Bien quil soit sorti juste à l'époque où je suis sorti de
l'état larvaire qui caractérisa le début de mes études pour me consacrer
plus activement à ma cinéphilie, j'ai raté ce film en salles, et je le
découvrais donc hier via le DVD (après une première tentative avortée
suite à une VF aux uniques vertus comiques). Mais j'avais bien sûr eu
l'occasion de voir un avant-goût de ses célèbres combats, tant ils ont
engendré de reprises et caricatures diverses.
Mais avant l'action, Ang Lee, en réalisateur soigneux qui tuerait père et
mère plutôt que de surprendre le spectateur, nous inflige quelques minutes
de présentation du cadre et des personnages. Chine médiévale, le grand
guerrier Li Mu Bai revient chez lui et confie son épée Destinée à Shu Lien
(qui est amoureuse de lui plus ou moins en secret depuis des lustres) qui
doit elle-même la remettre au seigneur Tê à Pékin. Pas de pot, elle se
fait voler le soir-même ; cela aurait-il un lien avec la présence en ville
du seigneur Yu, qui vient marier sa fille ?
Ne vous attendez pas pour autant à une enquête à suspense, celui-ci étant
désamorcé avant même que celle-là puisse commencer. C'est un peu dommage
d'ailleurs, car le scénario se contente du coup d'une fausse
course-poursuite entre les cinq protagonistes principaux, dont l'intérêt
est pour le moins limité. L'un d'eux débarque d'ailleurs de nulle part en
plein milieu du film, comme si on s'était rendu compte que l'intrigue
tournait en rond, et nous vaut un long flash-back miévro-romantique dans
le désert qui s'enlise à peu près autant que l'intrigue principale. Les
motivations des personages, qui ne sont pourtant pas très profondes, nous
sont assénées lors de scènes dialoguées d'une platitude confinant à
l'ennui irréversible, et les auteurs réussissent tout de même à nous
larguer par moments dans ce scénario poussif.
Heureusement, par moments, on peut oublier l'intrigue et se concentrer sur
les images. Déjà, une réussite incontestable, ce sont les décors,
costumes, et surtout paysages magnifiques. Et pour le coup, ce n'est pas
la caméra un peu paresseuse d'Ang Lee qui va nous empêcher d'en profiter.
Et les combats, me direz-vous ? Eh bien, première constatation, on a beau
être prévenu, quand on voir les héros s'envoler sur les toits en battant
des pieds dans les airs, ça surprend. Etait-ce vraiment nécessaire ? A mon
avis, non, car on nage parfois aux frontières du ridicule (le duel dans
les bambous n'est vraiment pas le meilleur moment du film) et que ce sont
les combats plus classiques, où les protagonistes se contentent
d'acrobaties au sol, qui sont le plus convaincants. Par moments, la
précision de la chorégraphie les rend même magiques, il faut bien
l'avouer.
Mais, deux ou trois beaux combats ne faisant pas un film, loin s'en faut,
je reste sur une impression très mitigée. Il y avait certainement là une
idée, et de quoi faire peut-être le grand film que certains y ont vu. Mais
pas avec un scénario aussi décevant, qui casse tout le rythme créé par les
combats (note au passage, le musique m'a semblé bien fade également). Un
essai pas vraiment transformé à mon avis, mais Ang Lee se repose sur ses
lauriers depuis trop longtemps pour y préter attention.
Roupoil, 14 mai 2006.