Après un film franchement calibré et un faussement
délirant (le dernier Gondry), je me décide sur un coup de tête à aller
explorer les méandres du cinéma bis (voire plus...) avec ce film hongrois
dont l'affiche et les commentaires que j'avais pu en avoir laissaient
entendre qu'il serait assez perturbant. Confiant dans ma relative
insensibilité aux images violentes, j'y fonce à peine mon déjeuner fini.
Je vais tout de suite faire un gros warning : clairement, ce film ne
s'adresse pas à tout le monde. Les images sont souvent extrêmes (du sexe,
du vomi, du découpage d'organes filmé de près, entre autres), n'y allez
pas si vous ne le sentez pas...
Il s'agit de l'histoire de trois hommes, trois générations d'une même
famille, chacun portant sa part de bizarrerie, toujours en rapport étroit
avec le corps. Le premier est un onaniste forcené, le second mangeur
sportif professionnel (eh ouais), et le dernier de la lignée taxidermiste
(d'où le titre), mais aux ambitions un peu particulières. Le cinéaste
consacre approximativement une demi-heure à chaque, mais si les deux
derniers ont droit à une narration aseez classique (l'évolution de la
carrière pour le bouffeur, les engueulades avec le père pour le
taxidermiste), le premier tiers est beaucoup moins clairement construit,
suite de scènes étranges basculant parfois vers le fantasme.
A posteriori, c'est sûrement cette première partie qui est la plus
séduisante. On se demande un peu où on est au début, et les dialogues tout
comme les images sont assez lourds, mais c'est visuellement fascinant.
L'atmosphère est intrigante (on a vraiment l'impression que tout ça se
déroule au milieu de nulle part), et Palfi sort à quelques reprises des
plans d'une beauté foudroyante : le plan tournant sur la baignoire
notamment (oui, je sais, dit comme ça, ça peut paraitre curieux) est
absolument magnifique, l'un de mes plus beaux moments de cinéma ces
dernières années, rien que ça.
La suite est un tout petit moins convaincante, le fait d'avoir un peu plus
de rigueur narrative semblant contraindre le réalisateur à des scènes
bêtement dramatiques (au sens premier du terme : qui font avancer
l'action) qui font un peu pâle figure comparées au reste. Dans le dernier
tiers, les scènes entre le fils et le père paraissent même étrangement
creuses. Reste, la plupart du temps, des scènes volontairement
dérangeantes (et toujours aussi maitrisées) qui font leur petit effet, et
une fin assez impressionnante. Certains n'ont pas manqué de trouver
l'accumulation d'images extrêmes gratuite. Je ne suis pas tout à fait
d'accord : Palfi en fait peut-être un peu trop (les découpages sur la fin
auraient pu être abrégés, mais je ne pense pas que ça aurait changé l'avis
de ceux que ça a choqué), mais il a toujours ses raisons. Après, le fait
que le film soit essentiellement fondé sur les horreurs du scénario et les
expérimentations visuelles est discutable...
En ce qui me concerne, j'ai aimé. Vraiment. Mais, peut-être plus que pour
tout autre film, il est indispensable de voir pour se forger son avis. En
tout cas, je ne manquerai pas de suivre l'évolution de ce garçon, qui en
est presque à ses débuts. Il a des horreurs dans la tête, mais de l'or
dans les mains...
Roupoil, 1 septembre 2006.