Déjà dix ans de carrière pour Darren Aronofsky, fêtés
avec ce qui n'est finalement que son quatrième film. Il a malgré tout fait
un sacré bout de chemin depuis ses débuts marquants avec Pi, au
point de devenir une valeur sûre de la jeune génération, et de partir avec
ce dernier film à la course aux récompenses, avec le retour en grâce de
Micket Rourke à la clé. Comme j'avais laissé l'ami Darren un peu perplexe
après la vision de son The fountain, j'étais curieux de voir ce
qu'il allait donner dans un registre apparemment beaucoup plus sobre.
Randy Robinson est une légende vivante du catch. Dans les années 80, il a
fait une brillante carrière, dont le sommet fut un combat légendaire
contre un énergumène se faisant appeler l'Ayatollah. Vongt ans plus tard,
Randy catche toujours, mais il a vieilli et sa gloire aussi. Il vit dans
une caravane, a bien du mal à payer son loyer, traine dans les clubs de
strip-tease et a laissé tomber sa fille. est-il trop tard pour essayer de
se racheter une conduite ? En tout cas, l'heure des choix va venir pour
Randy, de gré ou de force, quand son corps va lui lancer quelques signaux
d'alarme.
Et alors, Aronofsky donne dans le réalisme social maintenant ? Oui et non,
en fait. Certes, le sujet et l'approche vaguement documentaire du catch
pourraient laisser penser qu'il a effectué un changement de cap radical,
mais en pratique, même s'il a laissé de côté les artifices de réalisation
"clipesques" d'un Requiem for a dream, la caméra à l'épaule n'est
pas vraiment une découverte pour lui, et le tout reste très léché (c'est
pas la sécheresse d'un film d'auteur roumain, quoi). Bon, bien sûr,
l'image est moins belle, et on a droit à un peu moins de musique de Clint
Mansell (mais un peu quand même, et c'est toujours aussi bien).
Pour le reste, on peut dire que le film remplit parfaitement et sobrement
son contrat. Rourke a indiscutablement la tête de l'emploi, la découverte
des coulisses du catch est à la fois surprenante et un peu terrifiante (du
chiqué peut-être, mais quand il y a des barbelés sur le ring, ce n'est pas
de tout repos quand même), et surtout les scènes destinées à faire pleurer
le chaland sont d'une redoutable efficacité (celles entre Randy et sa
fille notamment). Qui plus est, si le scénario n'évite pas quelques
retournements un peu attendus, il a au moins le bon goût de ne pas tomber
dans la facilité du happy end mielleux et pas crédible.
Bref, si ce n'est pas un choc comme avait pu nous en assener le
réalisateur avec ses premiers films, c'est une oeuvre d'une grande
solidité, qui marque peut-être le début d'une nouvelle période pour lui.
Nul doute qu'il nous réserve encore beaucoup de belles surprises pour les
années à venir.
Roupoil, 7 mars 2009.