Il y a de cela un peu plus de deux ans, j'étais tout
emoustillé à l'idée d'aller admirer sur grand écran le retour d'un géant
du cinéma, Francis Ford Coppola. La désillusion fut assez cruelle, et le
souvenir en est encore suffisamment fort pour que je ne me sois pas
vraiment précipité sur sa nouvelle tentative (au moins, le Coppola a
l'air d'avoir retrouvé le rythme). D'autant que le scénario ne me
semblait pas très emballant sur le papier. Mais j'ai fini par me décider
malgré tout à retenter l'expérience.
Buenos Aires, en Argentine, le jeune Benny, qui bosse en temps que
serveur sur un paquebot, profite d'une escale technique pour aller
frapper à la porte de son frère. Ce dernier, écrivain raté, a coupé
complètement les ponts avec sa famille une dizaine d'années auparavant.
De lourds secrets semblent peser sur ses relations avec ses proches, et
notamment son père, brillant chef d'orchestre au charisme un peu trop
imposant. Benny commence, à sa manière, à tenter de fouiller le passé,
malgré le peu de bonne volonté mis par son grand frère.
Des histoires de famille ? Oui, et pas extrêmement originales qui plus
est, avec quelques coups de théâtres un peu trop prévisibles et une
tendance à accumuler les coïncidences qui sent un peu trop le scénario
de cinéma. Et puis après tout, qu'importe, puisque justement, Coppola
est là pour en faire du cinéma, et qu'il nous donne même une sacrée
leçon en la matière !
En fait de cinéma, il convoque au chevet de son film le théâtre, la
musique, la danse, bref à peu de choses près tous les arts pour appuyer
une mise en scène grandiose qui nous réserve quelques moments : image
superbe, acteurs convaincants, quelques bouts de dialogue bien trouvés,
et nous voila embarqués dans un tourbillon de spectacle qui représente
sûrement l'un des films les plus enthousiasmants de l'année (je parle de
celle qui vient de se terminer). Coppola va même jusqu'à se permettre un
final complètement en apesanteur, fantasmé comme si ce qu'on nous
montrait n'était plus tout à fait réel, et magnifiquement appuyé de très
belles scènes de danse en couleur (le film étant quant à lui très
majoritairement en noir et blanc).
Alors, ça y est, Coppola a retrouvé la voie du chef-d'oeuvre ? Peut-être
pas tout à fait, car il y a tout de même dans tout cela des points
beaucoup plus faibles. La critique de théâtre étrange, notamment, est un
personnage qui ne m'a pas du tout convaincu, et plus globalement tout ce
qui tourne autour du théâtre dans le film me semble peu inspiré (alors
que le côté musical, lui, est très réussi). Mais on est tout de même
déjà bien haut, et ce film laisse très loin derrière lui l'amer souvenir
de la précédente tentative de Coppola.
Roupoil, 15 janvier 2010.