Comment enchainer après avoir secoué la planète du cinéma
dès son deuxième film (pour ceux qui dorment encore, doncez voir
Requiem for a dream avant de lire la suite de cette critique) ?
Pour répondre cette question, Darren Aronofsky a pris son temps (un peu à
l'insu de son plein gré, apparemment), et c'est donc après sept longues
années d'absence (et encore plus de visions de ses deux premiers films en
ce qui me concerne) que nous le retrouvons pour une oeuvre qui n'a pas
l'air de faire l'unanimité...
L'histoire principale est celle de Tommy, qui fait de la recherche
médicale sur des singes en espérant pouvoir trouver à temps de quoi sauver
sa femme, elle-même atteinte d'une tumeur en pleine expansion. Mais il est
aussi question de Tomas, conquistador espagnol parti au coeur de la jungle
amazonienne à la recherche de l'immortalité (rien que ça) pour en faire
don à sa reine (de coeur accessoirement). Tomas ressemble beaucoup à
Tommy, mais n'est-il pas simplement le personnage principal du livre que
sa femme (celle de Tommy) est en train d'écrire ? Et ce dernier personnage
qui flotte dans l'espace au sein de sa bulle, qui est-il et que
cherche-t-il exactement ?
Le moins qu'on puisse dire, c'est que l'intrigue n'est pas évidente à
résumer. On se raccroche comme on peut à la partie qui se déroule dans le
présent, mais ça finit par partir résolument dans le délire mystique.
Pourquoi pas au fond, mais n'est pas Lynch qui veut, et faire un film
imbitable sans raison est difficilement défendable. Ici, on peut certes
trouver tout un tas d'interprétation à ce qui nous est présenté à l'écran,
mais on a quand même la fâcheuse impression qu'Aronofsky est parti dans
son trip en nous laissant un peu sur le bord de la route. Accessoirement,
ou pas, ses acteurs aussi semblent avoir du mal à le suivre. Vous serez
prévenus, on est plus près de l'inspiration de Pi que de celle de
Requiem for a dream, et on va même beaucoup plus loin.
S'il est en tout cas bien un reproche qu'on ne saurait faire à Aronofsky,
c'est de ne pas assumer. Il est resté fidèle à son style, tout en évitant
de se répéter (ce qu'on pouvait craindre vu la très forte ressemblance
formelle entre ses deux premiers films). Et si côté scénar c'est bien
parti en vrille, visuellement ça s'est plutôt calmé (fini les séquences
répétitives et speedées), et c'est loin d'être critique, car l'univers
dans lequel on est plongé est tellement beau que sa simple contemplation
suffit à rendre la vision du film fascinante. Même remarque pour la
musique de Mansell, qui s'est aussi renouvelée, tout en restant
magnifique.
Un écrin magnifique, donc, mais ce qu'il y a à l'intérieur a de quoi
rendre perplexe. Pas surprenant que certains adorent et que d'autres y
soient allergiques. Je me place dans un prudent entre deux. C'est
indiscutablement du cinéma intéressant, en dehors des sentiers battus.
Mais l'attente était si forte qu'on est forcément en partie déçus. On
reviendra tout de même pour ton prochain film, Darren, mais cette fois-ci,
essaie de pas nous lâcher en cours de route !
Roupoil, 28 décembre 2005.