Garçon, un Kubrick vieux cru, s'il vous plait ! Je
n'avais pas vu celui-ci depuis fort longtemps, à une époque où je
regardais encore les peplum le soir à la télé avec mes parents (ça doit
d'ailleurs faire un moment que nos chères chaines nationales ne se
risquent plus à passer ce genre de films). Film de commande et plus ou
moins renié par Kubrick ensuite, mais une pierre de plus à l'incroyable
éclectisme du maitre. Les bastons en jupons à la mode Kubrick, à quoi donc
cela ressemble-t-il ?
Le scenario est inspiré de faits réelles, la revolte d'esclaves menée par
Spartacus contre Rome peu avant l'avènement de Cesar à la tête de
l'empire. Pendant un bon moment, le film se concentre surtout sur le
personnage de Spartacus : vendu à un formateur de gladiateurs, entrainé à
la dure loi de l'arène, puis sommé de se battre à mort avec un de ses
collègues pour les beaux de deux riches romaines. C'est alors qu'il
commence à glisser subtilement, alors que Spartacus se retrouve presque
malgré lui leader d'une révolution en marche (et dont on entend finalement
assez peu parler...), vers une analyse de la politique romaine pour le
moins enrichissante.
La principale force du film est d'ailleurs là : dépasser le stade du grand
spectacle rutilant pour analyser en profondeur les motivations de tout ce
remue-ménage. Des batailles ? Il n'y en a presque pas dans Spartacus. Des
discussions politiques dans les thermes de Rome, beaucoup plus ! Quand on
sait qui plus est que les principaux rôles sont tenus par Laurence
Ollivier ou Charles Laughton, il y a de belles tirades à prévoir. De fait,
le film montre merveilleusement comment le sort de Spartacus et de ses
comparses se joue au Sénat romain, ce qui se passe sur le terrain étant
ensuite couru d'avance. Un certain cynisme parcourt cette utopique
tentative de libération des esclaves, qui se finit d'ailleurs bien mal,
même si on essaie de nous faire croire à un simili happy end (génial, 3000
massacrés pour un gamin libéré).
Là où le bât blesse c'est qu'il y a quand même tout un pan du film qui se
préocuppe des amours de Spartacus et Varinia, à base de "oh comme la vie
sera belle quand on sera libre" et là c'est franchement cruche. À croire
que Kubrick n'a pas eu totalement la main sur le projet, ce qui se sent
aussi à quelques détails au niveau de la réalisation qui sont pour le
moins daté. Le mélange de scènes en décors naturels (très beaux pour le
coup) et de studio affreusement voyant. Le "This is Rome" devant le pan de
carton peint à l'huile, c'est à mourir de rire, et forcément, la tension
ambiante en prend un coup. Toutes le scènes dans la forêt sont aussi très
kitsch.
Drôle de décalage donc entre des moments vraiment excellents (la fameuse
scène de bain censurée mérite d'être mythique) et d'autres qui ne se
démarquent absolument pas du tout-venant du péplum carton-pâte de
l'époque. Un demi-Kubrick ? C'est déjà pas mal.
Roupoil, 25 septembre 2007.