Parmi les films français sélectionnés cette annéeà Cannes,
cet Artist au titre fleurant bon le Shakespeare était clairement le
moins tricolore. Des stars américaines à l'affiche, une intrigue se déroulant
à Hollywood, et pas le moindre mot de français prononcé. Et pour cause,
pusique le film est muet ! Après quelques zouaveries dans la peau d'OSS 117,
Jean Dujardin revient donc hanter le cinéma de Michel Hazanavicius, mais
côté plus sérieux cette fois, avec un prix d'interprétation sur la Croisette
à la clé, et même de folles rumeurs concernant les Oscars. Diable, le duo
a-t-il donc tant changé que ça ?
Si le film est muet, et en noir et blanc, c'est qu'il se déroule à une
époque déjà explorée par quelques classiques du grand écran, le passage au
cinéma parlant à la fin des années 20. Le moustachu George Valentin, grande
star du muet, est confronté à cette révolution et voit son statut vaciller,
alors que la jeune Peppy Miller qu'il a contribué à lancer, et qui est une de
ses fans les plus fidèles, suit une trajectoire inverse.
Tout cela vous rappelle quelque chose ? Au hasard, Chantons sous la
pluie (et d'autres que je n'ai pas vus) ? C'est normal, le réalisateur
a souhaité avec ce film faire un hommage à quelques classiques du cinéma, et
ne cache pas que son scénario est sous forte influence. Idée sympa, mais au
fond un peu décevante, car ce qui était sur le papier un film d'une folle
audace (du muet en 2011 ? Trop cool !) se révèle finalement un parcours
très balisé et déjà vu, avec une prise de risque somme toute très limitée.
On a même parfois l'impression, avec l'insertion de pas mal de panneaux de
diqlogues, que le film a un peu peur de son parti pris. Mais justement, un
peu plus de fantaisie aurait pu l'enrichir formidablement, comme lors de cette
très intéressante séquence où Valentin se met à entendre le bruit des objets
qui l'entourent, tout en étant incapable d'émettre lui-même un son.
Ces réserves émises, le film reste tout à fait agréable à regarder, porté par
des acteurs convaincus et convaincants, un chien parfait, et surtout un
rythme suffisamment enlevé pour qu'on ne décroche jamais, alternant les
moments franchement comiques avec la progression d'une intrigue tout de
même relativement dramatique. Ca tourne un poil en rond sur la fin, mais on
est tout de même heureux que le happy end, un peu facile mais pas idiot,
pointe le bout de son nez.
Bref, bien que n'ayant pas tenté son pari avec toute la folie qu'il méritait,
Hazanavicius l'a réussi : faire un film complètement anachronique et qui tient
pourtant fort bien la comparaison avec ses contemporains. Les Oscars ? C'est
largement exagéré, mais il est vrai que les américains ont tellement de mal
à pondre autre chose que de la bouse de nos jours que ça doit leut faire
bizarre de voir un film qui ne soit pas une copie directe d'un autre, et qui
soit divertissant.
Roupoil, 28 novembre 2011.