Sleepy Hollow,

film de Tim Burton (1999)



Avis général : 9/10
:-) L'ambiance extraordinaire : le visuel magnifique, la musique géniale d'Elfman, le mystère et l'onirisme très bien rendus par Burton, le mélange de terreur et d'humour, le jeu adapté des acteurs...
:-( Le scénario qui se laisse suivre mais que Burton plombe par une scène d'explication vraiment facile à la fin, quelques scènes vraiment pas emballantes (Depp jouant au Sherlock Holmes, par exemple), on a déjà vu intrigue plus passionnante.

Ah, ça, c'est une critique que je vais faire le sourire aux lèvres. Sleepy Hollow est une des oeuvres qui correspondent le plus en ce qui me concerne au qualificatif de « film culte » si souvent galvaudé. J'ai beau lui trouver des tas de défauts au niveau de ce qui est quand même souvent le point essentiel dans un film, à savoir le scénario, ses qualités compensent à mon goût tellement largement ses imperfections que je continue passer un moment magique à chaque nouvelle vision (et je dois bien en être à cinq ou six depuis sa sortie).

Comme déjà signalé, le scénario n'est pas vraiment d'une inventivité extraordinaire, c'est apparement inspiré d'une légende bien connue des têtes blondes américaines : dans un petit village isolé des États-Unis, à la toute fin du dix-huitième siècle, une série de meurtres étranges est commise. L'inspecteur Ichabod Crane, peu apprécié par ses supérieurs new-yorkais du fait de son attirance pour les théories scientifiques et les instruments étranges, est envoyé pour enquêter sur place. Tout ce qu'il obtiendra des notables locaux est une étrange histoire de cavalier sans tête venu se venger. Convaincu de l'existence d'une explication rationnelle, il se lance sur la piste du mystérieux tueur.

L'histoire en elle-même n'est pas totalement ridicule, mais c'est la façon dont elle est traitée qui donne l'impression d'un certain je-m'en-foutisme de la part de Burton. Dans la mesure où c'est l'aspect fantastique qui l'intéresse, on saura très rapidement que le cavalier sans tête n'est pas qu'une légende, et les sombres histoires d'héritage qui sous-tendent les meurtes sont expédiées sans grande considération. La scène d'explication finale (oui, même s'il y a une bonne part de fantastique, il y a une explication à tout cela) semble carrément gêner Burton plus qu'autre chose, qui y engouffre un résumé des meurtres sans aucune imagination.

Parti de là, et si on s'en réfère à la conception d'Hitchcock de ce que doit être un grand film (trois éléments essentiels : un bon scénario, un bon scénario et un bon scénario), on voit mal ce qui peut justifier mon enthousiasme pour Sleepy Hollow. Eh bien, c'est simple, c'est tout le reste, tout ces à-côtés qui peuvent sembler mineur à première vue, mais qui constituent pour moi autant d'éléments indispensables à la qualité d'une oeuvre cinématographique (désolé Alfred ; finalement, c'est peut-être pour ça que je n'aime pas beaucoup tes films ;-) ). Et pour le coup, Burton nous a gâtés. Visuellement, c'est un bonheur : le film est très sombre (c'est l'histoire qui le veut), mais magnifiques, le village est très bien rendu, les costumes impeccables, et les petits plus (citrouilles chères à Burton, brouillard angoissant) sont distillés de façon à complètement envoûter le spectateur qui ne demande que ça. Le film est sanglant, bien sûr, mais n'est pourtant pas un film d'horreur, l'écarlate n'est qu'une des couleurs donnant une atmosphère étouffante au film et les morts sont courtes et indolores. À l'opposé, les couleurs claires des robes de la mère d'Ichabod (aperçue en rêve lors de quelques très belles scènes expliquant le traumatisme initial d'Ichabod sans avoir recours à la parole ; quel dommage que Burton n'ait pas su faire aussi elliptique et convainquant pour l'intrigue principale !) et la blondeur des cheveux de Kathrina forment un contrepoint rassurant pour le timide Ichabod, et pour le spectateur qui s'identifie à lui dans sa plongée dans un univers irrationnel et terrifiant qui le dépasse.

L'aspect fantastique, bien que finalement assez limité, est aussi formidablement retranscrit : inquiétant chevalier sans tête (et encore plus lorsqu'il l'a retrouvée, alors personnifié par Christopher Walken !) stressante sorcière au fond d'un bois, intrigantes invocations magiques. Les scènes d'action pure sont également très réussies, le point d'orgue de la réunion dans l'église en particulier. Et bien sûr, je ne pourrais pas terminer cette critique sans souligner le formidable accompagnement musical de Danny Elfman. À partir d'une seule mélodie entêtante qui revient tout au long du film, il compose une partition tour à tour stressante, poétique, violente, et en totale harmonie avec l'univers visuel recréé par Burton. Le CD de la BO est un bonheur à écouter même sans le support des images, ce qui est tout de même assez rare pour mériter d'être signalé.

Pour tous les amateurs de beaux livres d'images, d'ambiance gothique effrayante et attirante à la fois, de musique symphonique et qui ne seront pas trop regardant sur la qualité du bateau qui les transporte tant que le voyage se déroule dans un monde enchanté comme celui de Burton, Sleepy Hollow sera assurément un grand moment de bonheur et de frissons. Et on attend toujours le prochain film de Burton qui arrivera à la cheville de celui-ci.


Roupoil, 9 août 2004.



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