus loin, le sujet du film
devenant plus ou moins Coogan lui--même, certes toujours en train de
tourner, mais Tristram Shandy passe au second plan (et encore, je suis
gentil).
Bref, la plupart du temps, on se ballade dans les coulisses, un peu à la
manière d'un making of. Sauf qu'ici il n'y a vraiment pas de film caché
derrière le making of, et que par ailleurs persiste une ambiguïté
permanente entre la réalité du tournage et ce qui nous est montrés (un
exemple parmi tant d'autres, les déboires de Coogan avec la presse à
scandale semblent tout à fait réalistes, mais sont pourtant manifestement
scénarisés. Il faut s'accrocher pour suivre ... ou pas, car
l'intérêt n'est pas vraiment là.
L'idée de faire un film le plus confus possible, plein d'allusions et de
gags à des degrés divers souvent élevés, est en soi plutôt réjouissante,
d'autant plus que Winterbottom est loin d'être le permier rigolo venu et
que les dialoguistes se sont fait plaisir au niveau des allusions au monde
du cinéma (au passage, si vous ne connaissez pas un poil de Fassbinder par
exemple, vous allez être largué par moments). Et pourtant, je ne me suis
pas vraiment amusé en regardant ce film, et même franchement ennuyé par
moments. Peut-être y a-t-il simplement trop de tout : trop de niveaux de
lecture, trop de confusion sur le plateau (la caméra virevolte pas mal,
c'est dur quand on est à son troisième film de la journée)trop
d'insistance sur certains points (la naissance de Shandy, qui est à peu
près la seule scène historique du film) et trop de bons mots planqués dans
les coins en même temps (du coup, même si on les trouve biens vus, on ne
s'y prépare pas et ils ratent leur effet), trop d'antipathie dans le faux
Steve Coogan, etc...
Du coup, je suis resté bien trop en dehors du film pour en profiter
réellement. J'ai bien souri à quelques moments, mais le bilan reste fort
maigre. Certains spectateurs dans la salle ont semblé apprécier, tant
mieux pour eux, mais c'est tout de même un très curieux film que celui-ci,
qui balance un peu par les fenêtres toutes ses bonnes idées.
Roupoil, 24 juillet 2006.