Au milieu des grosse productions hollywoodiennes qui se
bousculent à l'affiche cet automne (enfin, comme d'habitude, quoi), se
cachait subtilement un intrus : gros moyens, grosse reconstitution (la
deuxième guerre, pour chenger), grosse durée (2H30) et même un réalisateur
qui a trainé sa bosse un moment aux Etats-Unis avant de revenir dans son
Europe natale. C'est même la principale raison qui m'a poussé à voir le
film, Verhoeven étant connu pour sa capacité à détourner tout ce qui lui
passe sous la main, y compris le projet le plus bateau qui soit (repensons
à Robocop et surtout à Starship Troopers). Ayant
apparemment eu une certaine liberté d'action pour ce projet, on était en
droit d'attendre le meilleur.
Verhoeven entame d'ailleurs avec un procédé inédit au cinéma : il commence
par la fin !! Bon, je me fous un peu de lui : oui, il construit son film
en flash-back, c'est un peu facile. Mais passons, on se retrouve donc au
début de la guerre, où la jeune Rachel, juive comme son nom l'indique, se
planque. On a à peine le temps de saisir la situation, qu'elle se retrouve
pourchassée, puis que sa famille se fait massacrer, et qu'elle s'engage
dans la résistance. Illico, les événements s'enchainent, elle doit draguer
un officier nazi pas si méchant qu'il n'en a lair.
Le défaut majeur du film est là : ça enchaine pendant deux heures et
demie, sans un seul moment de répit, les morceaux de bravoure et les
scènes capitales pour le déroulement de l'intrigue. Certes, on ne risque
pas de s'ennuyer. Mais le procédé est hélas fatal pour la psychologie des
personnages, qui est complètement noyée dans le flot des événements. Pas
une seule fois on a droit à une petite scène dialoguée pour éclircir un
peu les motivations profondes des protagonistes. Du coup, ceux-ci sont
réduits à leurs actes, et frolent forcément la caricature. Ceux qui ont
trouvé le film ambigu et non manichéen se foutent un peu du monde, ce
n'est pas parce qu'un nazi est gentil qu'il n'est pas complément cliché
(ici, Müntze n'a pas une once de nuance dans son comportement). Justement,
l'ambiguïté qui aurait du être le coeur du film passe presque inaperçue
(même pas moyen d'être choqué de la trahison du méchant, puisqu'on ne la
comprend absolument pas).
C'est d'autant plus dommage qu'on sait Verhoeven capable de dépasser le
film gentillet sans prise de risque. Ici, on a juste l'impression qu'il a
placé quelques scènes pseudo trash pour faire coucou à ses fans, mais il
reste cantonné dans un classicisme surprenant (voire même daté !). Par
ailleurs, ce n'est pas ce que je lui reproche, car c'est techniquement
superbe : images léchées tout le long du film, musique peut-être trop
présente mais moi j'aime bien, réalisation fluide, et qui plus est les
acteurs sont bons. Ce sont d'ailleurs eux qui évitent à leurs personnages
de sombrer dans le ridicule par moments (celui qui me prétend que le
personnage de Theo n'est pas une complète caricature n'est vraiment pas
objecitf).
Je suis sûrement un peu sévère avec ce film devant lequel on passe
finalement un bon moment, mais je pense qu'il sera de mon esprit d'ici
quelques jours, et je ne vois pas de raison d'être indulgent avec une
grosse production. Quelque part, la qualité technique, c'est le minimum
qu'on puisse demander d'un tel film. Ici, On n'a pas beaucoup plus.o
Roupoil, 17 décembre 2006