Comme vous le savez tous, 2012, c'est la fin du
monde. Une aubaine absolue pour les cinéastes de tous bords, soucieux de
présenter leur vision de la fin du monde. Et mine de rien, il y a de la
variété, car à côté de l'inévitable 2012 signé Roland Emmerich
(critique à venir sur ce site) et autres blockbusters plus ou moins
gonflés de l'effet spécial et ratatinés du scénario qui lui ont emboîté
le pas, se trouvent aussi des visions plus personnelles colportés par le
cinéma indépendant. Parmi celle-ci, on peut même trouver un film
quasi-unanimement qualifié de chef-d'oeuvre par la critique, le Take
shelter de Jeff Nichols.
Bon, mais alors, c'est vraiment la fin du monde et ça pète de partout ?
Oui et non. En fait, pour l'instant, l'apocalypse n'est que dans la tête
de Curtis, brave américain moyen père de famille (il a une fille sourde)
vivant dans une maison comme on en voit dans tous les films américains
(comprendre un truc immense au milieu des champs avec un brave toutou
pour occuper l'espace). Il se met à rêver d'une formidable tempête
balayant tout sur son passage et perturbant sérieusement le comportement
de ses proches (pensez, le brave toutou se met à mordre !). Les rêves
étant récurrents et agressifs (ses blessures ont beau être virtuelles,
il a mal pendant des heures), Curtis se met à se comporter bizarrement,
voit un psy en cachette, et commence des travaux pour agrandir son abri
anti-tempête.
Vous l'aurez compris, le film n'est certainement pas orienté
science-fiction, mais bien psychologie. Curtis est-il un visionnaire
génial ou un illuminé façon Paco Rabanne ? Le film se décide à donner
une réponse tout à la fin, mais peu importe, toutes les explications
sont raisonnables. Ce qui est intéressant, c'est de voir cet homme seul
contre tous, doutant manifestement lui-même de ce qu'il est en train de
faire, menant peut-être sa famille à la ruine (financière) sans raison.
Il va de soi que l'entourage est assez peu compréhensif, à l'exception
de sa femme qui alterne entre grande inquiétude et soutien sans faille.
Eh ben, mine de rien, sans grand coup de théâtre ni effets
spectaculaires, le film réussit à faire monter la tension, et à nous
intéresser vraiment au destin de son personnage principal. Il faut dire que
Nichols sait installer l'ambiance, les plans sont souvent très beaux et les
acteurs bien dirigés. Après, ça va de soi, il faut aimer les films d'ambiance,
certains trouveront sûrement ça tout bonnement chiant (d'ailleurs, j'ai vu des
comparaisons avec du Malick, comme quoi le risque est grand). C'est en tout
cas indiscutablement répétitif, notamment avec ces nombreuses scènes de rêve
qui se ressemblent somme toute pas mal.
Bref, c'est du film d'auteur, auquel on peut adhérer ou non. Sans aller
jusqu'à crier au chef-d'oeuvre (la critique a peut-être un peu trop fumé,
il n'y a rien non plus là-dedans de foudroyant), j'ai été séduit. Sûrement
beaucoup plus intéressant que 2012, pour en revenir là. Mais nettement
moins tape-à-l'oeil, c'est certain.
Roupoil, 5 février 2012.