Ça faisait un petit que j'avais laissé mes innombrables
fans sur leur faim, puisque ma denrière critique doit dater d'il y a
quelques semaines. Ne vous inquiétez pas, le retard sera amplement
rattrapé d'ici deux ou trois jours. Au menu aujourd'hui, une question
existentielle : BD et cinéma font-ils bon ménage ? Je n'ai pas vraiment
souvenir d'adaptations de BD au cinéma ayant marqué durablement les
cinéphiles, mais il faut bien avouer que la bande annonce de cette
dernière tentative était assez alléchante...
Quelques vies se croisent dans Sin City, mégapole imaginée par Franck
Miller dans une BD d'une noirceur invraisemblable. Que les fans se
rassurent, la version ciné n'a rien perdu en glauquitude : meurtres par
dizaines, laplupart du temps atroces, viols, cannibalisme, tout y passe.
On ne croise presque que des repris de justice et des putes, de toute
façon, les autres ne valent guère mieux.
Je dois bien avouer que la toute première scène m'a fait un peu peur.
Certes, l'image est superbe (en noir et blanc agrémenté de subtiles tâches
de couleur, très fidèle au style de la BD), mais la sévère voix off et la
minutie de la mise en scène laissaient présager un film un peu pesant. Et
puis, en une rapide explosion de violence, le film prend aux tripes, et on
se plonge dedans avec délice.
Tout le reste est finalement à l'image de ce début. Des défauts assez
criants, et pourtant on se fait plaisir. Le problème majeur du film
découle directement de son origine : c'est un problème de rythme. Trois
histoires qui se chevauchent ainsi sans vraiment se croiser, avec un peu
trop de morts qui ressuscitent et una ction à la fois trop présente et
trop hachée pour être vraiment crédible, ça passe très bien en BD,
beaucoup moins au ciné. On suit cette succession d'invraisemblances sans
trop y croire, mais l'étalage d'horreurs (incroyable que le film ait
réussi à passer au travers de l'interdiction aux moins de 16 ans, au
passage : ça a beau être stylisé, c'est franchement gore) suffira à
intéresser les spectateurs les plus sadiques, dont je fais partie. De
plus, l'absence totale de personnalité des principaux protagonistes est
compensé par la pléïade de stars convoquée par Rodriguez (il a des amis à
Hollywood, cet homme...) qui, à défaut d'épaisseur psychologique, leur
transmettent un peu de leur charisme.
Et puis surtout, et c'est bien là l'intérêt du film, l'atmosphère visuelle
est vraiment extraordinaire. Le graphisme sombre de la BD semble
miraculeusement avoir été intégré, en mouvement qui plus est, au grand
écran. Rien que pour ça, Sin City restera un des films marquants
de cette année. Une suite est déjà prévue, espérons que le fond sera un
peu plus intéressant que dans ce premier opus (on ne se sontentera pas
deux fois de la forme !), mais celui-ci constitue déjà une bonne base pour
la comparaison.
Roupoil, 26 juin 2005.